Skinny Love

1.5K 40 8
                                        

Petite note en début d'histoire :

Avant de vous laisser lire cette nouvelle histoire, je tenais à vous laisser un petit mot car cette histoire évoque des sujets compliqués et qui peuvent être difficiles à lire pour certaines personnes. A travers mes histoires, j'essaye d'évoquer des sujets qui sont importants comme c'était le cas avec l'importance du consentement dans "Première fois", mais je l'ai écrit de façon mignonne on va dire. Là, pour cette histoire, c'est totalement l'inverse. Les sujets évoqués sont beaucouplus explicites même si je ne suis pas rentrée dans les détails. Je tiens aussi à préciser que ça reste mon imagination et que j'espère que rien de tout ça ne se soit réellement passé. 

TW : Violence, viol. 

----------------------------------------------------------------

Helena était en salle de chant, son regard fixé sur les paroles de Skinny Love devant elle, comme si elles pesaient lourd sur ses épaules. À ses côtés, Marlène lui expliquait certains passages, traduisant les mots pour qu'Helena puisse mieux se les approprier. Mais au fur et à mesure des explications, Helena se crispait, son visage se durcissait légèrement, trahissant l'inconfort qui montait en elle. Elle essayait de se concentrer, de plonger dans la musique, mais les paroles la heurtaient de plein fouet.

Marlène relança la bande son, prête à faire chanter Helena. Elle prit une grande inspiration et commença à chanter, mais avant même d'arriver au premier refrain, Marlène coupa brusquement la musique, sentant que quelque chose n'allait vraiment pas.

« Je te sens un peu down, » dit-elle avec douceur. « C'est pas forcément l'endroit où t'as envie d'aller là, pas vrai ? »

Helena baissa les yeux, tentant de garder un semblant de contrôle. « Ouais, ça me saoule... »

Marlène s'avança légèrement, ses yeux cherchant ceux d'Helena avec bienveillance. « C'est quoi qui te saoule ? »

Helena serra un peu les lèvres, ses yeux commençant à briller d'une émotion qu'elle tentait de contenir. « Là je vais pleurer... ça y est, fallait que ça sorte. » Sa voix tremblait légèrement, trahissant la lutte intérieure qu'elle menait pour garder ses émotions à distance.

Marlène ne la quitta pas des yeux, patiente. « C'est pas grave, » murmura-t-elle doucement. « Qu'est-ce qui te fait autant de mal ? »

Helena secoua la tête, son regard se baissant pour éviter celui de Marlène. « Je peux pas le dire, » murmura-t-elle, sa voix se brisant presque.

Marlène hocha doucement la tête, comprenant que certaines choses sont plus difficiles à partager. « Moi, j'aime bien aller chercher mes émotions, » confia-t-elle, sa voix empreinte de sagesse. « Mais y'en a que j'aime pas aller chercher. »

« Ouais, » souffla Helena, d'une voix à peine audible, comme si parler à voix haute risquait de briser la fragile carapace qu'elle essayait de maintenir.

Mais l'émotion devint trop lourde à porter, et Helena finit par craquer. Elle se laissa tomber au sol, juste derrière le piano, dans un coin où les caméras ne pourraient pas la voir. Elle ne voulait pas être vue dans cet état de vulnérabilité. Ses mains tremblaient légèrement alors qu'elle essuyait une larme qui s'échappait de ses yeux bleus. Les souvenirs, ces fantômes du passé qu'elle avait essayé d'enterrer, remontaient à la surface, la noyant dans une vague de douleur.

Marlène continua doucement. « J'ai pas envie parce que je ne veux pas penser à ça et j'ai l'impression que cette chanson te met un peu dans cette zone là. Je suis dans le vrai ? »

Helena, la voix brisée, murmura : « Ça me ramène à un truc que j'ai pas envie de me souvenir... et surtout, je veux pas donner d'importance à ce genre de personne. Me retrouver sur un prime TF1 en pensant à lui, c'est hors de question. J'ai pas envie... »

Marlène l'observa en silence quelques secondes, pesant ses mots. « Tu sais on dit toujours que pardonner à quelqu'un, c'est un cadeau qu'on se fait à nous donc le seul cadeau que tu te fais c'est à toi. Donc chante cette chanson justement un peu comme un point final. Qu'est-ce que tu en penses ? »

Helena essuya doucement ses larmes du bout des doigts, écoutant les paroles de Marlène qui faisaient écho en elle. « Bonne idée, » murmura-t-elle, presque pour elle-même.

Marlène sourit doucement et rassurée. « Tu crois que c'est possible ? »

« Oui, » répondit Helena, plus sûre cette fois, comme si quelque chose venait de se débloquer en elle.

Marlène relança la musique, prête à faire reprendre Helena, mais elle sentit rapidement que ce n'était pas le bon moment. L'émotion était encore trop fraîche, trop brute, pour qu'elle puisse chanter avec l'intensité nécessaire. Attentive, elle coupa rapidement la musique, laissant un instant de silence flotter dans la pièce.

« Je pense qu'on va s'arrêter là pour aujourd'hui avec cette chanson, » dit-elle doucement, son regard posé sur Helena. « On reprendra demain. »

Helena hocha la tête, soulagée. Elle avait conscience que c'était la meilleure chose à faire. Elle avait besoin de temps pour se détacher un peu de cette chanson, de digérer ses propres émotions. Pour chanter Skinny Love avec l'intensité nécessaire, elle devait d'abord trouver cette barrière émotionnelle, celle qui lui permettrait de transmettre chaque mot avec authenticité sans se briser devant le public.

Marlène la laissa respirer, lui donnant quelques minutes pour retrouver son calme. Puis, avec un sourire encourageant, elle ajouta : « Je pense que tu as besoin de te changer les idées. On a encore les duos à répéter ce soir. Tu peux aller chercher Pierre ? Il est avec Lucie. »

Le visage d'Helena s'éclaira un peu à l'idée de changer de sujet. « Yes, je vais les chercher. » Se levant avec un regain d'énergie, elle quitta la salle de chant, traversant rapidement le jardin pour éviter la morsure glaciale du mois de janvier. Le froid piquant contre ses joues l'aida à se recentrer.

En entrant dans le château, la chaleur l'enveloppa immédiatement, et elle sentit ses muscles se détendre. Elle se dirigea vers le salon où elle savait que Pierre répétait avec Julien. À peine arrivée, elle aperçut Lucie, en train de les aider avec leur duo. Les rires de Pierre et Julien résonnaient légèrement dans le salon, et Helena ne put s'empêcher de sourire en les entendant.

Lucie fut la première à la remarquer. Dès qu'elle la vit entrer dans la pièce, elle devina la raison de sa présence. « Tu as besoin de nous ? Marlène nous attend en salle de chant, c'est ça ? » demanda-t-elle avec un sourire.

Ce n'est qu'en entendant Lucie que Pierre détourna son attention de Julien. Son regard tomba sur Helena, et aussitôt, un doux sourire illumina son visage. Ce sourire qu'il avait toujours, chaque fois qu'elle apparaissait dans son champ de vision. Même s'ils s'étaient séparés il y avait à peine une heure pour répéter chacun de leur côté, il était toujours heureux de la revoir.

Mais lorsqu'ils se regardèrent, son sourire s'effaça doucement. Le sourire d'Helena était là, certes, mais ses yeux brillaient encore, légèrement rougis. Helena essayait de masquer ses émotions derrière une façade tranquille, mais il n'avait pas besoin de mots pour comprendre qu'elle venait de pleurer. Il la connaissait trop bien pour ignorer ces signes.

Lucie et Julien ne semblèrent rien remarquer et quittèrent la pièce, se dirigeant vers la porte du château pour rejoindre Marlène en salle de chant. Pierre resta figé un instant, une inquiétude visible dans son regard. Le léger pli qui barrait son front témoignait de sa préoccupation. Il fit un pas vers Helena, mais elle détourna les yeux, comme pour éviter de laisser transparaître davantage ce qu'elle ressentait.

Ils suivirent Lucie et Julien en silence, sortant du château et marchant côte à côte dans le froid hivernal. Pierre ne posa aucune question, mais il ne cessa de jeter des regards furtifs vers elle, essayant de comprendre ce qui la troublait.

Helena sentait son regard sur elle, cette inquiétude silencieuse qui pesait entre eux. Fidèle à lui-même, il respecta son silence. Elle sentait sa présence rassurante à ses côtés, et même s'il ne disait rien, elle savait qu'il avait deviné. C'était toujours comme ça avec lui. Sans un mot, il savait.

Pendant près de deux heures, Marlène et Lucie guidèrent Pierre et Helena à travers leurs répétitions, les faisant travailler sur les trois duos qu'ils allaient interpréter dans trois jours, lors du prime.

Les deux répétitrices ne pouvaient s'empêcher d'afficher un doux sourire en les observant chanter ensemble, complètement plongés dans leur bulle. Depuis presque trois mois, elles les avaient vus évoluer, grandir, et quelque chose en eux les avait particulièrement touchées. C'était un bonheur de travailler avec eux, de les voir se dépasser jour après jour. Marlène et Lucie s'étaient attachées à ces deux jeunes artistes, non seulement pour leur talent mais aussi pour cette alchimie si évidente qu'ils partageaient.

Quand ils étaient ensemble, le reste du monde s'effaçait. Ils ne calculaient plus personne, perdus dans leur propre univers, un univers où seuls leurs rires, leurs taquineries et leurs conversations avaient de l'importance. Au début, cette bulle avait un peu déstabilisé les autres autour d'eux. Ils avaient parfois tenté de s'immiscer dans leurs échanges, mais Pierre et Helena, dans leur monde, ne leur répondaient pas toujours. Pourtant, avec le temps, tout le monde avait appris à s'y faire, et c'était même devenu un running gag parmi les autres élèves. Ils avaient arrêté de compter le nombre de fois où Pierre et Helena ne répondaient pas à leurs appels ou questions, simplement parce qu'ils étaient trop absorbés l'un par l'autre.

Mais aujourd'hui, c'était différent. Marlène et Lucie le savaient. Dans trois jours, ce duo allait être temporairement séparé, et bien que ce ne soit que pour une petite semaine, elles devinaient que cela n'allait pas être facile, ni pour Pierre, ni pour Helena. Alors, voir ces deux-là profiter des derniers instants ensemble, savourer chaque moment, touchait les deux répétitrices.

Il était impossible de ne pas remarquer à quel point leurs voix se mariaient si naturellement. Chacune portait l'autre, comme si elles avaient été conçues pour se répondre. Il ne s'agissait plus simplement de deux personnes chantant ensemble, mais de deux âmes qui se rencontraient à travers la musique.

Les répétitions étaient sérieuses, Pierre et Helena portaient une grande partie du prime sur leurs épaules. Ils savaient ce qui était en jeu, et chacun voulait donner le meilleur de lui-même sur scène. Pourtant, malgré l'intensité du travail, l'atmosphère restait légère. Les rires fusaient entre deux moments de concentration, la complicité entre eux allégeait la pression. Ils se soutenaient mutuellement, s'encourageaient du regard, se corrigeaient sans jamais perdre leur bonne humeur.

Helena avait réussi à repousser les souvenirs douloureux qui l'avaient envahie plus tôt, enfouissant tout cela dans un coin de son esprit pour pouvoir se concentrer pleinement sur les répétitions. Elle s'était concentrée sur la musique, sur les répétitions, et avait laissé les émotions s'estomper. Lorsqu'elles touchèrent à leur terme, Helena se sentait plus légère, presque comme si rien ne s'était passé. Alors, quand Marlène la prit dans ses bras pour lui dire au revoir et murmura à son oreille de repenser à ce qu'elles s'étaient dit plus tôt, Helena fut un peu surprise.

« Pense à ce que je t'ai dit tout à l'heure, fais-le pour toi, » murmura Marlène doucement, assez bas pour que seule Helena puisse l'entendre. Quand elle mit fin à l'étreinte, elle chercha son regard. Helena hocha la tête avec une douceur résignée, consciente que Marlène avait raison. C'était la meilleure chose à faire.

Pierre, qui se trouvait à quelques pas, capta cependant une partie de leur échange, assez pour confirmer ce qu'il avait pressenti. Les yeux brillants d'Helena plus tôt n'étaient pas seulement dus au froid ou à la fatigue.

Helena donnait l'impression que tout allait bien, qu'elle maîtrisait parfaitement la situation. Le fait qu'elle essaie de dissimuler ce qu'elle ressentait le troublait. Il n'était pas sûr de ce qu'il devait faire. Était-ce à cause des caméras ? Peut-être qu'elle ne voulait pas que les téléspectateurs sachent ce qu'elle traversait. Ou bien, cela signifiait simplement qu'elle ne voulait en parler à personne, même à lui. Cette incertitude le rongeait.

Il se sentait un peu impuissant, frustré de n'avoir pas été là plus tôt, lorsqu'elle en aurait peut-être eu besoin. Depuis son arrivée dans la salle de répétition, elle avait tout fait pour que personne ne remarque que quelque chose n'allait pas. Mais Pierre la connaissait trop bien. Il savait lire dans les expressions les plus infimes de son visage, et il savait, à la manière dont ses yeux brillaient encore légèrement, que quelque chose clochait. Pourtant, il hésitait à aborder le sujet. Que devait-il faire ? Lui en parler directement, ou attendre qu'elle vienne à lui ?

Helena, de son côté, sentait le regard inquiet de Pierre sur elle. Elle savait qu'il avait compris que quelque chose n'allait pas, qu'il avait vu ses yeux brillants et son sourire un peu forcé. Mais elle n'était pas encore prête à tout dévoiler, pas à cet instant.

Lorsque Marlène s'approcha de lui pour lui dire au revoir, il la regarda avec une lueur d'interrogation. Savoir qu'Helena n'allait pas bien le touchait plus qu'il ne l'aurait cru possible. Il tenait tellement à elle que son humeur était inévitablement liée à la sienne. Quand elle était heureuse, il était rempli de joie, irradié par sa lumière. Mais quand cette lumière faiblissait, qu'un nuage passait sur son sourire, Pierre se sentait déstabilisé, presque impuissant, cherchant désespérément à savoir comment l'aider.

Marlène, en voyant le regard interrogateur de Pierre, comprit qu'il s'inquiétait. Lorsqu'elle le prit dans ses bras pour lui dire au revoir, elle lui murmura à l'oreille : « Essaie de voir si elle a envie d'en parler. » Ses mots étaient doux, presque protecteurs, et elle s'éloigna en lui lançant un dernier regard, certaine que s'il y avait quelqu'un à qui Helena se confierait, ce serait à Pierre.

Pierre répondit à Marlène par un sourire à peine esquissé et un hochement de tête discret, comme pour lui faire comprendre qu'il ferait de son mieux. Marlène et Lucie leur dirent au revoir une dernière fois avant de les quitter.

Une fois seuls, Helena sentit immédiatement le regard de Pierre se poser sur elle. Elle se retourna et croisa ses yeux, cette lueur inquiète qui ne le quittait pas. Elle savait qu'il se faisait du souci pour elle, mais elle ne voulait pas qu'il s'en fasse. Touchée par son attention, un sourire sincère vint éclairer son visage, un sourire qui disait "je vais bien", sans avoir besoin de mots. Entre eux, les mots étaient souvent superflus, surtout avec les caméras omniprésentes. Ils avaient appris à lire dans les gestes, dans les regards de l'autre, à se comprendre sans qu'il soit nécessaire de verbaliser tout ce qu'ils voulaient garder entre eux.

Ce sourire apaisa un peu Pierre. Il comprit qu'elle allait mieux, ou du moins assez bien pour qu'il ne s'inquiète pas plus. Il s'approcha doucement, passant un bras par-dessus ses épaules dans un geste protecteur. « Allez, on va rejoindre Julien, » dit-il avec douceur. Helena acquiesça, et ils commencèrent à traverser le jardin. Le bras de Pierre toujours posé sur ses épaules, elle glissa son bras autour de sa taille, s'appuyant légèrement contre lui. Leur silence n'était pas pesant, au contraire, il était empreint de cette complicité naturelle qui les liait. Ils n'avaient pas besoin de parler pour se comprendre, juste être ensemble suffisait.

Ils traversèrent le jardin ainsi, leurs corps proches, profitant de ce contact silencieux qui les rassurait tous les deux. La fraîcheur du soir mordait leurs visages, mais la chaleur entre eux rendait ce moment presque doux. Arrivés au château, ils retrouvèrent Julien déjà installé à table. Le repas se déroula dans une ambiance chaleureuse, bien que teintée d'une certaine mélancolie.

Tous trois savaient que ces moments partagés touchaient à leur fin.Ils savaient tous que, dans trois jours, l'un d'eux ne reviendrait pas au château après le prime. Julien, déjà qualifié pour la finale, se réjouissait d'être là jusqu'à la fin, mais même pour lui, l'idée de dire au revoir à l'un de ses deux amis lui serrait le cœur.

Au-delà de la compétition, ce moment marquait aussi la fin d'une aventure. La fin de l'aventure approchait, et bien que cela leur semblait encore irréel, le compte à rebours avait bel et bien commencé. Dans à peine dix jours, tout serait fini. Ces repas, ces rires partagés, bientôt, ils appartiendraient tous au passé. Ils en étaient conscients.

Après le dîner, une pause CSA fut annoncée. Helena en profita pour s'éclipser dehors, une cigarette entre les doigts, cherchant un peu de solitude et d'air frais. La nuit de janvier était fraîche, mais l'air piquant lui fit du bien. Elle s'éloigna un peu du château, cherchant un coin tranquille. En allumant sa cigarette, elle inspira profondément, laissant ses pensées vagabonder.

Le silence de la nuit l'enveloppa, et elle se retrouva à penser à ces trois derniers mois, à la manière dont sa vie avait changé, aux liens qu'elle avait créés, mais aussi à ce que Marlène lui avait dit plus tôt. Helena savait qu'elle avait encore des blessures à panser, mais pour la première fois, elle envisageait de le faire. Non pas pour les autres, ni même pour cette personne qui l'avait blessée, mais pour elle-même. Elle tira une bouffée de sa cigarette, expira lentement, espérant, peut-être, enfin tourner la page.

Ses pensées la ramenèrent cinq ans en arrière, à une des périodes les plus sombres de sa vie. Elle avait cru avoir tourné la page, être passée à autre chose, mais tout revenait maintenant, plus vif et douloureux qu'elle ne l'aurait imaginé. Marlène avait raison : pour aller de l'avant, elle devait pardonner. Pas pour lui, mais pour elle-même. Et c'était là que résidait le vrai défi. Helena venait de prendre conscience que, même si la douleur avait diminué avec le temps, la colère, elle, n'avait jamais vraiment disparu. Une colère sourde, non pas tant à cause de ce qu'il lui avait fait endurer, mais pour l'impact que cela avait toujours sur elle, des années plus tard.

Elle tira une dernière bouffée de sa cigarette, sentant la fumée emplir ses poumons avant de l'expulser doucement dans la nuit froide. Encore aujourd'hui, sa confiance en elle était fragile, vacillante, comme un château de cartes prêt à s'effondrer au moindre souffle. Sa confiance en elle, déjà fragile, avait été brisée par cet homme, et même aujourd'hui, elle avait du mal à se reconstruire complètement. Il avait laissé des cicatrices invisibles, des marques profondes qui, malgré sa force apparente, l'empêchaient de pleinement croire en elle-même.

Elle avait tant de mal à croire en ses capacités, à voir sa propre valeur. Et pire encore, elle se méfiait des autres. L'idée de laisser quelqu'un s'approcher d'elle, de la connaître vraiment, de lui faire confiance, l'effrayait. Avant son arrivée à la Star Academy, cette peur était presque paralysante. Elle craignait de s'ouvrir, de risquer d'être à nouveau blessée.

Mais quelque chose avait changé au cours de ces derniers mois. Peu à peu, elle avait appris à baisser sa garde, à s'ouvrir, d'abord timidement, puis de manière plus sincère. L'amitié qu'elle avait trouvée ici, la tendresse des autres académiciens,... Tout cela avait réussi à percer l'armure qu'elle avait forgée autour de son cœur.

Et pourtant, ce soir, la colère revenait en force, se heurtant à cette bulle de douceur qu'elle avait construite dans ce château. La colère contre elle-même, pour l'importance qu'elle accordait encore à cette histoire, pour la place qu'elle laissait à ce passé toxique dans son présent. Elle s'en voulait, de ne pas avoir totalement su s'en libérer. Elle pensait que tout ça était derrière elle, relégué au passé. Mais elle se trouvait là, seule dans le froid, en proie à ces souvenirs qui ne voulaient pas la laisser tranquille. Comme un film projeté dans son esprit, les images défilèrent, trop nettes, trop précises, comme si tout cela s'était passé hier.

Elle revoyait ses propres erreurs, ses faiblesses, et cette culpabilité qu'elle pensait avoir enterrée avec les années. Culpabilité d'avoir laissé faire, d'avoir permis à cet homme de la blesser autant. Elle avait pourtant passé des mois, des années même, à se convaincre que ce n'était pas de sa faute. Qu'elle n'avait rien fait pour mériter ce qu'elle avait subi. Mais les démons avaient la peau dure. Ils attendaient, tapis dans l'ombre, la moindre occasion pour remonter à la surface, prêts à la dévorer toute entière au premier signe de faiblesse.

Helena soupira, ses doigts tremblant légèrement dans le froid. Elle réalisa qu'elle n'avait jamais vraiment affronté cette douleur. Elle l'avait enfouie, profondément, espérant que le temps et la distance suffiraient à la faire disparaître. Mais le temps ne guérit pas toujours tout, et les blessures qu'il lui avait infligées continuaient de saigner en silence. Ce soir, elle comprenait qu'elle devait vraiment passer à autre chose.

Alors, elle se fit une promesse, là, dans le froid de la nuit. Samedi, quand la dernière note de Skinny Love résonnerait sur le plateau, ce serait fini. Elle tournerait la page. Elle tirerait un trait définitif sur cette histoire et sur cette personne. Elle ne laisserait plus jamais ce passé la hanter. Parce qu'elle méritait mieux.

Alors qu'elle s'apprêtait à se lever pour rentrer à l'intérieur, elle sentit une présence familière à ses côtés. Pierre venait de s'asseoir à côté d'elle, sans un mot. Il laissa s'installer un silence confortable, un silence qui n'avait rien de pesant. Il tourna son regard vers elle, attentif à chaque détail de son visage. Il pouvait lire, à travers ses traits tendus et son air pensif, le tumulte qui régnait dans sa tête. Elle fixait un point devant elle, perdue dans ses pensées, et il en fit de même.

D'une voix douce, presque hésitante, il brisa le silence. « Tu veux en parler ? » Sa question flottait entre eux, sans pression. Helena inspira légèrement avant de répondre, tentant de minimiser. Helena répondit machinalement, presque trop vite : « C'est rien... Juste la fatigue et le stress qui s'accumulent. »

Pierre hocha la tête doucement, mais il n'était pas dupe. « Je t'ai vu, tout à l'heure. Tes yeux brillaient quand tu es venue me chercher. Et... » Il hésita, conscient que ce qu'il allait dire pouvait la désarmer, « J'ai aussi entendu ce que Marlène t'a dit quand elle t'a prise dans ses bras. »

Helena commença à prononcer son prénom, voulant sans doute repousser l'idée de s'ouvrir, mais il l'interrompit doucement. « Tu n'es pas obligée de me parler si tu ne veux pas. Je ne te forcerai jamais à le faire. Mais... ça ne sert à rien de me dire que tout va bien si ce n'est pas le cas. » Son regard se posa enfin sur elle, ses yeux débordant de sincérité. « Je veux juste m'assurer que tu ailles bien. Et si ce n'est pas le cas, je suis là, Hele. Vraiment là, pour toi. »

Leurs regards se croisèrent. Pierre pouvait lire dans les yeux d'Helena une profonde reconnaissance. « Merci d'être là, Pierre... » murmura-t-elle. Mais elle n'osa pas soutenir son regard plus longtemps et détourna les yeux, fixant à nouveau le vide.

Après un moment, elle finit par parler, sa voix plus fragile qu'elle ne l'aurait voulu. « Marlène... elle m'a expliqué et traduit certains passages de Skinny Love pour que je m'imprègne vraiment de la chanson. » Elle fit une pause, ses pensées se mélangeant. « Ça a fait remonter de très mauvais souvenirs. »

Pierre resta silencieux, ses yeux attentifs à chaque mouvement de son visage. Il la laissait parler, sans la forcer, mais en lui montrant qu'il était là, qu'il l'écoutait. « Marlène a vite compris que ça n'allait pas... alors elle n'a pas trop insisté avec cette chanson aujourd'hui. »

Sa voix se brisa légèrement avant qu'elle ne se reprenne. « Elle me fait penser à une personne en particulier. Quelqu'un qui est responsable de ces mauvais souvenirs. Et ça m'énerve de penser à lui en la chantant. Ça m'énerve tellement. » Elle murmura les derniers mots, comme un aveu presque honteux.

Pierre fronça légèrement les sourcils en entendant le lui. Il comprit que la douleur d'Helena avait une source bien précise. Il sentait qu'Helena portait encore le poids de ce passé qui la consumait lentement de l'intérieur. « Je pensais que c'était derrière moi, que j'avais réussi à aller de l'avant... mais je me rends compte que non. »

Après un moment, Pierre osa poser la question qui lui brûlait les lèvres. « Tu en as déjà parlé ? Est-ce que tu t'es confiée à quelqu'un ? »

Helena tourna son visage vers lui, le fixant un instant avant de répondre, sa voix un peu hésitante. « Oui... et non. » Elle baissa les yeux, incapable de soutenir son regard plus longtemps. « Mes proches savent certaines choses, mais... je n'ai jamais tout raconté. Je n'ai jamais eu le courage de le faire. Peut-être... » Elle soupira, cherchant les mots justes. « Peut-être par honte. Je sais que ça n'a pas de sens, mais c'est ce que je ressens. »

Pierre fronça légèrement les sourcils, non pas par jugement, mais par tristesse. « Tu n'as pas à avoir honte, Helena. Ce n'est pas toi qui devrais porter cette culpabilité. »

Elle hocha lentement la tête, mais il voyait bien que ses démons intérieurs étaient coriaces. « Je n'y connais rien à ce genre de choses... mais peut-être que parler pourrait t'aider. Tout garder en toi, ce n'est pas la meilleure solution. » Il choisit ses mots avec soin. « Mettre des mots sur ce que tu as vécu, ça pourrait te libérer d'un poids. Et je suis là, si tu veux essayer. »

Helena ne répondit pas tout de suite, mais elle sentit une vague de gratitude la submerger. Pierre ne la pressait pas, ne la forçait pas, mais il lui offrait une ouverture, un espace pour libérer ce qui l'étouffait.

Helena hocha doucement la tête, murmurant un faible « Je sais ». Elle savait qu'il avait raison, qu'elle devait parler. Pourtant, une part d'elle craignait que partager cette histoire ne change le regard de Pierre sur elle. Ce doute s'était installé en elle, mêlé à cette culpabilité qui refusait de partir.

Pierre, observant son hésitation, glissa délicatement une mèche de cheveux derrière son oreille, son geste tendre la forçant à tourner la tête vers lui. Il planta ses yeux dans les siens, essayant de la rassurer. « Tu peux tout me dire, tu sais ? » murmura-t-il. Sa voix était calme, rassurante. Il ne la pressait pas.

Helena hocha la tête à nouveau, comme pour lui montrer qu'elle était d'accord, qu'elle voulait essayer, même si chaque fibre de son être la poussait encore à tout garder en elle. Pierre, attentif, glissa sa main sur la sienne qui reposait sur sa jambe. Le contact la rassurait, et elle entremêla leurs doigts, comme si ce simple geste pouvait lui donner la force nécessaire pour parler.

Voyant qu'elle hésitait encore, il murmura doucement : « Si tu commençais par me dire qui est ce lui. »

Le cœur battant, Helena se lança. « C'est... mon ex, et aussi ma première vraie relation. On s'est mis ensemble il y a cinq ans. Au début, tout allait bien et comme dans beaucoup de premières relations... tout est beau, tout est rose. » Elle sourit tristement à ce souvenir, mais sa voix trahissait la douleur. « C'était la personne la plus importante à mes yeux. Puis, un jour, tout a changé, sans que je m'en rende compte. »

Elle marqua une pause, ses pensées se bousculant dans sa tête.

« Ça s'est fait progressivement... Il est passé d'un petit ami attentionné à quelqu'un qui faisait des critiques subtiles, comme si de rien n'était. Il critiquait ce que je disais, ce que je faisais. Même mes vêtements n'étaient plus à son goût. Il disait que c'était pour mon bien, que c'était juste des conseils. » Helena ferma les yeux un instant, revivant ces moments d'incertitude et de manipulation.

« Au début, il avait toujours des mots doux pour me réconforter après ces critiques, pour me faire croire qu'il se souciait de moi. Mais, petit à petit, les critiques ont commencé à s'accumuler, et les paroles douces ont disparu. » Sa voix se brisa légèrement sur cette dernière phrase, comme si revivre ces souvenirs l'éreintait.

Pierre écoutait en silence, ses doigts entrelacés aux siens, dessinant des cercles apaisants avec son pouce sur le dos de sa main. Ce geste, aussi simple soit-il, lui donnait l'impression qu'elle n'était pas seule.

« Au début... » Elle fit une pause, tentant de rassembler ses pensées. « Au début, je lui répondais. Je savais que ses remarques n'étaient pas normales. Mais petit à petit... » Elle baissa les yeux, honteuse, même si elle savait au fond que ce n'était pas à elle d'avoir honte. « Petit à petit, je me suis tue. Il a réussi à me faire croire que tout était de ma faute. Que si je ne faisais pas ceci, si je ne disais pas cela, alors il n'aurait pas à me critiquer. » Sa voix devenait de plus en plus faible.

Elle baissa les yeux, les fixant sur leurs mains jointes. « J'ai fini par me taire, par ne plus rien dire, par peur. »

Helena sentit son estomac se nouer en revivant ces moments. « J'essayais de tout faire pour être parfaite à ses yeux... mais il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas. Toujours. » Elle cligna des yeux, chassant les larmes qui menaçaient de tomber.

Tout en parlant, elle sentit la main de Pierre se serrer un peu plus autour de la sienne, lui offrant un apaisement subtil mais constant. Elle réalisait que partager cette histoire ne la rendait pas faible aux yeux de Pierre. Au contraire, il était toujours là, avec cette même bienveillance, lui offrant un espace sûr pour continuer.

Elle respira profondément, puis poursuivit : « Il m'a brisée. Et pendant longtemps, je me suis battue pour recoller les morceaux... seule. »

« Tout s'est arrêté à un moment... du moins c'est ce que je pensais. Mais avec du recul, je sais qu'il essayait juste de me manipuler, pour me mettre en confiance. Pour que je dise oui... pour aller plus loin. Pour faire ma première fois avec lui. » Sa voix trembla légèrement, mais elle inspira profondément et poursuivit. « Après ça, après notre premier rapport, les critiques sont revenues, mais cette fois, c'était pire. Les insultes ont commencé. Il avait toujours des paroles rabaissantes... et petit à petit, j'ai fini par croire à tout ce qu'il disait. »

Pierre ne bougeait pas, il l'écoutait avec la même intensité, mais elle pouvait sentir sa tension monter. Ses doigts, auparavant doux et rassurants, s'étaient resserrés autour des siens, comme s'il se retenait de laisser sa colère éclater.

« Un jour, j'ai vu un message sur son téléphone. C'était une fille de notre école... Et il n'y avait aucun doute sur la nature de leur relation. » Helena sentit une vague de douleur la submerger en repensant à ce moment-là. « Il me trompait avec elle. »

Pierre détourna brièvement les yeux, serrant les dents, la mâchoire contractée. Il ne comprenait pas comment quelqu'un pouvait faire une chose pareille. Mais il se retint, se concentrant sur Helena, qui continuait à vider son sac.

« Je ne sais pas d'où j'ai trouvé le courage, mais la colère m'a donnée la force de le confronter, alors que je n'osais plus lui faire face depuis des semaines. J'étais furieuse, je me suis énervée comme jamais avant... et lui, il restait de marbre. Comme si ça ne lui faisait ni chaud ni froid. » Elle marqua une pause, les larmes lui montant aux yeux à mesure qu'elle revivait cet instant.

« Quand il a enfin relevé les yeux sur moi, j'ai compris que ça ne lui avait pas plu, mais j'étais tellement en colère. J'étais tellement fatiguée d'avoir peur, que pour la première fois, cette peur s'est envolée. »

Elle tourna la tête légèrement vers Pierre, son regard brillant de larmes qui menaçaient de couler. « Avec du recul, je me demande comment j'ai pu aimer quelqu'un comme lui. Comment c'était possible d'éprouver de l'amour pour une personne pareille. »

Helena reprit, sa voix à peine plus qu'un murmure. « Il m'a demandé... si je me sentais vraiment assez incroyable, ou même seulement suffisante, pour qu'il n'ait pas besoin d'aller voir ailleurs. » Sa voix trembla de rage en répétant ces mots qui lui avaient déchiré le cœur. « Et c'est à ce moment-là que je lui ai demandé... si, à un moment, il avait vraiment ressenti de l'amour pour moi. »

Il vit des larmes silencieuses commencer à rouler le long de ses joues. « Il n'a rien répondu. Alors je lui ai dit que c'était terminé. Que je ne pouvais plus... que je ne voulais plus être avec quelqu'un comme ça. »

Pierre sentit sa gorge se nouer. Il savait déjà, quelque part en lui, ce qu'elle allait dire, mais il attendait, immobile, le cœur lourd.

Sa respiration devint saccadée, et elle marqua une pause avant de continuer. « J'ai à peine eu le temps de terminer ma phrase que... » Sa main tremblait légèrement, et Pierre resserra instinctivement son emprise sur elle. « Sa main m'a frappée tellement fort que je suis tombée. »

Pierre sentit une vague de colère monter en lui. Il ne pouvait comprendre comment quelqu'un avait pu oser lever la main sur elle.

Helena avait les yeux rivés sur le sol, comme si elle pouvait encore ressentir l'impact sur sa joue. « Quand je l'ai regardé... » Helena tremblait légèrement. « Quand j'ai levé les yeux vers lui, il n'y avait aucune once de remord. Rien. Il s'est approché et m'a dit que je n'avais pas mon mot à dire sur la fin de notre relation. Et que je devrais m'estimer heureuse qu'il soit là pour moi, parce que, selon lui, aucun autre homme ne voudrait de moi. »

Helena tourna finalement les yeux vers Pierre, et il vit les larmes qui coulaient librement sur ses joues. Elle semblait fragile, vulnérable, mais aussi incroyablement courageuse. « Je ne sais même plus ce que j'ai dit à mes parents ou à mon frère quand je suis rentrée ce soir-là... avec la joue bleue. Mais ils m'ont crue. »

Il essuyait doucement les larmes qui coulaient inlassablement sur les joues d'Helena, même s'il savait que de nouvelles les remplaceraient immédiatement. Son cœur se serrait à chaque sanglot qu'il voyait, et la colère grandissait en lui, une colère sourde qu'il tentait tant bien que mal de réprimer. Ses yeux s'embuèrent légèrement, mais il refusait de pleurer. L'idée que quelqu'un ait pu la briser à ce point le rendait fou.

Pierre était envahi par des images qu'il imaginait en écoutant Helena, des scènes qui lui donnaient envie de trouver ce mec, de le forcer à payer pour tout ce qu'il avait fait. Il se promit intérieurement que si jamais il croisait un jour sa route, il lui ferait regretter chaque geste, chaque mot qui avait détruit Helena de l'intérieur.

Après une courte pause, Helena reprit son récit, sa voix faible mais déterminée. « Cette gifle... c'était la première fois qu'il levait la main sur moi. Mais après... » Elle marqua une pause. « Après, il a eu l'intelligence de frapper là où personne ne pouvait le voir. Il faisait attention pour que personne ne se doute de rien. »

Elle s'arrêta, sa gorge se nouant alors qu'elle se préparait à révéler quelque chose qu'elle n'avait jamais dit à personne.

« Ce que je n'ai jamais dit à personne... » Sa voix se brisa encore, mais elle continua, même si chaque mot semblait lui coûter un immense effort. « C'est qu'à plusieurs reprises... il m'a forcée à avoir des rapports avec lui. » Elle avala difficilement, et Pierre sentit ses muscles se tendre à ces mots. « Il n'était jamais violent dans ces moments-là... mais il savait comment faire pour que je cède. »

Helena croisa brièvement son regard, y lisant à la fois de la tristesse et de la rage contenue. Elle détourna à nouveau les yeux, incapable de supporter la réaction qu'elle voyait sur son visage. « C'était de la manipulation psychologique, » continua-t-elle. « Il savait quoi dire. Il me disait que si je l'aimais vraiment, je devais répondre à ses envies. Que si je le faisais, il n'aurait pas besoin d'aller voir ailleurs. »

Elle se tut un instant, laissant les mots flotter entre eux, comme une vérité trop longtemps enfouie qui enfin voyait le jour. « Il m'a fallu des mois après notre rupture pour comprendre que c'étaient des viols. À l'époque... » Sa voix se fit plus tremblante. « J'étais l'ombre de moi-même. Je faisais tout pour éviter de me retrouver seule avec lui. Mais il trouvait toujours un moyen. Toujours. »

Le regard de Pierre se durcissait à mesure qu'il entendait son récit. Il se sentait impuissant. Pour qu'elle sache qu'il était là pour l'écouter, pour la soutenir.

Pierre la prit délicatement dans ses bras, veillant à respecter les limites qu'Helena pourrait avoir. Il savait que même s'ils avaient souvent partagé ce genre de proximité, après tout ce qu'elle venait de révéler, il ne voulait pas prendre ce geste pour acquis. Malgré tout, elle se blottit contre lui, cherchant instinctivement son réconfort. Il serra légèrement ses bras autour d'elle.

« C'est ma mère qui a vu les bleus la première, » murmura Helena après un long moment, sa voix un peu plus stable maintenant. « J'avais oublié de fermer la porte de la salle de bain et... elle est entrée. Elle a vu les bleus que j'avais au niveau des côtes... »

Pierre sentit Helena se crisper légèrement en évoquant ce moment. Il resserra son étreinte. « Face à son inquiétude, j'ai craqué... Je lui ai tout dit. » Sa voix était basse, comme si elle parlait plus à elle-même qu'à lui. « Elle m'avait demandé des dizaines de fois ce qui n'allait pas, mais j'étais devenue tellement fermée... J'étais constamment sur la défensive avec mes proches. »

Pierre pouvait imaginer la scène : Helena, vulnérable, cachant ses douleurs derrière un mur de silence, et Brigitte, désespérée, essayant de comprendre ce qui la rongeait.

Elle prit une pause, laissant ses souvenirs remonter à la surface. « Ce jour-là, j'ai tout lâché. Enfin, presque tout... J'ai omis de parler des..., » n'arrivant pas à terminer sa phrase. « À ce moment-là, je ne réalisais même pas à quel point il avait manipulé mon esprit... à quel point c'était grave. Je n'arrivais pas à mettre des mots dessus à l'époque, je ne comprenais même pas vraiment ce qu'il m'avait fait.»

« Mes parents m'ont accompagnée pour porter plainte, » dit-elle finalement, la voix plus distante, comme si elle s'efforçait de raconter les faits sans trop s'y attarder. « Après ça, je suis allée à l'hôpital pour faire constater les blessures. Là-bas, on m'a demandé s'il s'était passé autre chose... » Elle s'interrompit, puis, d'une voix presque imperceptible, ajouta : « Mais... j'ai gardé le silence sur le reste. Même si je pense que certains ne m'ont pas crue. Je ne voulais pas rajouter ça à ma famille... Je me sentais déjà tellement coupable de leur avoir imposé tout ce chaos... je ne pouvais pas leur faire ça en plus. »

Pierre sentit son cœur se serrer à ces mots. Elle portait le poids de la honte et de la culpabilité depuis si longtemps, alors qu'elle n'aurait jamais dû se sentir responsable de ce qu'elle avait traversé. Il déposa un léger baiser sur le sommet de sa tête, essayant de lui transmettre tout l'amour et la protection qu'il ressentait pour elle.

« Tu n'as rien brisé, Helena, » murmura-t-il doucement. « C'est lui qui a essayé de te détruire, pas toi. Tout ce que tu as fait, c'était survivre, et tu l'as fait avec une force incroyable. Tu n'as rien à te reprocher. »

Helena le remercia doucement, même si ses yeux étaient encore embués de larmes, un sentiment de légèreté s'était installé en elle. Elle se sentait libérée d'un poids qu'elle avait porté bien trop longtemps seule. Pierre resserra son étreinte.

« Tu n'as pas besoin de me remercier, » lui dit-il tendrement. « Je serai toujours là pour toi, tant que tu me le permettras. Je te le répéterai autant de fois qu'il le faudra mais tu n'as rien à te reprocher, et ce n'est pas à toi d'avoir honte. » Il fit une pause, plongeant son regard dans le sien avec une douceur infinie. « Et je te promets que je ne laisserai jamais personne te faire du mal. Jamais. »

Elle se blottit un peu plus contre lui, son corps se détendant enfin. Elle savait qu'il ne disait pas ces mots à la légère, et cette assurance la réconfortait plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Après un moment de silence, Pierre laissa sa voix douce percer le calme de la nuit.

« Est-ce que tu te sens un peu mieux ? » demanda-t-il en cherchant ses yeux.

Helena se redressa légèrement, plongeant son regard dans le sien. « Oui, » répondit-elle d'une voix plus stable. « Ça fait du bien de parler. C'était difficile, mais je me sens plus légère maintenant, comme si un poids s'était enlevé. »

Pierre essuya tendrement les dernières traces de larmes sur ses joues, puis s'approcha pour déposer un baiser léger sur son front, ses doigts caressant sa joue avec une infinie tendresse. Helena ferma les yeux à ce contact, un sourire timide se dessinant sur ses lèvres, comme une petite lueur après la tempête. En se reculant, Pierre remarqua ce sourire et ne put s'empêcher de sourire aussi.

« Je ferai toujours tout pour que ce sourire reste sur ton visage, » dit-il avec une sincérité qui fit écho dans ses mots.

Helena éclata de rire, un rire doux qui semblait chasser les ombres de la nuit. « Beau parleur, » murmura-t-elle, un sourire taquin aux lèvres.

Mais rapidement, le regard de Pierre devint plus sérieux, son sourire s'adoucit alors qu'il reprenait la parole« Ce n'est pas juste des mots en l'ai, Hele. Je le pense vraiment. »

Elle le regarda, profondément touchée par ses mots. Dans ses yeux, elle pouvait voir la dévotion et la bienveillance qu'il lui portait, des sentiments qui se reflétaient dans chaque geste qu'il avait envers elle. Elle plongea alors son regard dans le sien, cherchant à lui montrer à travers ce contact visuel ce qu'elle n'était pas encore prête à dire à haute voix. Doucement, elle déposa un baiser à la commissure de ses lèvres, un geste léger mais chargé de sens. Un geste doux et intime qui parlait pour elle. Puis, sans un mot, elle se blottit à nouveau contre lui, le cœur un peu plus apaisé.

Puis elle se blottit à nouveau dans ses bras, sentant la chaleur et la sécurité qu'il lui offrait. Ce n'était peut-être qu'un simple geste, mais pour eux, cela signifiait tout. Ce n'était pas le moment d'aller plus loin. La soirée avait déjà été riche en émotions. Ils n'avaient pas besoin de plus pour le moment, simplement de ce lien, de cette promesse silencieuse qu'ils partageaient.

Helena avait simplement suivi son instinct, poussé par ce que les yeux de Pierre lui disaient, sans que des mots ne soient nécessaires. Pierre la serra contre lui, son cœur apaisé par cette connexion. Ils avaient tout le temps du monde pour aller plus loin, mais surtout, Helena avait encore besoin de temps pour se reconstruire, et elle le savait, serait à ses côtés, quoi qu'il arrive.


--------------------------------------------------------------

Je pense que vous demandez si vous avez aimé n'est pas très approprié au sujet de l'histoire mais j'espère que j'ai réussi à transmettre toutes les émotions.

Encore une fois cette histoire vient d'un moment où Helena répète Skinny Love avec Marlène et s'effondre. Ce moment m'a littéralement brisé le cœur. Et j'ai mis du temps avant de savoir dans quelle direction aller, j'ai hésité un moment pour savoir jusqu'où aller. Je voulais sortir cette histoire avant qu'on ait potentiellement Mauvais Garçon et qu'on en apprenne peut-être un peu plus sur cette histoire.  

Je vous dis à la semaine prochaine pour une prochaine histoire qui sera certainement plus courte, j'ai 2-3 idées d'histoires qui seront relativement courtes et que je garde pour les moments où j'ai un peu moins de temps pour écrire.

J'attends vos retour 😊

One Shot - PierrinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant