La Mort Double

Claire

  Claire se réveilla. Il faisait encore nuit. Elle frissonna. La carcasse de voiture aux vitres brisées qui leur servait d'abri ne les coupait pas du vent. Des charognes, un peu. Un bruit attira son attention. Elle se concentra. Vlad sommeillait à côté d'elle. Son Vlad. Son roc. Leur protecteur à tous. Même lorsqu'il dormait, elle se sentait submergée par l'énergie qu'il dégageait. Elle aimait tout en lui. Elle aimait qu'il fût un des seuls noirs encore vivants à sa connaissance. Elle aimait son humeur enjouée, son éternel optimisme et la manière qu'il avait de toujours trouver des solutions aux problèmes qu'ils rencontraient. Claire se passa une main sur le ventre. Le petit monstre s'était réveillé. Elle sourit. Depuis qu'il la savait enceinte, Vlad rayonnait. C'était, pour lui, le plus beau des miracles. Sa réponse à la Mort Double. Sa manière de la vaincre.

  Un bruit à nouveau. À peine distinct, long, sinueux.

  Une reptation.

  Claire posa une main sur la bouche de Vlad et le secoua doucement.

  Il se réveilla en un clin d'œil. Il avait déjà sa dague à la main, alors que ces yeux s'ouvraient à peine. Il inspira lentement, tourna la tête, esquissa un sourire à Claire et se redressa.

  Le bruit à nouveau.

  Vlad agrippa la poignée la portière de la voiture. On lui touchait l'épaule. Il se retourna. Claire lui tendait son sabre. Une longue lame recouverte de barbillons, faite pour trancher la chair et accomplir le maximum de dégâts. Lorsque vous la retiriez d'un ventre, la lame emportait les viscères avec elle, ne laissant aucune chance de survie à son adversaire.

  Il lui sourit.

  Elle lui sourit.

  Un regard et tant d'amour. Leurs vies se mêlaient, leur sang, tout leur être. Ils n'étaient qu'uns et le savaient. Ils étaient l'univers. Uniques, innombrables et bientôt trois.

  Un craquement, de l'autre côté.

  Vlad quitta Claire du regard et emporta tout. Ses cheveux blonds qui lui tombaient jusqu'aux épaules en cascades joyeuses. Ses yeux emplis de tant Amour. Pour lui, pour les hommes, pour le petit être qu'elle portait. Elle aimait tout le monde sans concession. Ses jambes qu'elle lui avait tant ouvertes, portes vers l'oubli. Sa poitrine qui déjà se gonflait, prête à nourrir le fruit de leur amour. Ils n'étaient qu'un seul être, mais elle était sa meilleure partie, il le savait.

  En une fraction de seconde, il emporta tout.

  Il sortit silencieusement, referma doucement la porte sur le petit univers qu'elle abritait et se coula dans l'obscurité.

  Il ne les revit jamais. En vie.