Iris et Vent d'Esprit

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Ils progressaient le long d'une ancienne route. Des générations de végétation y avaient déposé une couche d'humus, colonisée par de chétifs buissons dont les racines soulevaient les plaques de bitume. Un arbre avait poussé sur le bas côté, sa croissance débutant sous un cadavre de voiture. Ses branches à présent centenaires soutenaient le véhicule une demi-douzaine de mètres plus haut. Un cerf qui broutait sous l'arbre à voiture détala à leur approche en direction de la foret qu'on distinguait à peine au loin.

Vent d'esprit inspira, savourant les odeurs d'humus et de musc. Du chèvrefeuille poussait sur le côté. Il s'écarta de quelques pas et y cueillit une fleur. Une main s'abattit sur son épaule.

- T'éloignes pas de nous mon mignon.

C'était La Teigne. Un des pires membres de la bande de bandits. Il empestait. De ses chicots noircis et pourrissants s'exhalait des relents de charogne. Ses principales occupations étaient de terroriser le garçon et de le poursuivre de ses assiduités.

Il s'empressa de rejoindre le groupe, prenant bien garde de ne pas abimer la fleur de chèvrefeuille qu'il tenait par la tige. Il s'approcha d'Iris, la jeune fille aux yeux vairons et lui tendit la fleur. Un large sourire lui déformait le visage et un peu de bave lui coula sur le menton.

- C'est pour toi. Il hésita. Si tu la frottes dans ton cou, tu vas sentir comme elle.

La Teigne qui avait suivi la scène s'exclama ;

- Hé ! Les Gars ! L'idiot offre des fleurs à notre laideron !

Le groupe s'esclaffa. Une douzaine de spadassins endurcis qui ne connaissaient de l'amour que le viol et la contrainte. Le visage d'Iris se ferma et elle écrasa les pétales dans son poing. Elle laissa la bande la dépasser. Vent d'Esprit se désolait de voir le fruit de son amour souffrir de la sorte. Il se promit d'être plus discret la prochaine fois et cherchait déjà ce qu'il pourrait encore lui offrir. Iris reprit sa marche en queue de peloton, la fleur toujours serrée dans la main. Elle la porta à son nez, huma son parfum et la frotta délicatement contre son cou après s'être assurée que personne ne la regardait.

Halabert, le chef de leur petite troupe, qui cheminait en tête, se laissa porter à hauteur du simple d'esprit.

- Dis-moi, Brad Pitt.

Le visage de Vent d'Esprit s'illumina, il essuya la bave de son menton d'un revers de manche. Il adorait ce nom, c'est Iris qui lui avait choisi. Celui d'un grand général, d'un héros de l'ancien temps.

- Tu es sûr qu'il vit tout seul ton gars ? Il hocha la tête. Bien ! J'espère qu'il va pouvoir nous aider.

Il n'aimait pas son air calculateur.

- Pour sûr qu'il va nous aider, susurra La Teigne, une petite cabane gentiment construite où disparaitre après un gros coup.

Halabert lui lança un regard furieux. Le gosse n'était pas très malin, mais il ne voulait pas qu'il se doute de quelque chose. Il en avait besoin pour la première phase de son plan. La fameuse technique du cheval de Troie. Envoyer le simplet en avant pour se faire ouvrir la porte pendant que le gros de sa troupe attaquerait par l'arrière. Il suffirait d'un bon levier pour disjoindre quelques planches et s'introduire dans la cabane. Halabert se réjouissait d'avoir rencontré le garçon qui lui fournirait une base bien défendue d'où lancer ses opérations de rapine.

La foret les engloutit. L'ombre des arbres se referma sur eux tandis qu'ils dépassaient la lisière. Ils marchèrent plusieurs heures. Vent d'Esprit, dont l'exitation progressait à chacun de ses pas, ne pouvait s'empêcher de babiller.

La Mort DoubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant