Éclair avait retiré sa main et Vlad ouvrit les yeux. Son regard erra sur la place du village. Ses soldats maintenaient les habitants en petits groupes serrés. Un autre groupe, un peu à l'écart, discutait avec le chef du village. Il baissa le regard. Trois cadavres gisaient à ses pieds. Son second fixait la foule, prêt à intervenir, prêt à le défendre contre tous, comme il l'avait toujours fait depuis leur première rencontre. Vlad sourit à Eclair et se leva.
- Merci, lui chuchota-t-elle.
Elle ne répondit pas. Elle avait compris.
Il s'approcha du géant qui lui tenait lieu de second. Ils se firent face à face de longues secondes. Sigford ouvrit enfin la bouche. Cela lui arrivé peu. Depuis qu'ils étaient devenus pillards, Sigford ne parlait presque plus. Il avait bien essayé les premières semaines de sortir Vlad de la voie de la violence, pour enfin renoncer. Seul son mutisme clamait son désaccord.
- Tu retrouvé ta voie.
- Je ne sais pas ce que j'ai trouvé encore. Mais je crois que mes vieux démons veulent enfin me laisser en paix. Il sourit. Et toi tu à retrouvé ta voix.
_ Je parler que si tu écouter.
Vlad sortit son sabre et l'essuya consciencieusement sur la veste d'un gisant. Quelque chose l'avait quitté, il le sentait. La colère rouge et aveugle qui l'accompagnait depuis tant d'années s'était disloquée dans ses souvenirs, ne laissant qu'un trou, un néant sombre qu'il ne savait comment remplir.
- Pourquoi es-tu resté avec moi tout ce temps?
Sigford leva sa face glabre vers le soleil.
- Quand homme malade, autre homme rester pour le guérir.
Vlad lui sourit. Un sourire dénué de cruauté, qui ne déformait pas sa cicatrice, mais illuminait ses yeux.
- Je me sens vidé. Il désigna la foule de ses Loups du menton. Qu'est ce que je vais faire d'eux maintenant. Je ne peux quand même pas rester le chef d'une bande de criminels.
Sigford, la tête toujours penchée en arrière, le front vers le soleil, ne daigna pas répondre.
- Si vous êtes vraiment leur chef, ils vous suivront quoi que vous fassiez.
Le géant contempla la jeune fille qui venait de parler.
- Tu écouter femme. Nature parler à travers elle.
Elle secoua la tête. La cascade de ses cheveux blonds jaillit vers le soleil et captura le regard de Vlad.
- Vous êtes un criminel, un violeur et un tueur. Sa mâchoire tremblait sous le coup de l'émotion. Et pourtant j'ai l'impression de vous comprendre. Si vous voulez vraiment rester leur chef, il va falloir leur montrer que vous êtes toujours le plus fort, sinon ils vous tueront.
Vlad soupira.
- Je suis las de tuer des innocents. Je préfère les laisser et m'en aller.
Eclair lui prit la main à nouveau.
- Vous ne pouvez pas. Sa voix se fit pressante. Ils vous assassineront plutôt que de vous laisser partir.
Sigford hocha la tête.
- Tu être bon. Nature être bonne, mais nature être cruelle aussi. Nature tuer pour défendre Nature.
- Qu'est ce que tu veux dire ?
Sigford se tourna vers Éclair.
- Je pense qu'il veut dire que tu peux te servir de ta bande pour protéger les gens. Elle jeta un oeil à Sigford qui lui souriait. Il est temps que quelqu'un se dresse contre les bandes de pillards et que les campeurs puissent vivre tranquilles.
Vlad rengaina lentement son sabre. Se battre contre les pillards. L'idée lui plaisait. Il lui fallait néanmoins trouver un moyen de présenter cette idée à sa bande. En attendant, il devait décider du sort d'une centaine de villageois. Il se dirigea vers la maison la plus proche.
- Qu'on m'amène le chef du village, lâcha-t-il par-dessus son épaule.
La maison était petite. Il prit place sur un fauteuil qui trônait devant l'âtre de la cheminée. La porte s'ouvrit. Son Second s'effaça pour laisser passer le chef du village, puis ressortit en la refermant silencieusement.
Vlad savait sans le voir qu'il s'était campé, dos à la porte, appuyé d'un bras sur son immense épée et défiant quiconque de troubler sa tranquillité.
Il fit signe à l'homme de s'assoir sur un fauteuil à côté de lui. Le villageois obtempéra. Ses lèvres minces, comme serrées pour l'empêcher de proférer des paroles qu'il pourrait regretter, sa posture trop raide et sa tête dressée fièrement, témoignaient de son aversion pour Vlad et de son refus de capituler. Le chef des Loups se félicita de cette attitude. Cet homme jouissait d'un caractère bien frappé et cela leur serait utile à tous deux.
Un plan émergeait déjà dans son esprit tandis qu'un silence pesant s'installait.
- Connais-tu d'autres bandes de pillards.
Le chef réfléchit quelques instants puis leva quatre doigts.
- La première bande opère à quatre jours de marche vers le Nord. Une douzaine d'individus qui s'en prennent surtout aux voyageurs trop faibles pour se défendre. Il baissa un doigt. La deuxième sévit à l'Est, une cinquantaine de bandits. J'ai appris par un campeur qui s'était sauvé qu'ils ont assailli un village à cinquante kilomètres d'ici. Ils l'ont investi et semblent bien décidés à ne pas se remettre en route avant d'avoir vidé toutes les réserves et épuisé toutes les femmes en âge de leur plaire. Il baissa un second doigt. La troisième, malheureusement, se trouve dans mon village. Il baissa un troisième doigt.
Vlad contempla, vaguement amusé le majeur qui restait dressé face à lui. Décidément cet homme lui plaisait.
- JE suppose que tu as gardé le meilleur pour la fin.
- Je sais que la quatrième se trouve quelque part au Sud-Est. Des bruits courent à son sujet, mais je n'ai rencontré personne qui ait croisé sa route. En tout cas on dit qu'ils sont près de cinq mille. Ils se déplacent de villages en village, se servant des derniers capturés comme de base avancée. Leur chef est un homme cruel qui se plairait à prélever de la peau sur chacune de ses victimes. Il la tannerait et la ferait coudre sur sa veste comme une traine de mariée. On raconte qu'il faut huit hommes pour empêcher cette traîne de toucher par terre. Il défia Vlad du regard. Comme quoi chacun peut trouver plus fort que soi en ce bas monde.
Vlad réfléchissait intensément.
- Cinq milles tu en es sûr ?
Le chef écrasa une mouche qui s'était invitée sur la table vide et la projeta d'une pichenette dans l'âtre éteint.
- Ce ne sont que des ouïes dire, donc peu vérifiable. Je dirai qu'on peut être sûr qu'ils sont au moins mille vu qu'ils sont capables d'attaquer plusieurs villages à la fois. Sa voix s'éleva dans la salle à manger silencieuse. Foutue engeance ! Si j'avais des soldats plutôt que des campeurs avec moi, j'aurai déjà délivré le pays de cette plaie. Mais je ne peux rien faire. Vingt hommes bien entrainés et j'aurai tenté une sortie. Une armée de cent et j'aurai éradiqué ta meute de loups jusqu'au dernier.
Submergé par la colère, le chef ne s'était pas rendu compte qu'il avait tutoyé Vlad. Il ponctua sa phrase en crachant à quelques centimètres de la botte cramoisie du Capitaine des Loups.
Ce dernier se pencha en avant.
- Et si je te la donnais cette armée?
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La Mort Double
FantasyLa Mort Double a frappé. Les morts se relèvent et se nourrissent des vivants. Des décennies après l'apocalypse, des légendes fleurissent. On parle d'un homme mi humain, mi zombie, capable des prouesses les plus folles. Certains disent qu'il peut tue...