Chapitre 3 : Ella

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Le verre que j'ai commandé se trouve devant moi.

Sa teinte rose pamplemousse me nargue pour que je le finisse en une gorgée. Sauf que je n'ai aucune envie de le boire, je ne veux rien sauf lui. Ethan.

-Oh oh! me réveille de mes pensées Marc.

Mon ami d'enfance agite la main devant mon visage et je reviens à la réalité.

-Désolé, c'est juste que...

Mais les souvenirs refont aussitôt surface et s'infiltrent dans mon esprit.
Mes yeux se brouillent mais un claquement de langue désapprobateur résonne.

-Non! On ne pleure pas, m'interdit Cathi. Tu as eu assez de temps pour pleurnicher toute la journée. Tu n'es même pas allée au travail. Maintenant on se ressaisit!

-Cathi a raison, affirme Marc. Ne te mets pas dans un tel état pour Ethan. Il ne te méritait pas. Il ne t'a jamais mérité d'ailleurs... Il était égoïste et radin.

-Tu trouves ? je l'interroge alors, surprise de connaître son avis.

-Chéri, en une année il ne t'a jamais payé une seule fois le restaurant.

Effectivement... Je n'y avais jamais vraiment pensé.

-Il ne t'a jamais fait de cadeaux et je ne mentionne pas sa salle de sport... On n'a jamais su comment il avait obtenu les fonds pour l'ouvrir.

-Il m'a dit que c'était l'héritage de sa grand-mère, tenté-je de le défendre.

-Mouais.

Marc n'est pas convaincu. Je pourrais passer des heures à défendre Ethan, il ne changerait pas d'avis. Il ne l'a jamais porté dans son cœur, et maintenant que tout est terminé, il ne se gêne plus pour me dire ce qu'il pense.

-Il ne parlait que de sa salle de sport et de ses protéines. Son vrai amour, c'était son reflet dans le miroir. Pour le reste ? Tu faisais tout. Tu le traînais comme un boulet. Tu le portais à bout de bras. Franchement, je n'ose même pas imaginer ce que ça donnait au lit...

Cathi explose de rire et je rougis. Ethan ne me faisait pas grimper au rideau, c'est vrai. Notre vie sexuelle n'était pas phénoménale. Pourtant, il était tendre. Il me rassurait. J'aimais avoir ses bras autour de moi. En repensant à ces souvenirs, les larmes me montent soudainement aux yeux.

-Non! m'interdit ma meilleure amie. Je ne le portais pas non plus dans mon cœur tu sais. Avec le temps tu te rendras compte que toi non plus. Ella, tu es amoureuse de l'idée d'être en couple.

Sa franchise me touche. Elle a raison. Je ne tiens jamais célibataire plus de deux mois car je suis une vraie dépendante affective.

Ses longs cheveux blonds balaient son visage tandis qu'elle appelle le serveur.

-C'est ton anniversaire, rappelle-t-elle . Tu profites de ta soirée. Alors profites-en. Je ne suis pas venue pour te voir te morfondre comme à un enterrement.

-Vous avez raison, dis-je en signant ma défaite.

Sous leurs regards bienveillants, je porte le verre à mes lèvres. L'alcool me brûle la gorge, mais me réchauffe aussi.
Je veux ressentir quelque chose, vibrer, m'éveiller. Alors, sans prévenir, je bois cul-sec mon cocktail.

-Quelle descente ! rit Marc.

Je toussote un peu tandis que Cathi éclate de rire. Mon esprit m'ordonne d'arrêter mais mon corps me crie de continuer. Un dilemme s'installe, vais-je choisir la voie raisonnable ou celle de la déraison ?

Inutile de réfléchir.
C'est la déraison qui l'emporte.



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Je manque de tomber de mon tabouret vertigineux à cause d'un énième fou rire. Marc et Cathi font de cet anniversaire un moment inoubliable. Les verres enchaînés m'aident à tenir le coup, me rendant joyeuse et me faisant oublier ma récente déception amoureuse.

Le bar se remplit peu à peu. Cathi me donne un coup de coude malicieux quand un groupe d'hommes pénètre dans la pièce.

-Un bon moyen d'oublier Ethan, s'amuse-t-elle.

Ils s'installent au fond du bar, souriants.

-Dommage que je sois en couple, soupire Cathi. J'aurais bien demandé le numéro du blond.

Le jeune homme désigné est effectivement séduisant, mais mon regard dérive rapidement vers son voisin : un homme brun en costume sombre, fraîchement sorti du travail.

-Ici la terre ! m'appelle Marc.

Je détourne les yeux de mes amis en m'excusant.

-Pardon, j'étais ailleurs.

-On a bien vu! Tu fixais l'homme avec la cravate comme un morceau de viande.

-Il porte un costume ! je me justifie.

-Et? se moque Cathi.

-J'aime les hommes qui portent des costumes. Ethan n'en mettait jamais.... Mais qu'est-ce que je faisais avec lui, déjà?

Les mots me dépassent. Cathi éclate de rire, suivie de près par Marc. L'alcool commence dangereusement à faire des ravages avec mes neurones.

Mes amis, pris d'un fou rire, attirent l'attention des hommes au fond du bar. Ceux-ci se retournent vers nous, un sourire amusé aux lèvres. Mais leur regard dévie rapidement lorsqu'un d'eux lance une cacahuète en l'air et la rattrape d'un coup précis. Il croque dedans, ses amis applaudissent.

Tous, sauf un.

Un regard se pose sur moi.

L'homme en costume me fixe intensément. Silencieusement, je me surprends à l'admirer. Sa veste est tombée sur sa chaise, sa cravate détachée. Sa chemise blanche épouse la musculature de ses épaules.
Et ses yeux perçants me déshabillent du regard. Une chaleur étrange monte en moi.

-J'ai besoin de prendre l'air, dis-je à mes amis.

Calmement, je me dirige à l'extérieur du bar en ignorant un regard me brûler la peau.

Un jeu de tropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant