Dire que je m'endormis sans problème serait un mensonge éhonté. Comme ça le serait de dire que j'oubliai totalement ce qui s'était passé entre William et moi. Pendant les jours qui suivirent, la scène du baiser tourna en boucle, me torturant sans relâche. J'étais totalement perdue, ne sachant pas comment gérer la situation ni comment tenir mes engagements auprès d'Emily et William. Une seule chose était certaine, j'aimais William, et c'était problématique. Car comment me montrer professionnelle après ça ? Comment organiser une cérémonie d'engagement, puis un mariage en n'y mettant pas du mien ? Comment ne pas ressentir cette douleur sans nom à la simple évocation de leur couple ?
J'étais brisée, vide, triste au-delà de ce qu'il était, selon moi, possible d'imaginer. Les jours passaient les uns après les autres, me rapprochant inéluctablement du moment où l'homme que j'aimais allait définitivement s'unir à une autre. Plus j'y pensais et moins je le supportais, n'arrivant toutefois pas à me contraindre à penser à autre chose. J'avais beau me dire qu'il ne s'agissait que d'un baiser, je me remémorais les sensations qu'il avait provoquées en moi, et, aussi étrange que cela puisse paraître j'en ressentais un manque. D'un autre côté, j'appelais la fin de la semaine de tous mes vœux de manière à en terminer au plus vite avec cette histoire. D'accord, il était plus que certain que j'allais avoir mal, mais comme le fait d'arracher un pansement d'un coup sec pour ne pas souffrir trop longtemps, j'avais dans l'idée que marier Emily et William me permettrait de tourner la page.
Depuis le mardi, j'évitais autant que possible les bureaux de Wedding Day, prétextant devoir me rendre chez nos différents fournisseurs afin de préparer la cérémonie. Depuis ce que j'avais baptisé « le dérapage », j'étais certaine de ne pas être en mesure de regarder la fiancée de William en face. J'avais l'impression d'être le trouble-fête, la garce, celle qui essayait de détourner le futur marié du droit chemin. Et puis, c'était au-dessus de mes forces. Même si William et Emily, dans leur attitude, n'étaient pas le genre de couple que j'avais l'habitude de côtoyer, je savais que les voir ensemble m'achèverait. Je fis donc tout ce qui était possible et imaginable pour les éviter, en commençant par transmettre leur dossier à Jess. Pour moi, c'était la meilleure solution : je continuerais à superviser la cérémonie, mais mon assistante s'occuperait de les recevoir et me transmettrait leurs souhaits.
Néanmoins, j'étais de plus en plus fatiguée à mesure que les jours passaient, et cela commençait à se voir, comme les regards irrités de mes collègues – aperçus en coup de vent lors de mes passages éclair au bureau – me le suggéraient. Je dormais peu ou en tout cas pas d'un sommeil réparateur depuis le début de la semaine, et la préparation de l'événement de samedi me stressait au plus haut point. Je mangeais seulement lorsque j'y pensais. De toute façon, je n'avais pas faim et le simple fait de devoir me préparer un plat me semblait insurmontable. Adieu donc, les bonnes habitudes prises à l'atelier de cuisine ! Mon congélateur débordait encore de surgelés qui me dépanneraient en cas de brusque fringale. Quant à mon humeur, elle était exécrable.
Le jeudi, j'arrivai au travail dans un état proche de la catatonie. Un regard dans le miroir de la salle de bain avant de partir pour le bureau m'avait vaguement fait comprendre que j'étais loin d'avoir bonne mine. J'avais des cernes gris sous les yeux, les cheveux ternes, raplapla au possible et les traits tellement tirés qu'on aurait dit que mon visage venait de subir un lifting sauvage – et raté. J'avais vaguement songé à aller demander quelques jours de vacances à Éric, mais cette idée me sortit de la tête aussi vite qu'elle y était apparue.
Consciente que si je ne faisais rien pour me requinquer un peu pendant que je travaillais, je risquais de commettre quelques bourdes, je me traînai jusqu'à la salle de repos pour avaler une ou deux tasses de café. Je m'assis et repartis aussi vite dans mes pensées.
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Incroyable fiancé
ChickLitSous contrat d'édition Se rendre compte que son futur mari mène une double vie presque à la veille de convoler en justes noces : ça, c'est fait. Profiter seule de la croisière qui devait être ma Lune de miel : c'est fait aussi. Succomber aux charm...