Le dernier enfant d'Alma

Chapitre n°23 : Le combat pour la vérité

Les mois avaient filé, et avec eux, la douleur du passé s'était estompée, mais pas effacée. Les Ross, installés dans leur manoir, n'étaient pas au courant des véritables agissements d'Ethan au Nord. Ils vivaient dans une bulle d'ignorance, bercés par des nouvelles soigneusement filtrées et des discours lénifiants de la part du gouvernement. Benedict, toujours marqué par la perte de K et le sacrifice d'Ethan, avait consacré son temps à défendre l'histoire des enfants d'Alma. Il avait pris la parole dans des forums publics, des interviews et des débats, exposant les atrocités que ces enfants avaient subies, les entraînements intensifs, et les choix impossibles qu'ils avaient dû faire pour survivre. Son plaidoyer n'était pas vain ; peu à peu, il avait commencé à gagner des partisans parmi ceux qui ignoraient tout de leur souffrance.

Ainsi, sous la pression du public, le gouvernement avait réagi. Une stèle funéraire en l'honneur des enfants d'Alma avait été érigée au cœur de la capitale, un monument de marbre blanc, décoré de fleurs fraîches, de bougies et de lettres laissées par des anonymes. Les passants, bien que souvent animés par une colère sourde à l'égard du passé, se trouvaient contraints de contempler le souvenir des sacrifices faits par ces jeunes. Le monument était devenu un lieu de mémoire, un espace où l'on pouvait se recueillir pour pleurer des vies écourtées et honorer des héros involontaires.

Les livres d'histoire sur la guerre Muhan avaient été réécrits. Dans les pages qui relataient les événements, une place centrale avait été accordée au bataillon des enfants d'Alma, la plus jeune armée créée pour apporter la paix. On lisait désormais comment, malgré leur jeune âge, ces adolescents avaient joué un rôle crucial dans la victoire du Sud sur le Nord au prix de leur vie. Les manuels scolaires proclamaient enfin haut et fort que, grâce à leur sacrifice, la paix avait pu être obtenue. Cependant, malgré cette reconnaissance tardive, la colère du peuple ne s'était pas apaisée. Des manifestations éclataient encore dans les rues, des voix s'élevant contre le gouvernement pour demander justice, pour les enfants, pour leurs propres souffrances. Les citoyens du Sud, tiraillés entre la gratitude pour la paix et le chagrin des pertes, se retrouvaient dans un état de confusion permanente.

Dans le manoir des Ross, alors qu'ils s'étaient réunis pour une soirée tranquille, une discussion avait surgi à propos des événements récents. Lisa, assise sur le canapé, feuilletait un nouveau livre d'histoire.

« — Regardez ça, dit-elle en pointant un passage. Ils parlent des enfants d'Alma comme des héros. Je me demande ce qu'Ethan aurait pensé de tout ça. »

Tanya, assise à côté d'elle, serra les poings, une expression de mélancolie sur son visage.

« — Je ne sais pas. Peut-être qu'il serait heureux que les gens reconnaissent ce qu'ils ont traversé, mais je me demande s'ils savent vraiment... s'ils savent ce qu'ils ont dû faire pour être appelés des héros, ce qu'ils ont dû subir... »

Benedict, qui avait écouté attentivement, se leva et s'approcha de la fenêtre, observant le calme de son jardin.

« — Les héros ne sont pas toujours ceux que l'on célèbre habituellement, Tanya. Parfois, ils sont ceux dont le sacrifice est oublié.

— J'espère qu'Ethan sait que nous pensons à lui, ajouta Waylon, qui se tenait près de Léa. Que nous n'oublierons jamais ce qu'il a fait.

— Oui, murmura Léa, la voix tremblante. J'espère aussi qu'il se porte bien. »

La conversation s'estompa, et un silence pesant s'installa. Chacun d'eux réfléchissait à Ethan, à son courage, à son sacrifice, sans se douter que leur ami luttait dans l'ombre, face à un ennemi redoutable. Les étoiles brillaient au-dessus d'eux, scintillant comme des larmes d'espoir dans une nuit d'incertitude.