Un jeu de trop

Chapitre 9 : Ella

J'ai perdu tout contrôle.

Je renifle discrètement, tentant en vain de maîtriser mes pleurs. Ethan m'a envoyé un simple mail pour officialiser la fin de notre histoire, comme si je n'avais jamais compté à ses yeux. Même si c'est un salaud comme l'ont confirmé mes amis, son ignorance et le mépris qu'il me renvoie me font mal.

J'entends soudain mon nom. Nick Milton pointe un doigt dans ma direction, un large sourire accroché aux lèvres. Il porte un costume rouge vif, reflet parfait de son excentricité. Monsieur Milton est à mille lieues de l'image classique du patron : jovial, fantasque, souvent distrait, il semble rarement mettre le nez dans les affaires sérieuses de l'entreprise. Pourtant, sa présence apporte une forme de légèreté dans les bureaux.
Il entame l'un de ses discours interminables, vantant les innombrables qualités de la société. Je n'écoute que d'une oreille, distraite par la silhouette de l'homme à ses côtés. Je cligne plusieurs fois des yeux. Qui est-il ? Il est... sublime.
On dirait un mannequin échappé d'une affiche publicitaire. Pourtant, c'est bien lui, Jack Lewis, mon nouveau patron.

Ses cheveux bruns, légèrement décoiffés, semblent raconter une nuit trop courte ou trop intense. Il y glisse une main, tentant de les discipliner, mais ses mèches rebelles retombent nonchalamment sur son front, lui apportant un air sauvage.
Son costume épouse parfaitement sa carrure. Aucun doute, il fait du sport.
Son visage, en revanche, tranche avec ce relâchement : ferme, sérieux, d'une froideur presque intimidante. Rasé de près, il laisse apparaître une mâchoire nette.
Et ses yeux... D'un vert perçant, débordants de confiance, ils semblent capables de faire plier le monde d'un simple clin d'œil.
Cet homme doit certainement connaître l'effet qu'il provoque. Il s'en amuse peut-être. Ou il s'en moque.

Le mannequin, et accessoirement mon patron, croise les bras alors que Nick Milton conclut son discours. Sa voix profonde résonne dans la pièce :

-Comme vous l'a précédemment dit monsieur Milton, je vais être désormais votre supérieur. Je veillerai à ce que mon arrivée ne bouleverse ni votre travail ni votre quotidien..

Ses yeux verts balaient la salle, scrutant chaque recoin, chaque geste, chaque visage. Sa voix grave s'insinue dans mes veines.

-Je suis connu pour mon intransigeance et ne tolérerai aucune erreur. Monsieur Milton m'a déjà fourni un plan détaillé de votre fonctionnement...

Je n'arrive pas à détacher mes yeux de cet homme, il est envoûtant. Même son costume cintré, sa chemise blanche impeccable et sa cravate luxueuse semblent faits pour lui.

-Que je trouve très correcte. Une bonne organisation, une ambiance conviviale...

Mes yeux ne quittent pas sa cravate.

-Cependant, j'aimerais, avec votre accord...

Je l'ai déjà vu. Je force ma mémoire, cherchant désespérément où et quand.

-Dès la première heure...

Hier soir.

-Pouvoir échanger avec chacun d'entre vous vous sur notre entreprise...

Les souvenirs me reviennent lentement, un à un. J'ai soudainement chaud et je manque de m'étouffer. Ce n'est pas possible. C'est un cauchemar. Tout sauf lui.

-Vos envies, vos projets, votre position...

L'homme à qui j'ai enlevé la cravate hier soir se tient juste devant mes yeux.
Et c'est mon nouveau patron.

-Je vais avoir un entretien avec chacun d'entre vous, je vous attendrai dans mon bureau. Je ne vais pas vous manger.

Lisa rit niaisement et Denis fait de même. Mon visage devient livide, je n'entends plus les battements de mon cœur. Je suis tétanisée.
Nos regards se croisent et le temps s'arrête.

Je vais me faire virer.