Les chroniques des Fluctuantes

Chapitre 3 le dernier jour de jeune sœur partie 13

-Ça doit quand même vous soulager", dit Samzun. "Maintenant que vous appartenez toutes les trois à la caste des élémentaires, Erictho en tant que redoutable ne peut plus rien contre vous. Nous en tant qu'élites, nous sommes encore à sa merci.... J'espère qu'on ne la retrouvera pas."

Les deux élites se jetèrent un regard angoissé. Galinor baissa la tête, les yeux fuyants. J'étais partagée entre la peur et la fierté. Non, plus aucune d'entre nous n'avait à craindre Erictho désormais... Mais je ne pouvais rien leur dire sans risquer le courroux d'Hérodiade et de ma caste. Je me demandai alors si Erictho n'avait pas eu vent que trois de nos sœurs allaient être une menace directe pour elle après la cérémonie. Ceci aurait expliqué pourquoi la sombre avait pris en chasse Galinor dans la forêt...

-"Elle a sûrement prit conscience que nous n'allions pas la louper une fois devenue des élémentaires",dit Galinor qui essayait de noyer le poisson. "Elle s'est sûrement enfuie, morte de trouille.

- Fuir ? Erictho ? Je n'y crois pas une minute. Avec son caractère de merde et son ambition démesurée, je pense plutôt qu'elle aurait bien été capable d'aller directement provoquer notre Dominante. Ou pire", nous confia Ismène hésitante ; "Erictho étant très sombre, elle a peut-être rejoint les Obscures... Elle a toujours eu soif de pouvoir et elle voulait constamment se démarquer des autres."

C'était complètement stupide. Erictho, même si son énergie était très proche de celle des Obscures, était bel et bien une Fluctuante. Si elle avait franchi le territoire des Obscures, son énergie contraire à leur sanctuaire l'aurait détruite ce qui n'aurait pas changé grand-chose à son état actuel... Ismène n'était pas décidé à se servir de son cerveau aujourd'hui. Elle préférait visiblement laisser libre court à son imagination débordante. Elle espérait sûrement une mort lente et douloureuse à notre ennemie commune. La vérité la décevrait beaucoup...

-"Il y a quelque chose que je ne comprends pas", reprit Ismène, "Erictho était la meilleure du temple du bouc, comment elle a fait pour rater son entrée dans sa caste ?

-Bonne question", coupais-je en voulant mettre fin à la conversation qui prenait une direction dangereuse. "Tu lui demanderas quand on l'aura retrouvé."

Je m'éloignai du groupe pour interrompre mes anciennes sœurs de temple et alla me joindre aux recherches. Les groupes des Fluctuantes battaient chaque buisson, chaque recoin de notre sanctuaire. Même les grottes sacrées ne furent pas épargnées sous l'autorisation d'Hérodiade. Mes pas me ramenèrent là où j'avais eu ma victoire sur Erictho. Je regardais sur le sol s'il ne restait plus de traces de mon ennemie. Je sursautai au bruit d'une branche qui s'était brisée derrière moi. Galinor m'avait suivi.

-"Pourquoi es-tu là ?" lui dis-je les dents serrées de peur que quelqu'un nous entende.

-"Moi aussi je m'inquiète. Qu'est-ce que tu crois ?"

Ses grands yeux fauves fouillèrent le sol à la recherche de la moindre trace.

-"On n'a pas eu le temps d'en parler encore mais merci de m'avoir aidée...

- De quoi parles-tu ?

-Tu aurais très bien pu laisser Erictho me tuer, mais tu ne l'as pas fait, pourquoi ?"

Pourquoi ? J'en savais rien moi, pourquoi. Erictho avait toujours été ma plus grande ennemie et notre duel était déclaré. J'avais espéré depuis des semaines de le lui réclamer mais elle s'était dérobée à chaque fois que cela m'aurait été possible. Ça aurait pu être n'importe quelle autre sœur que Galinor, je crois que ma patience était à bout et j'aurais réagi de la même manière. Erictho me devait ce duel et j'y avais mis un terme.

-"Si tu l'avais laissé me tuer, tu aurais pu récupérer mon énergie et la sienne.... Tu aurais été, et de loin, la plus puissante d'entre nous."

C'était vrai... Pourquoi je n'y avais pas pensé avant ? Galinor et moi n'avions aucun lien et elle n'était pas la plus forte du temple du bouc mais pas la plus faible non plus... Son énergie aurait été un atout supplémentaire pour moi, mais j'étais intervenu avant. J'avais été contre mon instinct de sorcière...

-"J'en sais rien", répondis-je agacée, "je n'ai pensé qu'à me débarrasser d'Erictho, c'est tout. Faut croire que je la détestais plus que vous toutes réunies."

Galinor me regarda un long moment. Je cru même qu'elle allait se mettre à pleurer. Cette situation me mettait mal à l'aise.

-"Laisse tomber, c'est comme ça et c'est tout. Tu es encore en vie alors estime toi heureuse. Mais t'as plutôt intérêt à te taire, dis-je en me faisant menaçante, car si on apprend que j'ai tué Erictho pour te sauver, on me condamnera à mort pour avoir brisé les règles d'or d'Hérodiade mais toi, tu vivras comme une paria. Ton sort sera pire que le mien et tu devras attendre qu'une sœur t'élimine pour récupérer ta minable énergie. Si tu parles, je trouverai un moyen de te tuer et crois-moi, cette fois, je ferai en sorte que ce soit long et douloureux...

-J'dirais rien ! Ma peau est aussi en jeu sur ce coup. Même pas besoin de faire un serment, j'veux pas crever à cause d'Erictho."

Galinor me regarda d'un air de défi. Le risque était trop grand pour chacune de nous et était une garantie de notre silence. Nous devions nous faire confiance. On continua à chercher des traces de mon crime mais rien. La boue et les animaux avaient fini de disperser les restes d'Erictho la sombre. Ils devaient surement y en avoir dans quelques estomacs de chombrasses à l'heure actuelle... 

Le soleil tombait et nous décidâmes de faire demi-tour tranquillement. Galinor me racontait plus en détails comment elle avait réussi à feinter Mircée pour gagner la première place des élémentaires, tout en omettant sciemment de me révéler l'emplacement de leur sanctuaire. Arrivées aux habitations, nous vîmes une foule rassemblée au pied de l'arbre aux mortes. 

Quand nous fûmes aperçues, deux redoutables vinrent à notre rencontre et nous emprisonnèrent les bras. Elles nous conduisirent sans ménagement jusqu'à Hérodiade. Canidia se tenait prêt de notre Dominante, un sourire de victoire aux lèvres. Je redoutais le pire. Qu'avait-elle dit ?

-"Est-ce vrai ?", hurla Hérodiade dont la colère déforma le visage. "Est-ce vrai ?"