Chapitre 3

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Les filles défilent une à une, dans une grâce presque irréelle. Chacune semble avoir été taillée pour ce genre de spectacle. Elles bougent avec assurance, leurs pas sont fluides, leurs corps parfaitement en harmonie avec la musique. Je les observe, fascinée, mais aussi terrifiée. À mes yeux, elles sont toutes tellement parfaites, tellement meilleures que moi. Je ne peux m'empêcher de me comparer à elles. Mon cœur bat à tout rompre, et je sens le stress me gagner encore plus fort à chaque passage.

Leurs costumes scintillent sous les lumières tamisées, et elles évoluent sur scène avec une aisance déconcertante. Leurs gestes sont maîtrisés, calculés, sensuels. Je me sens petite, maladroite, et je commence à douter sérieusement de ma place ici. Mes mains deviennent moites, et mes jambes sont lourdes d'angoisse. Je n'arrête pas de me demander comment je vais passer après ces filles. Comment pourrais-je même espérer rivaliser ?

Soudain, alors que la dernière candidate s'apprête à quitter la scène, mon regard est attiré par un mouvement au fond de la salle. Il y a Harvey au bar, comme toujours, observant chaque passage avec une attention tranquille. Izzy, quant à elle, est assise à une table, un peu plus en avant, le visage fermé et sérieux. Elle ne dit rien, mais je sens qu'elle juge chaque prestation dans les moindres détails.

Mais c'est alors que la porte du bar s'ouvre brusquement, et quatre hommes que je n'ai jamais vus font leur entrée. Tout s'arrête en moi. Leur présence remplit instantanément l'espace, transformant l'atmosphère feutrée du Crimson Crown en quelque chose de beaucoup plus lourd, plus oppressant. La salle, qui semblait si vide quelques minutes auparavant, paraît soudainement bondée.

Ils sont tous en costume, impeccablement habillés, avec des visages marqués, comme s'ils avaient déjà trop vu et trop vécu pour leur jeune âge. Leur posture, leur démarche... tout chez eux dégage une aura de puissance et de danger. Instinctivement, je me redresse, tendue. Ils avancent en silence, prenant place au bar comme s'ils étaient chez eux. Un frisson me parcourt l'échine.

L'un d'eux, assis au bout du comptoir, observe la scène d'un air intéressé, presque moqueur, comme s'il se rinçait l'œil sans vergogne. Les autres, en revanche, sont plus impassibles. Leurs visages sont fermés, leurs expressions indéchiffrables. Mais leur regard, lui, est perçant, glacial. Ils fixent la scène comme des juges silencieux, et je sens leur présence peser sur moi, même si je ne suis pas encore passée.

Il fallait qu'ils arrivent maintenant... juste avant que ce soit mon tour.

Mon cœur bat encore plus fort, et je tente de me concentrer, mais tout ce que je ressens, c'est cette pression insupportable. Ces hommes, avec leurs regards durs et impénétrables, ajoutent à mon angoisse. Je les observe du coin de l'œil, essayant de ne pas paraître trop perturbée, mais c'est impossible. Ils sont là, et ils me voient. Et je sais que je ne peux pas fuir.

Puis vient enfin mon moment. Izzy se lève et me fait un signe de tête pour indiquer que c'est à moi. Mes jambes tremblent légèrement lorsque je monte sur scène. Je n'ai plus le choix maintenant. Je suis ici, face à cette scène, avec toutes ces filles parfaites qui m'ont précédée, et ces hommes au regard pesant au fond de la salle.

Izzy lance la musique, la même que pour les autres. Un rythme lent, sensuel, mais aussi puissant. J'ai eu quelques minutes pour observer les autres, pour réfléchir à ce que je pourrais faire. Mais tout me semble si confus maintenant. Alors, je décide d'arrêter de penser. Il est trop tard pour planifier quoi que ce soit. Je dois juste me laisser aller.

Je ferme les yeux un instant, puis je commence à bouger. Au début, mes gestes sont plus délicats que ceux des autres filles. J'essaie de retrouver cette fluidité, cette grâce que j'avais autrefois. Je me concentre sur le rythme de la musique, sur la manière dont mon corps peut l'épouser. Et petit à petit, je sens la pression retomber. Mes mouvements deviennent plus naturels, plus spontanés. Les souvenirs de mes nombreuses années de danse contemporaine refont surface. C'est comme si je n'avais jamais arrêté.

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