Chapitre : 26. Maxime : Parle moi de toi.

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Nous deux.
Un équilibre instable, fragile.
Entre secrets et vérités.
Toujours sur le fil.

Nous arrivons enfin devant l'immense porte d'entrée, faite de bois massif et ornée de détails sculptés qui témoignent d'un temps révolu. Cole se retourne pour me regarder, et je vois dans ses yeux un mélange de fierté et d'amusement en voyant ma stupéfaction face à ce lieu.
— Alors, tu veux entrer ? me demande-t-il avec un sourire.
Je hoche la tête, impatiente. Puis cole saisit la poignée et ouvre la porte.
— Vous ne la fermez pas à clé ? je lui lance, une pointe de scepticisme dans ma voix.
Cole rit, détendu.
— Non, pas vraiment.
Je fronce les sourcils, une question qui me trotte dans la tête.
— Et vous n'avez pas peur des squatteurs ?
Cole me jette un regard complice, un sourire toujours collé aux lèvres.
— Encore faut-il qu'ils la trouvent, répond-il avec une lueur de défi dans les yeux.
Sa nonchalance me rassure un peu, et j'ai hâte de découvrir ce que cette maison, à la fois belle et mystérieuse, a à offrir.
Cole pousse la porte d'un geste sûr, et elle s'ouvre dans un léger grincement, révélant l'intérieur de la maison. Sans un mot, il entre, et je le suis, mes pas résonnant légèrement dans l'immensité du lieu.
À l'intérieur, c'est complètement vide. Aucun meuble, rien qui indique que quelqu'un ait vécu ici depuis longtemps. Mais ce qui frappe, c'est la hauteur sous plafond. C'est immense. Les gigantesques fenêtres que j'avais remarquées de l'extérieur laissent entrer une lumière douce qui baigne toute la pièce, accentuant la modernité de l'architecture.
Je lève les yeux, fascinée par l'espace. Tout est épuré, propre, et pourtant, il y a ce contraste entre la modernité de la construction et l'aspect abandonné du lieu. Je tourne sur moi-même, prenant le temps de tout admirer. Les murs, faits de bois et de pierre, sont d'une beauté simple mais saisissante, et l'agencement des pièces semble à la fois contemporain et chaleureux.
C'est presque irréel, comme si cette maison avait été figée dans le temps, en attente de quelque chose, ou de quelqu'un, pour reprendre vie.
Cole continue d'avancer, se dirigeant vers une baie vitrée qu'il ouvre avec aisance, dévoilant un balcon qui surplombe la forêt dense. Je le suis de près, mais mon attention est soudainement attirée par quelque chose sur le chemin. En passant devant une cheminée en pierre, mon regard tombe sur une vieille photo encadrée, posée sur le manteau.
Je m'arrête, curieuse. Sur la photo, je reconnais clairement monsieur et madame Winslow, debout avec des sourires sereins. À côté d'eux, il y a leur fils aîné, celui que j'ai aperçu une fois de loin. Ensuite, je vois Cole, plus jeune, l'air insouciant. Mais ce n'est pas ce qui me trouble.
Il y a un autre garçon, plus jeune, qui ressemble incroyablement à Cole. Trop, même. Je fronce les sourcils, perplexe. Je ne l'ai jamais vu... Un petit frère caché ? Pourquoi personne n'en parle ? Pourquoi Cole ne m'a jamais rien dit ?
Et puis, petit à petit, tout s'emboîte dans ma tête. La moto épave, la façon dont Cole avait été si évasif lorsqu'il m'a parlé d'elle. Mon cœur se serre et je sens mon estomac se tordre. Je rouvre la bouche, surprise.
Ce garçon sur la photo... Il doit avoir un lien avec cet accident.
Je tourne la tête vers Cole, qui est appuyé nonchalamment contre la barrière du balcon, fixant l'horizon sans un mot. Son dos légèrement courbé et ses mains posées sur la rambarde trahissent un calme qui me semble presque irréel après ce que je viens de découvrir sur la photo.
Je le rejoins en silence, mes pas résonnant doucement sur le sol. Une fois à son niveau, je m'arrête net, frappée par la vue qui s'étend devant moi. Le premier plan révèle un jardin qui, autrefois, devait être impeccable. Maintenant, il est envahi par des herbes hautes et des fleurs sauvages, un chaos magnifique. Au centre, une piscine vide, son fond devenu vert, presque marécageux à cause des plantes qui y ont pris racine.
Et au-delà de ce jardin oublié, la forêt s'étend comme une mer de verdure qui semble engloutir le paysage. En troisième plan, à l'horizon, l'océan, immense et apaisant, brille sous la lumière déclinante du soleil. Un sentier étroit et sinueux mène directement de la maison jusqu'à la plage, à peine visible entre les arbres.
Je ne peux m'empêcher d'être impressionnée par ce lieu, chargé à la fois de beauté et de mélancolie. Ce contraste entre l'abandon et la nature sauvage qui reprend ses droits me donne une sensation étrange. Je sens que cet endroit est lié à des secrets enfouis, des histoires que Cole garde précieusement. Mais pour l'instant, il semble perdu dans ses pensées, et je me demande à quoi il pense en regardant cette vue.
Je sens la tension grandir en moi, cette question qui me brûle les lèvres. Je ne peux plus l'ignorer. Sans détourner les yeux de l'océan, je brise le silence.
— Alors, à qui appartient cette maison ? je demande, ma curiosité piquée.
Il me fixe un instant avant de répondre, l'hésitation visible dans ses yeux.
— C'est à mes parents.
— Pourquoi personne ne vit dedans ?
Je suis surprise par l'abandon apparent de cet endroit.
Cole fronce les sourcils, un air pensif sur le visage.
— En fait, personne n'y a jamais vécu.
Je me fige, choquée.
— Quoi ? Comment ça se fait qu'une si belle maison n'ait jamais été habitée ? Je regarde autour de moi, essayant d'imaginer cet endroit en vie, rempli de rires et de souvenirs.
Il ouvre la bouche, comme s'il voulait dire quelque chose, puis se ravise, et je sens une tension dans l'air.
— Il y a des choses... des choses qui se sont passées.
Mon cœur se serre. Il y a clairement un poids sur ses épaules, un secret qu'il ne veut pas partager.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? je lui demande, ma voix douce mais insistante.
Il se passe une main dans les cheveux, son regard fuyant le mien.
— Ce n'est pas aussi simple.
— C'est pas rapport a ton petit frère ? je demande, le ton plus direct que je ne l'avais prévu.
Cole, surpris, tourne lentement la tête vers moi. Ses sourcils se froncent, et son expression se ferme presque instantanément. Le calme qu'il affichait quelques secondes plus tôt est remplacé par une froideur glaciale.
— Quoi ? Il me fixe, visiblement agacé par la question.
— Sur la photo, dans le salon... il y a toi, ton frère aîné, et un autre garçon. J'essaie de garder un ton neutre, mais l'air devient plus lourd, comme si j'avais touché un point sensible.
Il reste silencieux un instant, ses yeux sombres fixés sur moi.
— C'est pas tes affaires, Maxime. Sa voix est froide, tranchante.
Je le fixe, incapable de comprendre pourquoi il réagit ainsi, mais je ne peux pas m'empêcher de creuser.
— Pourquoi tu ne m'as jamais parlé de lui ? Qui c'est ?
Cole serre la mâchoire, visiblement de plus en plus irrité. Il se redresse de la rambarde, me faisant face.
— Pourquoi j'aurais du t'en parler ? dit-il d'un ton sec, comme si ma curiosité était une insulte.
Je soutiens son regard, ma frustration montant.
— Parce que je ne sais rien de toi, Cole, je réponds, l'exaspération dans ma voix.
Il lâche un rire amer, comme si j'avais dit quelque chose de ridicule.
— Oui, c'est le but, dit-il en haussant les épaules, son expression impassible.
Je fronce les sourcils, agacée par son attitude.
— Mais pourquoi tu ne me dis rien, Cole ? Tu m'amènes dans un endroit si personnel, et tu restes muet sur tout ça comme si tu voulais en parler mais que tu n'osais pas.
Il évite mon regard, et je sens la frustration grimper en moi.
— Pourquoi m'avoir amenée ici si tu ne comptes pas me dire ce qui se passe ?
Je scrute son visage, cherchant une réponse, mais je ne vois que de l'hésitation. Ça m'irrite. C'est comme s'il jouait avec mes émotions, me faisant espérer qu'il ouvrirait enfin la porte de ses secrets tout en restant enfermé à l'intérieur.
— Si tu as des choses à dire, alors dis-les. C'est quoi le problème ?
Cole soupire, son regard se perd dans le vide. Je ne comprends pas pourquoi il refuse d'exprimer ce qu'il ressent, et ça me rend encore plus impatiente. La curiosité me brûle, mais le mur qu'il dresse entre nous me frustre.
Cole se tourne enfin vers moi, ses yeux perçants et déterminés. Un vent frais souffle autour de nous, et la nuit est tombée, enveloppant la scène d'une atmosphère à la fois paisible et tendue. Seules la lune et les lumières scintillantes de la ville à l'horizon nous offrent un peu de clarté.
— Quoi ? dit-il, brisant le silence avec une voix basse, mais ferme. Dis-moi ce que tu veux savoir.
Son regard me fixe intensément, comme s'il voulait voir à travers moi, lire mes pensées. La tension palpable dans l'air rend mon cœur battant, et je sens une vague d'émotions contradictoires. C'est une invitation, une chance de percer le mystère qui l'entoure, mais en même temps, je suis consciente qu'il s'agit de quelque chose de lourd.
— Pourquoi cette maison n'a jamais été habitée ?
Je lance la question, bien consciente que j'attends une réponse. Cole prend une grande inspiration, son visage se ferme un instant avant qu'il ne réponde.
— Il y a eu un accident, il y a deux ans.
Il fait une pause, passant sa main sur son visage, comme s'il tentait de balayer le souvenir. Je le regarde, la tension dans l'air palpable, tandis qu'il s'approche de moi.
— Ça a touché mon petit frère.
À ce moment-là, je sens mon cœur se serrer. J'ouvre la bouche pour parler, mais aucun son ne sort. Je m'y attendais, d'une certaine manière, mais de le voir s'ouvrir comme ça, de découvrir que lui aussi porte le poids d'un passé douloureux, me prend de court. On ne connaît jamais vraiment les gens, hein ?
Il continue, ses yeux plongés dans les miens, une intensité palpable.
— Il est plongé dans un coma artificiel. Il s'appelle Landon.
Ses mots résonnent en moi, lourds de signification. Je ressens un mélange de compassion et de tristesse, me rendant compte à quel point nos vies sont entrelacées de souffrances cachées. J'aimerais pouvoir lui dire que je comprends, que je vois à travers son regard la profondeur de sa douleur. Mais pour l'instant, je reste là, figée, à écouter son histoire.
— C'est lui qui conduisait la moto épave que j'ai vu ?
Je pose la question, même si je crains la réponse. L'expression de Cole change instantanément. Son sourire est forcé, et il détourne le regard.
— Oui...
Son murmure est à peine audible, et je sens que quelque chose en lui se referme. Un instant, il semble réfléchir, puis son visage se renfrogne, une colère refoulée émerge.
— C'est moi qui ai entraîné Landon à faire des courses de moto.
Il serre les dents, l'agacement perceptible dans ses traits. Ses yeux se plongent à nouveau dans les miens, et je peux lire la douleur qu'il tente de cacher.
— C'est à cause de moi s'il est monté sur cette moto et qu'il a eu cet accident.
Je secoue la tête, incapable de croire que c'est ainsi qu'il se voit. Loin de moi l'idée de le blâmer. J'avance, comblant l'espace entre nous, et pose doucement ma main sur sa joue.
— Cole, ce n'est pas ta faute...
Je le sens trembler sous ma main, et je veux qu'il sache qu'il n'est pas seul dans cette souffrance, que je comprends d'une certaine manière ce qu'il ressent. Mon cœur bat fort dans ma poitrine, mais je ne peux pas le laisser porter ce fardeau tout seul.
Je caresse doucement la pommette de Cole avec mon pouce, un geste apaisant, presque instinctif. Il me fixe, ses yeux chargés d'émotions contradictoires.
— C'est pourtant ce que mes parents n'arrêtent pas de me dire, dit-il, toujours agacé, comme si ces mots pouvaient le libérer d'un poids qu'il refuse d'admettre.
Je me rapproche encore, obligeant Cole à me regarder droit dans les yeux. Il essaie de détourner le regard, mais je ne le lâche pas.
Je continue de caresser doucement sa pommette, mon regard plongé dans le sien.
— Non, Cole, ce n'est pas de ta faute, dis-je avec conviction. Ce que tes parents tentent de te faire croire, c'est juste une façon de fuir la réalité.
Il fronce les sourcils, visiblement en désaccord, mais je ne recule pas.
— Si cet accident t'avait touché, qui auraient-ils pu accuser à ta place ? C'est facile de chercher un coupable, surtout quand la douleur est trop grande à porter.
Je m'approche un peu plus, mes mots teintés d'une profonde empathie.
— Tu n'as pas à porter ce fardeau. Les accidents arrivent, même si ça fait mal. Tu n'es pas responsable des choix des autres.
Je vois ses yeux s'adoucir légèrement, une lueur d'incertitude traverse son visage. Il est en guerre contre lui-même, et je veux qu'il sache qu'il n'est pas seul dans cette bataille.
Cole me fixe, une lueur de perplexité dans ses yeux.
— Pourquoi t'es comme ça avec moi ? Je ne suis qu'un gosse de riche prétentieux, dit-il, l'air un peu déconcerté.
Je ne peux m'empêcher de sourire, un sourire chargé de sarcasme.
— Oui, c'est vrai, tu es un vrai gosse de riche prétentieux, et bizarrement, je crois que je commence à apprécier les fils à papa, dis-je, en levant les sourcils avec un air amusé.
Cole reprend son sérieux, un sourire malicieux se dessinant sur ses lèvres.
— Fais attention, les fils à papa, c'est des vrais connards, dit-il, ses yeux pétillant de défi.
Je lève les yeux au ciel, feignant l'irritation tout en prenant un ton théâtral.
— Oh, quelle révélation ! Je suis si choquée, je ne sais pas si je peux continuer à traîner avec toi. Je vais devoir me méfier de chaque regard que tu lances aux femmes !
Il éclate de rire, et ça réchauffe l'atmosphère pesante. Malgré tout ce qui s'est passé, c'est agréable de retrouver ce moment léger entre nous.
— Je te promets que je ne suis pas comme les autres, murmure-t-il, mais je ne peux pas t'assurer que je suis le meilleur des choix.
Je m'approche un peu plus, le défiant encore.
— Qui a dit que j'aimais faire les bons choix, Cole ?
Cole s'approche lentement, son regard s'intensifiant, et avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, il attrape délicatement ma taille et m'embrasse. C'est un baiser plein de passion, une connexion immédiate, comme si tout le reste avait disparu.
Mon cœur s'emballe, des papillons dans mon ventre, cette sensation électrique que je n'ai jamais vraiment ressentie auparavant. Je réponds à son baiser, me laissant emporter par l'instant, oubliant les doutes et les peurs qui nous entourent.
Quand nos lèvres se séparent, je reste là, un peu étourdie, cherchant à retrouver mon souffle. Cole me regarde, son expression douce et presque vulnérable, comme s'il savait que ce moment marquait quelque chose de spécial entre nous.
Cole m'observe intensément, ses yeux scrutant chaque coin de mon visage, comme s'il cherchait à y découvrir quelque chose de caché. Puis, doucement, il souffle un « merci », et un sourire s'étire sur mes lèvres, léger et complice.
Mais déjà, il se détache de moi, passant sa main dans ses cheveux, reprenant cet air sérieux et détaché qui me rappelle qu'il est toujours le même Cole, celui qui cache tant de choses derrière son apparence.
— Je te ramène, dit-il d'un ton neutre, mais je sens qu'il y a quelque chose d'autre dans sa voix.
J'acquiesce, sachant que ce moment de vulnérabilité a laissé place à une autre réalité. Nous quittons la villa, l'ombre de nos secrets flottant autour de nous, et je monte à nouveau sur la moto. Le contact de son corps chaud contre le mien m'envahit d'une sensation familière et rassurante. Je ne peux m'empêcher de penser à tout ce qui vient de se passer, à la promesse de quelque chose de plus, alors que Cole démarre le moteur et nous fait sortir de ce lieu abandonné.
Sur la route, je ferme les yeux, appréciant l'air frais qui me caresse le visage. La sensation du vent dans mes cheveux et le rugissement du moteur me rappellent les balades nocturnes avec mon père, un mélange de liberté et d'excitation qui fait vibrer mon cœur. Chaque virage que nous prenons semble m'éloigner un peu plus de la réalité, un moment parfait suspendu dans le temps.
Mais à mesure que nous approchons du manoir, l'euphorie s'évapore. Je repère immédiatement les visages préoccupés d'Olivia, ma mère, et des parents de Cole. Ils ont l'air tellement ravagés par l'inquiétude qu'on pourrait croire qu'ils viennent de recevoir un appel d'urgence. Je me demande s'ils s'attendent à voir arriver une moto ou une voiture de police.
Quand la moto de Cole apparaît dans leur champ de vision, je les vois souffler, comme si un poids énorme venait de tomber de leurs épaules. Leur anxiété se transforme en soulagement palpable.
Lorsque Cole se gare à côté d'eux, une boule d'angoisse se forme dans mon ventre. Je descends de la moto, sortant mon casque, et je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil aux adultes. Je sais que cette situation va chauffer, et je ne peux m'empêcher de me demander quelles accusations vont fuser. La douce évasion de la nuit s'estompe, remplacée par l'appréhension d'une confrontation inévitable.
Ma mère fonce sur moi, l'air à la fois furieux et soulagé.
— Bon sang, mais tu étais où ? commence-t-elle, la voix tremblante d'inquiétude. Elle ne me laisse pas le temps de répondre, continuant sur sa lancée. Tu es montée sur une moto ! Tu m'avais pourtant promis de ne plus jamais monter sur ce genre de machine !
Ses mots résonnent comme une mise en garde, mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir un peu fière. Après tout, j'ai goûté à la liberté, même si c'était en désobéissant.
Elle termine en me disant qu'elle était folle d'inquiétude, et je me sens coupable. J'ai peut-être mis en péril la tranquillité d'esprit de ma mère. Je tourne alors la tête vers Cole, qui s'éloigne vers ses propres parents. Contrairement à moi, il n'est pas accueilli avec des étreintes ou des réprimandes. Ses parents semblent juste soulagés qu'il soit de retour, mais il n'y a pas de chaleur, pas de soulagement physique. C'est comme s'ils avaient pris son retour pour acquis.
Olivia me prend par le bras, et je sens la pression de son inquiétude m'étreindre.
— Allez, on rentre, dit-elle, me tirant doucement dans sa direction.
Je me retourne une dernière fois vers Cole, espérant croiser son regard, mais il est déjà tourné vers ses parents, le visage fermé. Je me sens tiraillée, un élan de connexion se brisant alors que je suis entraînée à l'intérieur de la dépendance. À mesure que je fais un pas en avant, je laisse une partie de moi dehors, avec lui.
Quand on entre dans la dépendance, je sens la tension dans l'air. Ma mère me regarde, la préoccupation gravée sur son visage. Elle ne perd pas de temps et me demande :
— Qu'est-ce qui t'a pris de monter sur cette moto ? demande-t-elle, la voix tremblante d'émotion.
Je la fixe, exaspérée, et je crie :
— C'est ce que j'aime, maman !
Les mots sortent comme une décharge électrique. Je ne peux pas croire qu'elle veuille que je renonce à cette passion.
— Toi, tu veux tirer un trait sur l'ancienne vie de papa, mais moi, je veux suivre ses traces !
Quand je lâche ces mots, je n'attends même pas sa réponse. Je ne veux pas l'entendre. Je fonce dans ma chambre, mes pas résonnant sur le sol de la dépendance. J'ai l'impression d'étouffer. Une colère sourde monte en moi, une colère contre tout, contre elle, contre la vie qu'on mène ici, contre le fait qu'elle refuse de comprendre.
Je claque la porte derrière moi, le bruit résonne, mais ça ne calme en rien la tempête en moi. Je me laisse tomber sur mon lit, la poitrine serrée. Mes poings frappent doucement le matelas, comme si cela pouvait libérer un peu de la rage qui me ronge.
J'ai envie de hurler, de tout casser.
Pourquoi elle ne voit pas ? Pourquoi elle ne comprend pas que cette moto, cette vie, c'est tout ce qu'il me reste de papa ?
Je me jette sur mon lit, mon visage enfoui dans l'oreiller. Tout tourne dans ma tête, mais surtout lui. Cole. Toujours lui. Je ferme les yeux, espérant faire le vide, mais non... il est là, dans chacune de mes pensées, comme un poison lent et doux. Quand je suis avec lui, je me sens... bien, trop bien. Qui l'aurait cru ? Moi, tomber sous le charme du fils Winslow. Ça me paraît tellement absurde.
Je soupire, exaspérée. Je fais comme toutes les autres filles. Je suis tombée bêtement, follement amoureuse du garçon que toute la ville rêve d'avoir. Sérieusement, Maxime ? Toi ? Mais... tomber amoureuse ? Non, faut pas exagérer. Je pense pas...
Pourtant, dans cet instant précis, il n'y a que lui. Mes pensées tournent autour de Cole, encore et encore. Je ne rêve que d'être avec lui, qu'il soit là, près de moi. Et puis, je m'attrape à espérer. Stupidement. Qu'il apparaisse, comme par magie. Je reste assise sur mon lit, les yeux rivés vers la fenêtre. Une heure passe... puis deux. Je me dis que je deviens folle, que c'est n'importe quoi.
Je me couche finalement, m'enfouis sous la couette, essayant de chasser ces pensées.
Le lendemain matin, le sommeil encore en miettes, je me traîne pour enfiler ce qui traîne dans ma chambre. Mon jean trop large, un t-shirt blanc, et le vieux blazer de mon père, immense et un peu usé aux coudes. Ça sent encore vaguement son parfum, un mélange de souvenirs et de nostalgie que je ne sais pas trop où ranger dans ma tête. J'aurais voulu un début de journée plus léger, mais ma nuit a été tout sauf reposante. Impossible de sortir Cole de ma tête.
Quand j'arrive enfin au lycée, Alyssa et Ethan sont déjà là. Je traîne mes pieds jusqu'à eux, échappant un sourire vague, comme pour dire que tout va bien même si, au fond, ce n'est pas tout à fait vrai. On discute un peu, mais mon esprit est ailleurs. Je fais mine de chercher quelque chose dans mon sac, en réalité, je scanne la cour à la recherche de Cole. Mais il n'est pas là.
Je me retourne discrètement et, là-bas, au milieu de la cour, je l'aperçois enfin. Cole. Sauf qu'il est accompagné de Chase, et évidemment de Summer, cette blonde qui traîne toujours autour d'eux comme une ombre. Ils sont avec quelques autres potes, tout ce petit groupe que je regarde de loin d'habitude. Cole n'a même pas l'air de remarquer ma présence, absorbé dans sa conversation. Ça m'agace plus que ça ne devrait.
J'essaie de garder un visage impassible en me tournant vers Alyssa et Ethan.
— Je vais chercher un truc dans mon casier, je reviens. 
Ethan hausse un sourcil, surpris, mais je ne lui laisse pas le temps de me poser de questions et m'éclipse rapidement.
Je traverse la cour d'un pas assuré, frôlant presque Cole et sa bande, assez près pour qu'il me remarque. Mais je ne tourne même pas la tête. Non, je continue droit vers mon casier, comme si je ne l'avais pas vu. Loin d'eux, j'ouvre la porte métallique et me mets à fouiller, sans réel but. Juste... attendre. Peut-être qu'il va me rejoindre, remarquer ma présence, quelque chose.
Je consulte mon téléphone pour passer le temps, l'air absorbée, tout en jetant de rapides coups d'œil autour de moi, comme une gamine impatiente. Puis je réalise ce que je fais, et ça me frappe comme une gifle. Depuis quand je suis devenue ce genre de fille, à traîner près de mon casier en espérant qu'un mec vienne me parler ? Ridicule. J'essaie de me ressaisir, de me dire que j'ai mieux à faire que d'attendre qu'il m'adresse un regard.
Assise en classe, je ne parviens pas à écouter un seul mot du cours. Mes pensées s'acharnent sur Cole, tournent en boucle autour de chaque regard, chaque parole échangée hier soir. Pourquoi est-ce qu'il se confie autant, pourquoi cette proximité qu'il ne montre jamais en public ? C'est comme si j'étais une autre version de moi-même à ses yeux, mais une version qu'il garde cachée. Et quand on croise son regard dans les couloirs, il n'y a rien — comme si ces moments-là n'existaient que dans une bulle qu'il refuse de percer devant les autres. Un soir, il me laisse voir ses failles, ses faiblesses, et le lendemain il retourne à ce rôle de gosse riche, fier et distant, entouré de sa clique.
Est-ce que je suis une sorte de distraction pour lui ? Quelqu'un qui compte seulement quand il en a besoin ?
Il a honte, peut-être ? Je serre la mâchoire. Est-ce que c'est étonnant, après tout ? Je suis la fille de la femme de ménage, une "fille des dépendances" dans un jean trois fois trop large.

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