Intrépide

Chapitre 1. Maxime : Bienvenue chez les Snobs

Salut bel inconnu,
prépare-toi à jouer dans le désordre de ma vie.
On ne sera pas amis,
Car tu es tout ce que je déteste.

La voiture s'éloigne des rues animées de Seattle, emportant avec elle le battement effréné de la ville que j'appelle chez moi. Une chanson fade et prévisible, probablement l'hymne des mélomanes les moins imaginatifs, résonne dans l'habitacle. Un air de saccharine qui ne fait que souligner la tristesse de mon exil.
Adieu, Seattle, avec tes cafés interminables et ton ciel souvent gris. Bonjour, nouvel endroit dont je ne me souviens même pas le nom.
Je me laisse glisser contre le siège, observant les gratte-ciels familiers se transformer en vastes étendues d'océan. Mes pensées errent, mais mon cœur reste fermement planté dans les rues étroites que j'ai appris à aimer.
Les plages dorées et les palmiers ? Quelle perspective excitante...
Le sarcasme suinte de mes pensées, laissant transparaître mon mécontentement face à cette étape inutile vers ce que je considère déjà comme "l'enfer californien".
Océan, prépare-toi à accueillir une personne qui n'a rien demandé.
Le paysage défile devant mes yeux, une étape fastidieuse vers une destination qui ne m'inspire rien d'autre que l'indifférence. Si j'avais une carte, elle serait probablement déjà pliée en origami par ennui.
Les plages, les palmiers, tout ça ne vaut pas une seule rue de Seattle.
L'odeur âcre d'un mélange de café renversé et de sacs en plastique persiste dans l'habitacle, un parfum de départ précipité. Les effluves de mon ancienne vie, éparpillées sur le sol de la voiture, créent un mélange de chaos maîtrisé. C'est un parfum que je n'oublierai pas de sitôt, mêlant le dégoût et l'excitation, laissant derrière lui une trace de mon désenchantement.
La chaleur étouffante du mois de septembre s'infiltre à travers les vitres, créant une atmosphère suffocante à l'intérieur de la voiture. Les rayons du soleil brûlent à travers le pare-brise, transformant l'habitacle en un fourneau mobile. Même l'air conditionné peine à contrebalancer la chaleur oppressante.
Tout ce confort moderne, un régal.
J'observe ma mère fixer la route avec une intensité qui laisse peu de place à la conversation. L'atmosphère est lourde, saturée de reproches non formulés. Quitter Seattle, la ville des mauvais souvenirs, pour un poste chez les Winslow. Un changement radical dans l'espoir d'un futur meilleur.
Merci maman, de sacrifier notre vie à Seattle pour que je puisse aller dans une "bonne école".

Les kilomètres défilent, le paysage change, mais le silence persiste, rompu seulement par le vrombissement monotone du moteur.
L'occasion parfaite pour une escapade mère-fille, avec la tension palpable entre nous.
Direction : l'inconnu, les Winslow et leur monde de privilèges. Maman, je ne savais pas que tu rêvais d'une vie de femme de ménage dans la haute société californienne. C'est sûr, ça vaut bien la peine de tout quitter.
Et voilà que j'anticipe déjà ma rencontre avec tous ces abrutis de riches. Je me demande comment ils réagiront en découvrant que tous mes vêtements tiennent dans un sac plastique. Le summum de la préparation. Ils doivent probablement penser que c'est une sorte de style minimaliste chic.
Sérieusement, qui a besoin de plus d'une paire de chaussures et de quelques jeans ?
Ma pensée reste fixée sur la ville qui se perd dans le rétroviseur, un amour indéfectible.
Ma mère tourne la tête légèrement vers moi, tentant visiblement de briser le silence oppressant qui pesait sur nous.
— Maxime, tu sais, ici, tu pourras apprendre à surfer. Ça pourrait être une expérience excitante pour toi.
Je lève un sourcil, et lance un regard amusé à ma mère.
— Ah ouais ? Génial. Parce que j'ai toujours rêvé de glisser sur des vagues avec des snobs qui ne savent probablement même pas ce qu'est un hamburger.

Elle esquisse un sourire, espérant probablement détendre l'atmosphère.
— Maxime, ce sera une opportunité fantastique pour toi. Et puis, il y a cette école. Tu pourras apprendre tellement de choses.
— Super excitant, maman. Apprendre à surfer et m'intégrer dans le club fermé des élites. Je vais devenir une surfeuse érudite, c'est ça ?
—Tu sais, il y a aussi des gens de notre classe sociale dans cette école. Ce ne sera pas uniquement des snobs. Tu te feras des amis, Maxime. Ça pourrait être une chance de te créer un nouveau cercle social.
— Ouais, mais j'aurais aussi pu m'en faire à Seattle, tu m'emmène dans une bonne école alors que je ne sais même pas ce que je veux faire plus tard.
Ma mère soupire, cherchant visiblement les mots justes pour me convaincre.
— Maxime, tu ne réalises peut-être pas maintenant, mais tout cela, c'est pour ton bien. Une chance comme celle-ci ne se présente pas tous les jours. Et puis, rester à Seattle aurait été trop douloureux, tu le sais bien.
— Combien de temps encore de route ? demandai-je, changeant de sujet.
— Environ 6 heures. Nous sommes à mi-chemin, répond ma mère d'une voix douce.
Je plonge dans le siège de la voiture, un soupir résigné accompagnant la mélodie de "Déjà Vu" de Beyoncé qui envahit mes oreilles. Les accords résonnent dans ma tête sarcastique, mais cette fois, j'ai choisi une bande-son plus audacieuse. Mes écouteurs avec fil s'entremêlent dans mes cheveux bruns alors que je prends un moment pour ajuster la position.
L'air frais me frappe le visage lorsque j'ouvre ma fenêtre, laissant l'océan californien se dévoiler devant mes yeux. Les vagues déferlent, semblant se moquer de mon état d'esprit sarcastique. Mes yeux bleus, reflet exact de ceux de ma mère, parcourent le paysage. À 1m75, je suis grande, fine, on dit que je suis son portrait craché, une réplique de ses jours de mannequinat avant de rencontrer mon père.
Les vagues de l'océan semblent applaudir à la satire de ma vie, tandis que Beyoncé chante avec une puissance qui ne manque jamais de m'inspirer. Je prends une profonde inspiration, prête à écrire ma propre histoire, à ma manière. Mon avenir, mes choix, ils seront les miens. Et peut-être, avec un peu de chance, ils seront différents cette fois-ci.