Chapitre 14. Maxime : Les reliques du passé.

6 3 0
                                    

Les souvenirs remontent, il essaie de creuser.
Mais mes murs tiennent bon, rien ne passe.
Il parle de son enfance, cherche à comprendre.
Moi, je ne laisse rien sortir. Pas avec lui.

Je vais ouvrir, essayant de ne pas laisser transparaître ma contrariété de la veille.
— Tiens donc, voilà notre héros local. T'as oublié quelque chose hier soir ?
— Salut Maxime, il dit simplement en se tenant droit et fier.
— Qu'est-ce que tu veux encore ? je dis en commençant à m'agacer.
Il me fixe un instant, son visage impassible comme d'habitude. Puis, avec un mouvement fluide, il escalade la fenêtre et entre dans ma chambre.
Il reste appuyer contre la fenêtre, écarte les jambes et m'attire à lui en s'agrippant à mes hanches.
— Je veux juste m'assurer que tu n'as rien oublié.
Je l'observe et sans attendre plus longtemps, Cole dépose ses lèvres sur les miennes. C'est terriblement délicieux, ce contact m'avait étrangement manqué depuis hier. Je lui rend alors son baiser, passant mes mains sur sa nuque. Et je me laisse m'évader à ce baisé que j'espérais, au fond de moi, retrouver. Puis, je me rappelle, Esther, et le fait qu'il m'ait laissé en plan.
Je m'écarte, mais lui n'en veut rien, il tente de replonger dans ce baiser et je l'en empêche en posant mon pouce sur ses lèvres.
— Quoi, Cole ? Esther t'en a pas donné assez cette nuit ? je dis en faisant une mine triste. Pauvre Cole.
— Qu'est-as ? T'es jalouse ou quoi ? 
— Jamais de la vie, Cole.
— Pourtant j'ai l'impression que si.
— Tu peux toujours rêver, je lui dis.
Je me recule et lui tourne le dos, j'attrape la pile de vêtements sur ma chaise et fait mine de les ranger en les pliant. Cole est toujours là et je sens qu'il m'observe.
Je jette un coup d'oeil vers lui.
— Tu comptes rester planter là ? je lui lance.
Aucune réponse. Je me retourne pour de bon et lui fais face. Son regard est dirigé vers mon ordinateur posé sur mon lit.
— Qu'est-ce que tu regardais sur ton ordi ?
— Ça ne te regarde pas.
Je croise les bras, essayant de montrer que la conversation est close, mais bien sûr, il ne lâche pas l'affaire. Cole continue de me fixer avec ce sourire, celui qui veut dire qu'il n'est pas prêt d'abandonner. Mon cœur s'emballe un peu, anticipant déjà ce qu'il pourrait faire.
— Oh, allez, c'est sûrement pas si secret que ça.
Il avance lentement vers l'ordinateur posé sur mon lit, un air espiègle sur le visage. Mon instinct me crie qu'il faut l'arrêter avant qu'il n'arrive à mon ordi. Il n'y a aucun secret sur mon ordi, mais ca reste MA vie privé et s'il voit que je cherchais des facs de journalisme, il va sûrement se moquer ou poser des questions auxquelles je n'ai pas envie de répondre.
Je me place alors devant lui :
— Cole, je te dis que non, laisse tomber.
Je tends le bras pour essayer de le bloquer, mais il est trop rapide, trop fort. Il esquive sans effort et continue vers le lit, déterminé à me faire craquer. Pourquoi est-ce qu'il doit toujours avoir le dernier mot ? Je me dis qu'il fait ça juste pour m'embêter, mais il y a cette tension, ce jeu entre nous que je ne comprends pas complètement.
Il m'observe avec un sourire en coin.
— Tu sais que tu ne peux pas m'empêcher de regarder, pas vrai ?
Il tend la main pour attraper l'ordinateur, et je saute presque sur lui pour l'arrêter, mais il me devance. Je m'accroche à son bras, essayant de l'en dissuader, mais il ne cède pas. C'est tellement frustrant ! Pourquoi il doit toujours se croire supérieur ?
— Cole, je te préviens, lâche cet ordi !
Mais il ne m'écoute pas, évidemment. Il semble même s'amuser de la situation, et c'est là que je sens ma détermination vaciller. Je n'aime pas perdre, surtout pas face à lui, mais il a toujours ce petit avantage, cette capacité à me pousser à bout. Mon cœur bat à toute allure, et j'essaie de reprendre le contrôle de la situation, mais il est déjà trop tard.
— Alors, qu'est-ce qu'on a là ? dit-il en parcourant l'écran des yeux.
Cole me regarde avec ce sourire triomphant qui commence à sérieusement m'agacer. Je me redresse aussitôt, essayant de lui arracher l'ordinateur des mains, mais il m'écarte facilement.
— Cole, arrête ! mais il m'ignore complètement.
Il fronce les sourcils en parcourant les onglets ouverts, son regard s'arrêtant sur mes recherches sur les écoles de journalisme.
— Des facs de journalisme ? Il relève la tête vers moi, un sourcil arqué. T'es sérieuse ?
Je tente de récupérer l'ordi, mais il me tient à distance.
— Oui, je suis sérieuse ! Maintenant rends-le-moi !
— Alors comme ça, tu veux devenir journaliste sportive ? 
Il continue de fouiller, et je vois sa curiosité grandir.
— T'es vraiment à fond là-dedans, hein ?
Je reprends ma posture, décidée à ne pas me laisser déstabiliser par Cole. Si c'est un jeu, je suis prête à jouer. Je le fixe avec un sourire sarcastique.
— Et toi, Cole ? C'est quoi ton grand plan pour l'avenir ? Devenir... expert en intrusion dans la vie privée des autres ?  Ou bien Devenir... fils à papa à plein temps ?  je le taquine, bien consciente du poids que ce genre de remarque peut avoir.
Il me lance un regard amusé, mais je sens que je touche un point sensible.
— Très drôle, Maxime, répond-il, son ton léger mais un peu piqué. Tu penses vraiment que je vais me reposer sur l'argent de mon père pour toujours ?
Je hausse les épaules, jouant l'innocence.
— Je sais pas, tu comptes faire quoi, alors ? Suivre les traces de ton père ou te lancer dans un truc complètement différent ?
Il s'approche un peu, un sourire narquois aux lèvres.
— Ça te fascine tant que ça, ma vie, pour que tu sois aussi curieuse ?
Je soutiens son regard, ne voulant pas lui montrer qu'il m'a un peu déstabilisée.
— Disons que j'aime bien savoir à qui j'ai affaire.
Il sourit, mais ne répond pas directement.
— T'as pas besoin de tout savoir tout de suite, Maxime. Certains secrets, ça se dévoile avec le temps.
Je roule des yeux, sentant qu'il esquive ma question.
— Ah, le mystère Cole Winslow... T'as raison, ça vend du rêve, je réponds en exagérant le sarcasme, mais je ne peux pas m'empêcher de sourire.
Il secoue la tête, amusé.
— Dis ce que tu veux, mais tu sais quoi ? T'es peut-être plus fascinée par moi que tu ne veux bien l'admettre.
Je ris doucement, même si cette phrase résonne un peu plus en moi que je ne l'aurais voulu.
— Continue à rêver, Cole. Mais si tu veux vraiment m'impressionner, va falloir faire mieux que ça.
Il se contente de sourire, le genre de sourire qui cache quelque chose de plus profond. Il n'a pas répondu à ma question, mais je sens que le jeu est loin d'être terminé. Il se penche à nouveau sur l'ordinateur, il clique sur un bouton et se penche soudainement vers l'ordinateur, je le vois froncer les sourcils avec une expression de surprise. Mon cœur rate un battement. C'est quoi encore ? Je me précipite vers lui, le stress m'envahissant, et lui arrache l'ordinateur des mains.
Je fixe l'écran, le souffle coupé. C'est une vieille photo en noir et blanc de moi petite, avec un homme que je reconnais immédiatement comme étant mon père, Victor Hayes, le célèbre pilote de moto. La photo est prise à New York, et je me souviens encore de ce jour. C'était avant l'accident, avant que tout change.
Cole ouvre la bouche pour parler, probablement pour poser une question ou faire une remarque, mais je le coupe avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit.
— C'était à New York, je dis d'une voix tendue, essayant de cacher l'angoisse dans mon ton. Je me promenais avec mes parents et on a croisé Victor Hayes. Mon père était fan de lui, alors j'ai pris une photo avec lui.
Je vois les yeux de Cole se poser sur moi, scrutant mes traits, cherchant peut-être une autre explication. Mais il ne dit rien, et je vois son regard se faire plus doux, presque respectueux. Il semble comprendre que ce sujet est délicat, même si je ne lui ai pas tout dit.
Cole reste silencieux, me laissant l'espace pour respirer. Je sens un poids se lever, même si je ne suis pas encore tout à fait à l'aise. La photo, le souvenir, tout cela est un mélange d'émotions que je préfère ne pas explorer davantage.
Je remets l'ordinateur sur le lit avec soin et m'assoie sur le lit, en essayant de faire disparaître la tension qui s'est installée. Cole reste immobile et silencieux un moment, et l'absence de réponse me met encore plus mal à l'aise. Pour combler le vide, je me déplace légèrement sur le lit, mal à l'aise avec la situation.
Je tente de détendre l'atmosphère en lançant avec un ton sarcastique :
— Alors, tu comptes rester ici dans ma chambre ou tu vas rentrer dans ton château ?
Mais il ne répond en rien à ma question. Je sens mon cœur s'accélérer quand Cole, avec un ton faussement innocent, me demande :
— Et t'as une photo avec tes deux parents ?
Immédiatement, mes muscles se tendent. Pourquoi il demande ça ? Il commence à suspecter quelque chose ou c'est juste une question innocente ? Je me redresse légèrement, sur la défensive.
— Pourquoi tu veux savoir ça ?  je réponds en le taquinant, mais ma voix est un peu plus aiguë que d'habitude.
Est-ce qu'il a compris ? Est-ce qu'il sait que Victor Hayes n'était pas juste un pilote que j'admirais, mais... Mon père ? Non, impossible. Je chasse cette pensée, mais je n'arrive pas à me calmer complètement. Il n'a pas l'air de vouloir lâcher le morceau, et ça me rend dingue.
Cole insiste un peu, ses yeux plongés dans les miens comme s'il cherchait quelque chose, mais je garde mon sourire en place, même si à l'intérieur, c'est la panique. Pourquoi il s'intéresse soudainement à ça ?
Je tente de paraître détendue, comme si la question ne m'affectait pas du tout, mais je sais que je suis sur la corde raide.
Cole continue de me fixer, ses yeux s'amusant à déceler ce que je pourrais bien cacher. Il garde son sourire en coin, mais je sens que ses questions ne sont pas anodines.
— Sérieusement, tu veux savoir ça pourquoi ? je répète, essayant de rester légère, mais il y a une pointe de nervosité dans ma voix que je n'arrive pas à masquer.
Il hausse les épaules, jouant l'indifférence.
— Juste curieux. T'as l'air tellement... sur la défensive, c'est intriguant.
Mon cœur bat plus vite. Pourquoi est-il aussi insistant ? Est-ce qu'il se doute de quelque chose ? Je secoue la tête, essayant de me débarrasser de ces pensées paranoïaques. Je ne peux pas le laisser me percer à jour.
— Eh bien, je suis une personne mystérieuse, Cole. Ça fait partie de mon charme, je réponds avec un sourire taquin, mais à l'intérieur, je sens l'angoisse qui monte.
Est-ce que je vais pouvoir continuer à jouer ce jeu encore longtemps ?
Il ne lâche pas, il s'assoit sur le lit à son tour et s'approche de moi.
— Donc, pas de photo avec tes deux parents ? C'est un peu bizarre, non ?
Je sens que je dois couper court à cette conversation, et vite. Il s'approche trop près de la vérité, trop près de ce que je ne veux pas qu'il découvre.
— Et toi, Cole, tu as des photos embarrassantes de toi en pyjama avec tes parents ? je réplique en le taquinant, essayant de dévier la conversation.
Je pose mes mains sur mes hanches, adoptant une posture faussement désinvolte.
Cole rigole.
— Ok, j'arrête. Il conclut.
Je me sens soulager, parler de mon père, c'est comme rouvrir une vieille blessure qui ne guérit jamais vraiment. Chaque fois que quelqu'un mentionne les motos ou me pose des questions sur lui, c'est comme si on me rappelait qu'il n'est plus là. Que je ne l'ai plus. Et je n'ai pas besoin de ça, pas besoin de raviver cette douleur. C'est suffisant de vivre avec ces souvenirs tous les jours, je n'ai pas besoin que le monde entier s'immisce là-dedans, qu'on me rappelle constamment ce que j'ai perdu. Si les gens savaient, ils poseraient des questions, ils voudraient des détails. Mais je n'ai pas envie de revivre ça, encore et encore.
Et puis, je ne veux pas que tout le monde sache que je suis la fille de Victor Hayes, surtout pas les médias. Ils n'ont jamais cessé de se demander où est passée Olivia Hayes, la célèbre mannequin, et sa fille, après la mort de mon père. Ma mère et moi, on a décidé de se couper complètement de ce monde, de tirer un trait définitif dessus. Si les médias savaient où on est, ils débarqueraient en un rien de temps, et ça, c'est tout ce qu'on veut éviter. Nous avons choisi l'anonymat pour pouvoir vivre en paix, loin de cette attention incessante, loin de leurs regards scrutateurs qui fouilleraient notre vie privée sans aucun scrupule. Ce n'est pas ce qu'on souhaite, et je ferai tout pour protéger ça.

IntrépideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant