De la haine à l'amour il n'y a qu'un pas...

Chapitre 30 :

POV CLARA :

Le sac de frappe tangue sous mes coups, chaque impact résonnant dans la salle vide. Mon souffle est saccadé, pas tant à cause de l'effort physique que de la rage et du vide qui m'habitent depuis deux semaines. Deux semaines loin d'Agathe. Deux semaines loin de tout ce qui compte.

Je frappe encore, plus fort cette fois. Mon poing rencontre le cuir avec un bruit sourd, mais je ne ressens rien. Ni douleur, ni fatigue. Juste ce trou béant dans ma poitrine qui refuse de se combler.

Clara.

La voix de Renaud me tire à peine de ma transe. Il est là, adossé au mur du gymnase, bras croisés, son regard inquiet posé sur moi. Je sais qu'il me surveille depuis le début, qu'il compte chacun de mes coups, qu'il note chaque faiblesse. Mais ce n'est pas de boxe qu'il s'inquiète aujourd'hui.

Clara, ça suffit pour aujourd'hui.

J'ignore son ordre et balance un nouveau crochet, mon épaule hurlant sous l'effort.

Clara ! Sa voix tonne, plus forte cette fois, tranchant le silence.

Je frappe encore, puis un dernier coup, et enfin je cède. Mes bras tombent, lourds, pendants le long de mon corps. Ma respiration est chaotique, mes yeux embués.

Je ne peux pas m'arrêter, Renaud. Pas maintenant.

Il s'approche doucement, posant sa main calleuse sur mon épaule. Son regard est doux, mais ferme.

Tu vas te tuer à ce rythme.

Je serre les dents, détournant les yeux pour ne pas flancher devant lui.

Et alors ?

Un silence. Lourd.

Renaud soupire, et je sens son hésitation avant qu'il prenne la parole :

Tu ne peux pas continuer comme ça, gamine. Je sais ce que tu traverses...

Non, tu sais rien ! Ma voix éclate, plus violente que je l'aurais voulu. Je recule d'un pas, arrachant ses mains de mes épaules. Tu ne sais pas ce que ça fait de devoir s'éloigner de la seule personne qui te fait te sentir... vivante. De savoir qu'elle est là, quelque part, et que si tu t'approches d'elle, elle risque de crever à cause de toi.

Ma voix tremble, et cette fois, les larmes que je retenais se mettent à couler. J'essuie rageusement mes joues, comme pour effacer toute trace de faiblesse.

Renaud s'approche à nouveau, plus lentement cette fois.

Tu sais bien que si je pouvais, je le ferais disparaître ce salaud, et je ne suis pas le seul qui veut le voir disparaître et te voir redevenir heureuse morveuse.

Je serre les poings. Le simple fait de penser à mon père fait monter un mélange de haine et de peur dans mon ventre. C'est à cause de lui que tout ça arrive. Que je suis coincée ici, seule, à m'épuiser dans cette salle de boxe plutôt qu'auprès d'Agathe.

Quand il me frappait quand j'étais gamine, tu sais ce que je me disais ? Ma voix est froide, déconnectée. Que peut-être, un jour, je serais assez forte pour lui rendre coup pour coup. Pour que ce soit lui qui ait peur. Mais regarde-moi aujourd'hui. Je suis là, je me tue à m'entraîner, et je ne peux même pas protéger les gens que j'aime de lui, je dois me cacher et arrêter de vivre encore à cause de lui.

Renaud baisse la tête, ses poings crispés. Il hait mon père autant que moi, je le sais. Il m'a ramassée plus d'une fois après les coups quand j'étais petite. C'est lui qui m'a poussée à monter sur un ring la première fois, pour que j'apprenne à rendre les coups, à me défendre. Il est plus qu'un entraîneur, il est comme un oncle, la seule vraie figure adulte qui m'a jamais soutenue.