_ Je t'arrête tout de suite, me coupa le jeune loup dans mes réflexions, en continuant de manger tranquillement. Nous avons discuté toi et moi. J'ai accepté la situation, Hati aussi. Du moins, autant qu'un loup le puisse. Si tu songes une seule seconde à nous abandonner pour notre bien, changes tout de suite d'idée. Je ne suis pas aussi conciliant que tu le penses. Nous sommes amis. Ne t'avises pas de vouloir sortir de ma vie en pensant m'aider. Le manque de ta présence nous serait bien plus insupportable que cette situation.
La menace à peine voilée me fit sourire. Il avait un sacré don pour me mettre de bonne humeur. Je n'arrivais pas à lui rendre ce l'amour qu'il me portait, pourtant qu'est-ce que j'aurais aimé que ce soit le cas !
Comprenant que cette discussion ne mènerait à rien de bon, je décidais de continuer de manger, avant qu'un éclair de lucidité ne me frappe.
_ Puisque, en ce qui nous concerne toi et moi, la situation semble réglée, plaisantais-je à moitié. Je peux te demander un service ?
_ Toujours, me répondit-il le plus sérieusement du monde, en accrochant son regard au mien.
J'eus du mal à déglutir en affrontant ses yeux. Comment pouvait on en dire autant sans parler, putain ?! La reine de la fourberie en moi, détourna le regard. Je ne pouvais clairement pas affronter ce que je ressentais, la fuite était parfois une alliée de taille.
_ Le caniche nain qui sert de mari à ma sœur. Tu m'as dit qu'il voulais partir ? demandais-je en noyant le poisson de manière fort peu discrète.
Jérémiah se contenta d'acquiescer, certainement pas dupe de mon petit manège, mais trop respectueux pour me le faire remarquer.
_ La dernière fois que j'ai vu Abby, ça ne s'est pas très bien terminé. Je doute que de son côté, elle soit toujours en colère, mais je n'ai pas envie de lui parler seule à seule. Tu voudrais bien m'accompagner ?
Ce n'était pas dans mes habitudes de jouer les gamines capricieuses. Je savais parfaitement que j'aurais du agir en adulte, aller voir ma sœur, et mettre les choses à plat. Je n'en avais cependant aucune envie.
Je n'avais pas aimé Abby tout de suite. Quand j'avais volé une partie de la magie de mon père, et l'intégralité de celle de ma mère, alors que j'étais encore dans son ventre, je l'avais privé de son héritage magique. Il était rare que des mages naissent de personnes sans magie, et quand c'était le cas leur magie était dérisoire. Mes parents voulaient un enfant, c'était leur rêve. Quand ils se sont aperçut de ce que je leur avait fait, ils m'ont voués une haine intense. Je ne leur en avait jamais vraiment voulut, être privé de sa magie, si peu puissante soit-elle, avait de quoi rendre fou.
Ils avaient eu Abby peu après s'être débarrassé de moi. Enfant j'avais détesté ma sœur. Mes parents l'aimaient alors qu'ils me voulaient morte. C'était le plus mauvais départ possible pour une bonne relation entre sœurs.
Mes tuteurs avaient posés leur veto, pour qu'elle et moi soyons régulièrement en contact. Si je cachais ma colère et ma tristesse sous un masque d'indifférence, Abby elle, avait toujours semblé tenir à moi. En grandissant, son amour pour moi, ses efforts et sa douceur, ont eu raison de ma rancœur. Une fois détachée de ça, je m'étais rendu compte que c'était ma faute, si ma sœur était une mage médiocre.
Peut-être l'aurait elle était, que j'ai volé ou non la magie de nos parents. La probabilité, cependant, penchait largement vers ce que j'avais dérobé. J'avais beau savoir que je ne l'avais pas fait sciemment, je m'en étais toujours voulu. Elle semblait s'en accommoder pourtant, n'ayant jamais eu grand goût pour la puissance, elle s'était épanouie sans.
De mon coté, ma culpabilité m'avait rendu faible face à elle. Elle n'en avait jamais joué, pensant probablement que ma complaisance vis à vis d'elle, venait de notre relation.
Je ne savais pas à quoi était du mon revirement. Je me sentais toujours coupable vis à vis d'elle, mais j'en avais marre d'être si peu considérée. Elle ne savait rien de ce que j'étais, ce qui rendait certaine de ses réactions légitimes en général.
Cette fois cependant, elle avait toute les cartes en mains, et elle avait décidé de me demander de faire une chose horrible. Je ne pouvais pas le pardonner aussi facilement, même si le fait qu'elle ai préféré son démon à moi, devait aussi beaucoup peser dans la balance.
_ Tu comptes sur ma présence pour qu'elle n'ose rien dire ? Me questionna Jérémiah le plus sérieusement du monde, en me tirant de mes pensées.
_ C'est ça, répondis-je avec un sourire gêné.
_ Je vois mal comment dire non quand tu me regarde comme ça, sourit-il en se remettant à manger.
Un poids dont je n'avais pas conscience quitta ma poitrine. Je retournais à mon plat avec plus de plaisir, savourant le silence et l'ambiance apaisée de ce moment.
Une fois rassasié, je m'affalais en arrière sur la chaise, sentant mon ventre sur le point d'exploser.
_ Tu sais que tu ne peux pas rivaliser avec mon appétit, alors pas la peine d'essayer. Tu te fait du mal inutilement, s'amusa Jérémiah en me voyant aussi repus.
_ La gourmandise n'est pas réservé aux poilus, rétorquais-je avec malice, heureuse de le voir me sourire.
_ Tu remarqueras que moi, je ne suis pas sur le point d'exploser le bouton de mon jean.
Il n'avait pas tort. Je n'aurais clairement pas du manger autant, mais c'était bon. C'était lui qui m'avait mis toute cette nourriture sous le nez. C'était donc sa faute, pas de débat. Je ne relevais pas, je n'en avais de toute façon pas l'énergie. Je serais bien allé me reposer, histoire de me remettre, mais le dossier Abby était toujours en cours. Si ce n'était pas urgent, j'avais quand même hâte de m'en débarrasser.
_ Tu penses qu'on pourrait aller voir Abby aujourd'hui ? Ou tu as des choses de prévus ?
Il était quatorze heures passées, si il avait d'autres choses à faire, rien ne m'empêchait d'aller faire une sieste digestive. J'en venais presque à espérer qu'il ne soit pas disponible.
_ Je n'ai rien d'urgent à faire aujourd'hui. Je pensais passer l'après-midi avec toi, me répondit-il en débarrassant la table des restes de nourriture.
Zut, ma sieste s'éloignait aussi sûrement que ma bonne humeur. Je me forçais malgré tout à maintenir un semblant de joie. Tout en aidant Jérémiah à ranger, je me fit la réflexion que sa maison, bien que techniquement plus petite que la mienne, paraissait bien plus grande.
C'était probablement pour Hati. Jérémiah avait un contrôle et une relation incroyable avec son loup, mais si celui-ci devait émerger, il aurait besoin de place. Si les pièces étaient certes plus petites que chez moi, c'était tellement épuré que l'espace semblait multiplié.
Je sirotais mon café perdue dans mes pensées, avant notre départ jusque chez ma sœur. Je devais reconnaître que je le buvais vraiment lentement. Je ne manquais pas de courage, juste d'envie. Une tasse n'étant cependant pas infinie, j'en vint à bout et me préparais. Je ne pensais pas cela possible, mais la présence du loup près de moi, me donnait plus de courage que je n'étais prête à le reconnaître.
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Nihil tome 2
FantasyVivre avec une arme de destruction massive en moi ?Fait. Contrecarrer les plans d'un Dieu psychotique ? Fait. Mettre de l'ordre dans ma vie, avant de me retrouver chez les Dieux, pour leur prouver que je ne serais jamais une menace ? En cours. Entr...