Thomas avait toujours été quelqu'un de discret, préférant affronter ses batailles en privé. Lorsqu'il découvre l'opportunité de tester un exosquelette dans un centre spécialisé pour personnes handicapées, il y voit une chance, mais aussi un défi qu'il n'est pas encore prêt à partager avec sa famille. Léo et Gabi ont toujours été son plus grand soutien, mais Thomas veut être certain que ce nouveau dispositif fonctionne pour lui avant de soulever de faux espoirs.
Chaque matin, après avoir déposé Gabi à l'école et dit au revoir à Léo, il se rend discrètement au centre. L'équipe médicale l'accueille avec enthousiasme, voyant en lui une détermination sans faille. Le premier jour où il enfile l'exosquelette, il est nerveux. Le dispositif est imposant, les sangles serrées autour de ses jambes le mettent mal à l'aise, mais il sait que c'est un pas nécessaire. Avec l'aide des kinésithérapeutes, Thomas se lève, tremblant, et fait ses premiers pas. Chaque mouvement est une victoire, chaque pas un triomphe silencieux.
Les semaines passent, et Thomas progresse. Chaque session est un peu moins incertaine que la précédente, et il commence à retrouver des sensations qu'il croyait avoir perdues pour toujours : l'impression du sol sous ses pieds, la sensation de se tenir debout, de se déplacer par lui-même. Pourtant, malgré ce succès, il continue à garder ce secret. Il retourne chaque jour chez lui en fauteuil roulant, menant sa vie comme avant, dissimulant son espoir sous une façade de normalité.
Son hésitation à en parler à Léo et Gabi est profonde. Il sait qu'ils seraient heureux pour lui, qu'ils célébreraient cette victoire à ses côtés. Mais une part de lui craint de leur offrir un espoir prématuré. L'exosquelette, bien qu'efficace, ne lui permet pas encore une mobilité fluide et naturelle. Chaque pas est calculé, chaque mouvement encore légèrement mécanique. Il ne veut pas leur montrer une version incomplète de son rétablissement, préférant attendre le moment où il pourra marcher à nouveau avec plus de fluidité, sans assistance constante.
Au centre, les thérapeutes l'encouragent à partager ses progrès avec ses proches. « Ils méritent de savoir, Thomas. C'est une grande avancée, et cela pourrait les rassurer de voir tes progrès. » Mais Thomas secoue la tête à chaque fois. « Pas encore, » répond-il. « Je veux être sûr. » Pour lui, marcher doit être une certitude, un retour véritable à une autonomie partielle, pas seulement une possibilité temporaire.
Un jour, après une séance particulièrement éprouvante mais réussie, Thomas reste plus longtemps que d'habitude au centre, seul dans la salle d'entraînement. Il se tient devant un grand miroir, observant son propre reflet, debout dans l'exosquelette. Il est frappé par l'ironie de la situation. Après tant d'années à dépendre de son fauteuil roulant, il est à nouveau debout. Mais personne ne le sait, personne n'a vu ce qu'il a accompli. Un sentiment de solitude l'envahit.
De retour à la maison, Thomas est silencieux, réfléchissant à la manière dont il pourrait annoncer cette nouvelle à Léo. Il imagine la réaction de son mari : Léo, avec son énergie débordante, qui éclaterait de joie en le voyant debout. Et Gabi, qui serait fasciné par cette nouvelle technologie, fier de voir son père faire des pas vers une indépendance retrouvée.
Pourtant, à chaque fois qu'il envisage de leur parler, quelque chose le retient. Peut-être est-ce la peur de la déception, s'il venait à régresser. Peut-être est-ce simplement son désir de préserver leur routine, de ne pas bouleverser l'équilibre familial qui s'est construit autour de sa paralysie.
Finalement, un soir, alors que la maison est calme, Thomas observe Gabi jouer dans le salon, ses petits pieds trottinant joyeusement sur le sol. Léo, assis non loin, sourit en lisant un livre. Thomas sent un pincement au cœur. Il réalise qu'il ne peut plus garder cela pour lui. Sa famille mérite de savoir, même si les résultats ne sont pas définitifs. Le poids du secret devient trop lourd à porter seul.
Il décide que demain sera le jour où il leur montrera. Il ne sait pas comment ils réagiront, mais il sait que garder cela en lui ne fait que creuser un fossé entre lui et les personnes qu'il aime le plus.
Avec cette résolution, Thomas se sent un peu plus léger.