Chapitre 4 : Jack

52.3K 3.6K 50
                                        

Le verre que j'ai commandé se trouve devant moi.

Je ne le bois pas, focalisé sur mes pensées. J'essaye de me détendre avec mes amis mais mon attention est portée sur les dossiers laissés au bureau.

-Jack ? m'interpelle Harry. On fait un concours de voltige, tu veux participer ?

-Je fais l'arbitre.

Mes amis attrapent un pot de cacahuètes et se lancent dans un vieux jeu de fac : lancer des cacahuètes en l'air pour les attraper dans la bouche. Celui qui lance sa cacahuète le plus haut gagne. C'est stupide, c'est enfantin mais c'est léger. Et j'ai besoin de légèreté.  

Peu à peu, je me détends. Mes amis me font rire, me tirent hors de mes chiffres, ils me vident l'esprit.

-Tu en penses quoi du bar? me demande Peter.

-C'est sympa.

-Wahou! Nous avons un compliment de Jack Lewis! s'amuse Conrad.

-Je ne suis pas aussi exigeant.

Ils éclatent de rire. Peter enchaîne :

-Pas exigeant ? Est-ce qu'on a besoin de te rappeler le nombre de fois où tu as demandé de changer de chambres à la fac ?

-Les chambres n'étaient pas assez lumineuses, je réponds.

-Et le nombre de nanas que tu as larguées car elles n'avaient pas toutes les qualités recherchées ? s'amuse Harry.

Ils se moquent à juste titre. Je suis difficile. 

-D'accord, j'ai compris. Je suis pointilleux. Soyez fiers, vous faites partie de mon cercle très restreint d'amis.

-Quel honneur !

-Nous faisons parti du cercle limité de l'insaisissable Jack Lewis, se pâme faussement Conrad.

-Trinquons alors ! A Jack Lewis et ses laquais! rit Peter.

Nous levons nos verres, célébrant notre amitié. Mais des éclats de rire bruyants interrompent notre discussion. Non loin, une table voisine s'amuse : une grande blonde, un métisse et une jolie jeune femme rient aux éclats. J'ignore Harry qui avale ses cacahuètes, mon attention happée par ce trio.

La jeune femme châtain l'aperçoit. Ses joues sont rougies par l'alcool, un sourire éclaire ses lèvres. Elle porte un pull gris trop grand pour elle. Loin de l'élégance des femmes que j'ai l'habitude de côtoyer.

Mon regard s'accroche à elle, s'aimante à elle. Qui est-elle ?

La mystérieuse inconnue se lève soudain et sort du bar. Un instant, je me surprends à vouloir la suivre, mais je me retiens. Je ne la connais pas, je n'ai rien à lui dire.
Peter me tire de mes pensées, entamant une longue explication passionnée sur sa collection de figurines Star Wars. J'essaie d'écouter, de chasser ce visage obsédant de mon esprit, mais en vain. Lorsque Josh imite la voix de Chewbacca, je saisis l'occasion pour m'excuser et rejoindre les toilettes.

Enfin seul, je me penche sur le lavabo et passe un coup d'eau froide sur mon visage.
Une chaleur étrange serre ma poitrine. Un seul verre, et déjà je vacille. Mon reflet me trahit : mes yeux, loin d'être impassibles, sont remplis de confusion.

-Ressaisis toi, bon sang !

Je soupire en m'accrochant au rebord du lavabo.

-Tu ne dois pas te laisser distraire. Qu'est-ce qui t'arrive ?

-Vous êtes comme Ethan.

Une voix douce me sort de mes pensées. Je relève la tête et découvre la jeune femme du bar, appuyée contre la porte. Ses yeux bleus, un peu vitreux, trahissent l'alcool qu'elle a bu. Elle sourit d'un air étrange, et son pull hideux a disparu, révélant un débardeur noir qui épouse parfaitement sa poitrine.

Je lutte pour ne pas la dévorer du regard. Elle est hypnotisante.

-Qui est Ethan? je lui demande curieusement.

-Mon ex. Il se parlait à lui-même pour s'encourager. Je le surprenais souvent le matin, brosse à dents à la main, devant le miroir.

Où veut-elle en venir ? Je reste silencieux face à sa beauté.

-Ce matin il ne l'a pas fait. Il ne l'a pas fait parce qu'il m'a quittée.

Son sourire se perd, tout comme ses pensées.
Que dois-je faire dans cette situation ? La réconforter ? Ce n'est pas mon genre de réconforter les femmes.
Mais elle, elle est différente. Je me sens si maladroit à ses côtés. Ma maîtrise disparaît. 

-Je suis désolé.

Elle éclate de rire, rompant la tension.

-Ne soyez pas désolé ! me répond-elle.  Ce n'est pas de votre faute. C'est de la sienne.

Elle me lance un clin d'œil complice, puis se dirige vers la sortie. Sa phrase éveille ma curiosité.

Elle ouvre la porte et me lance, toute guillerette:

-Jolie cravate!

Je n'ai pas le temps de réagir que la voilà déjà repartie à l'intérieur du bar.

Un jeu de tropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant