Chapitre un.

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    Dire que les messages avec cet inconnu ne m'ont pas contrarié serait un euphémisme. En même temps, comment le contraire pourrait-il être possible ? Ce n'est pas tous les jours que l'on reçoit un SMS d'un pur inconnu qui veut subitement jouer avec nous, à un jeu des plus bizarres en plus. Pour autant, j'ai aimé, très certainement car je me suis profondément ennuyé toute la journée du samedi et cette distraction m'avait plutôt plu. Je sens un sourire se dessiner sur mon visage à la pensée de ce fameux jeu, demander de faire un choix entre les quatre points cardinaux pour définir dans quelle direction le regard devait se porter et dire quelle personne était à cet endroit. J'ai aimé le faire, c'est pourquoi j'ai demandé à cet inconnu de faire de même et j'espère qu'il a lui aussi pris du plaisir à le faire. J'essaye de me convaincre de ne pas penser qui pourrait être cette personne, elle n'a pas voulu me donner son identité, peut-être par honte ? Ou tout simplement pour que je ne regarde pas sur les réseaux sociaux à quoi elle ressemble ? Je souhaite tout simplement que cet inconnu ne me connaisse pas, que ce ne soit pas l'une des peu de personnes à qui je parle. Je ne le supporterais pas. De toute façon, c'étaient peut-être les seuls messages que l'on s'enverra de toute notre vie, on ne se reparlera sûrement pas à nouveau. C'était juste comme cela, parce qu'il s'ennuyait et que c'était aussi le cas de mon côté. Je n'ai aucune envie de me prendre la tête avec cette histoire pour le moment.

    Ma mère me crie depuis le rez-de-chaussé de descendre. Nous partons dans seulement une demi-heure et qu'à cette vitesse, jamais je ne serai prêt. Nous serons donc en retard pour le déjeuner familial. Je soupire avant de lui répondre que j'arrive. Ce n'est tout de même pas de ma faute si je n'ai aucune envie d'y aller. Là-bas. À Londres, voir tous les membres de cette famille où personne ne s'aime et où tout le monde fait semblant, où tout le monde est hypocrite. Je pense que cela ne m'aurait pas gêné si j'avais connu cela tout au long de mon existence. Sauf que ce n'est pas le cas et que jusqu'à il y a cinq ans, tout allait pour le mieux, tout le monde s'appréciait et ne faisait pas que prétendre. Les choses ont changé à la mort de mon grand-père et de ma grand-mère lors d'un accident. Cela a tout simplement dissolue la famille Tomlinson. Je me demande, depuis tout ce temps, pourquoi on essaye encore et toujours de reconstituer ce qu'on était il y a cinq ans. Dans la vie, il y a des choses que l'on ne peut sauver, peu importe à quel point on le souhaite. Malheureusement, ma famille en fait partie. Je soupire de nouveau. Parce que ma mère vient de nouveau de crier et même mon père commence à râler lui aussi. Je jette les couvertures au pied de mon lit et sors rapidement, enfilant à la va-vite quelques vêtements pour ne pas sentir la température glaciale de ma chambre me ronger la peau. Je prends mon cellulaire. Je descends les marches, ma mère m'embrasse la joue. Je dépose un baiser sur celle de mon père qui mange, mes petites sœurs, du nombre de quatre : Charlotte, Félicité, Daisy et Phoebe, me prennent chacune à leur tour dans leurs bras. Je claque un bisou sur leur front, grand frère protecteur que je suis. Je m'assis ensuite à table, entouré des personnes que j'aime le plus dans ce monde, je me sers des céréales dans mon lait et mets du Nutella sur mes brioches. Je prends facilement par à la conversation, malgré ma bouche pleine. Oubliant que les heures qui allaient suivre seraient semblables à l'enfer.

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    Nous sommes arrivés aux portes de cet enfer que j'ai évoqué plus tôt. Je peux vous jurer que je mâche mes mots quand je dis cela. Si je pourrais trouver une comparaison plus horrible, croyez-moi, c'est ce que je ferais. Je claque la porte de la Range Rover de mon père avec force, je mets bien évidemment toute la colère que je vais devoir contenir durant tout ce repas dans ce geste. Je sens sur moi le regard désapprobateur de mon paternel. Je me contente simplement de hausser les épaules, comme si je me fiches de tout ce qui tourne autour de moi et je crois que cela énerve mon géniteur. Tant mieux. Il n'aurait pas dû me forcer à venir avec ma mère. Je n'ai plus dix ans, mais sept de plus, je sais prendre soin de moi le temps d'une journée. Le pire est qu'ils le savent aussi bien que moi. Ils ont tout simplement envie de me faire chier parce quand ce moment, d'après eux je suis insupportable. Au moins, j'aurais une raison valable de l'être aujourd'hui. Ma mère toque à la porte de la maison de sa belle-sœur, celle-ci nous ouvre, toute souriante et pimpante. Compréhensible, après dix séances, et non, je n'exagères pas du tout, de botox il le valait mieux pour elle, sinon j'aurais demandé à être remboursé, vraiment. Elle nous fait entrer et nous dit bonjour en nous faisant la bise, résultat : son horrible odeur de parfum met monté à la tête et j'ai une horrible trace de lèvres sur ma joue gauche. Je ne peux pas m'empêcher de glousser quand je remarque que les filles ont la même et qu'elles aussi frottent vigoureusement leur peau avec le creux de leur main pour tout effacer. Je salue les autres membres de ma famille et grogne parce que nous sommes les derniers arrivés et que nous devons faire tout le tour. Je n'ai déjà pas pour habitude d'être quelqu'un qui croque la vie à pleines dents sans se poser de question et qui est toujours de bonne humeur. Forcément quand ça concerne en plus la famille de mon père, je ne peux vraiment plus depuis maintenant cinq ans. J'ai droit aux désagréables remarques de mes oncles et de mes tantes sur mon physique. Oui, je ne suis pas très grand. Oui, je n'ai pas d'abdominaux. Et oui, j'ai des grosses fesses. Mais non, je n'ai pas besoin de faire un de leur régime aux protéines ou au citron. Je n'ai aucune envie de perdre dix kilogrammes en un mois pour reprendre le double le mois d'après. Je fais comme si je ne les entends pas et leur souris avec hypocrisie, c'est une marque de fabrique chez nous, l'hypocrisie. Tout l'amour étant parti avec mes grands-parents, là-haut ou je ne sais pas trop où, mais j'espère dans un monde meilleur.

    On finit enfin par prendre place autour de la grande table en bois. Lottie (alias Charlotte) et à ma gauche et mon cousin Alfred, à ma droite. C'est le seul que j'arrive à supporter, on s'envoie des messages de temps en temps, pour prendre des nouvelles de l'autre, nos conversations ne durent jamais bien longtemps, mais cela me suffit amplement, on s'est toujours compris avec des regards et non avec des mots. Le repas passe très lentement, nous n'en sommes qu'au plat principal et j'ai pourtant l'impression de cela fait trois heures que je suis ici, coincé entre ses murs, avec des personnes que je déteste. J'ai envie d'envoyer un message à Zayn, mon plus proche ami. J'en ai réellement envie. « Interdiction d'utiliser les portables à table » nous avait à nouveau répété papa durant le trajet. Je comprends que ce n'est pas respectueux de faire cela, mais je m'ennuie tellement que je m'en contre-fiche. Je regarde quelques instants Daisy et Phoebe jouer au morpion sur la nappe. Je me demande bien où elles ont pu trouver ce stylo. Elles ont apparemment plus d'un tour dans leur sac. Et sont donc plus intelligentes que moi. Alfred me donne un léger coup de coude, me faisant sursauter, je pose mon regard bleu sur lui, interrogateur. Il me montre son paquet de cigarettes. Je mets du temps à comprendre, mais une fois que c'est fait, je le remercie intérieurement d'être fumeur et de me demander de l'accompagner. Nous nous levons de table et personne ne semble nous prêter attention. Tant mieux. Je n'aurais pas le droit à une remontrance de la part de mes parents.

    J'ai l'impression de revivre quand l'air frais s'abat sur  mon fin visage, je pousse un soupir de soulagement et m'étire. Alfred se contente de glousser à ma réaction et je lui souris. Il commence à fumer, après m'avoir proposé un bâton de nicotine que j'ai poliment refusé. J'essaye, pendant ce temps, d'oublier le bruit des klaxons et des cris de la population londonienne. Je contemple quelques instants les grands et longs buildings de la capitale du haut de mon mètre soixante-douze et des deux étages, plutôt admiratif. Puis je vois un bonhomme de neige et je souris. Un frisson me parcourt, mais je ne peux m'empêcher d'être heureux. Qui dit froid, dit hiver. Qui dit hiver, dit ma saison préférée. Pas seulement car mon anniversaire est au mois de décembre. J'aime la neige, les décorations et l'ambiance qu'amène cette période avec elle, une sorte de repos, de ralenti. La cigarette de mon cousin se finit bien trop rapidement à mon goût. Je ne dis pourtant rien quand il se dirige vers la porte fenêtre du balcon. Je rentre à l'intérieur et atterrit dans le salon, le chaud me donne des bouffées de chaleur, me faisant légèrement suer. Je quitte mon manteau, pourtant, il fait toujours aussi chaud et c'est insoutenable. Je n'ai pas besoin d'autres preuves pour me persuader que je suis bien en enfer.

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