Un souffle violent sur ma joue me réveille. J'ouvre les yeux et distingue quatre silhouettes floues au-dessus de moi.
- Mais... Que...
J'ai dis cela tellement légèrement que personne ne me remarque. Je referme les yeux... Je suis si fatiguée... Mon manteau traine dans un coin.
"C'est fini, je me dis, ils savent... Ils savent et vont m'exclure, comme tous les autres avant eux..."
Je sens une deuxième larme couler sur ma joue droite. Le sang imprègne les draps, laisse une odeur métallique qui m'est insupportable. Je rouvre les yeux mais mes forces m'abandonnent encore. Je ne distingue plus rien, j'entends juste des voix au loin...
- Earwen, sois raisonnable, décide une voix de femme.
- Non. Y en a marre d'être raisonnable, répond une autre voix féminine sur le même ton.
- Mais enfin, on ne peut pas la garder ! Elle représente un danger, pour nous et pour tous les autres.
- Tu n'as qu'à l'aider ! Toi qui prétends tout savoir !
- Je peux l'aider mais elle ne doit pas rester ici.
J'essaie de me redresser, sans succès. Je sais à présent qu'ils m'ont remarquée car le directeur me regarde et murmure, coupant ainsi la dispute :
- Regardez, elle reviens à elle...
Ca y est, j'ai réussi à me redresser et à m'assoir. Je regarde les personnes tour à tour fixement.
Je reconnais la voix de la fille aux cheveux bleus lorsqu'elle déclare :
- C'est un peu normal. Si vous avez tout suivi je l'ai giflée...
Elle s'appelle donc Earwen. Un prénom pas banal. La femme lui lance un regard noir, se penche vers moi et me demande d'un ton très doux :
- Comment t'appelles-tu jeune fille ?
- Hemli, je réponds d'une voix que je voudrais neutre mais qui tremble.
- Bien, dis-nous d'où tu viens, continue-t-elle.
- Pitié, Gerda, intervient le directeur, je pense qu'on n'a pas besoin de prendre de gants avec elle ! Ce n'est pas comme ci elle sortait de nulle part et puis...
Il s'interrompt lorsqu'il voit mon regard glacial. Je me retourne vers Gerda.
- Je vient de la forêt de Mirdwood, dis-je.
- Bien, continue, m'encourage-t-elle.
Elle veut tout savoir. A commencer par mon œil alors je raconte. Je raconte tout. Je me confie et je pleure même. Tous sont atterrés par le sang qui coule de mon œil droit mais je continue sans m'en préoccuper et je raconte. Mon infection, mon abandon, comment Madlon m'a recueillie, les marques sur mes bras qui sont apparues quand j'ai appris la magie, mon départ, la peur des gens à mon passage, la raison pour laquelle j'ai décidé de me cacher et mon arrivée ici. Lorsque j'ai fini de parler, les draps sont souillés d'un mélange de larme et de sang et son irrécupérables. Gerda est la première à reprendre la parole.
- Eh bien... c'est pour le moins... intéressant...
Le directeur et le médecin me regardent comme si j'étais un monstre. Je baisse la tête et déclare comme si on m'avait parlé :
- C'est entendu... Je part.
De retour dans ma chambre, je rassemble mes affaires et m'apprête à partir. Avant de quitter le dortoir, je regarde une dernière fois la pièce où j'ai failli dormir plus d'une semaine. Je soupire et ne m'attarde pas plus. Je quitte le bâtiment et je marche dans l'immense jardin en direction de la grande grille rouillée et envahie par les roses mais alors que j'ai la main sur la petite poignée ronde, une voix me dit :
- Tu ne peux pas.
Je me retourne. Il s'agit d'Earwen. Je soupire tristement en baissant la tête.
- Il le faut.
- Pour découvrir ton passé, tu dois rester.
Je lui lance un regard interrogateur. Elle reprend :
- Tous les possesseurs de magie, passent par ici. Tes parents en ont puisque toi tu en as. De plus leurs dossiers sont sûrement dans les archives avec les photos.
- Je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, répliquais-je d'un ton neutre.
- Et alors ? C'est extrêmement facile de remonter jusqu'à des gens en ayant leurs descendants.
- ...
Je baisse la tête. Je ne sais pas quoi répondre à ça. Elle a l'air tellement sûre d'elle... Sa voix brise de nouveau le silence qui s'est installé.
- Alors ?
- Je ne sais pas... Je suis un danger pour les autres.
- Je m'en fout, moi aussi je suis un danger et ils ne sont pas morts.
- Toi, tu n'est pas maudite, répliquais-je, les larmes aux yeux.
Je me retourne et m'apprête à ouvrir la grille mais Earwen n'a pas dit son dernier mot.
- Hemli ! Tu dois rester ! La seule façon de vaincre la malédiction, c'est en l'affrontant ! Et...
Sa vois paraît plus hésitante.
- J'ai l'impression de te connaître.
Les larmes coulent sans que je puisse les empêcher.
- Ca m'étonnerait.
- Si ! Je... je t'ai vu en rêve, tu pleurais et autour, un village brûlait. Je t'ai touchée pour t'aider mais tout est devenu noir et je tombais... J'ai entendu un nom... C'était le tien, Hemli...
Je me retourne en la toisant du regard. Elle s'aperçoit que je pleure et tente de s'approcher mais j'ai un mouvement de recul. Je ne veux pas qu'elle s'approche de moi. Je suis dangereuse. Dangereuse et en colère.
- Ce qui prouve bien que tu ne peux pas m'aider, que je suis condamnée à être rejetée par le monde, alors pourquoi ?! Pourquoi tu veux que je reste si tu as vu que me toucher te faisait du mal ?!
Elle me répondit d'un air étrangement calme.
- A la fin, tu me prenais la main et me sauvais.
- Je ne serais jamais capable de sauver qui que ce soit.
Sur ce, j'essaie d'ouvrir la porte mais celle-ci est verrouillée. Je soupire. Je ne suis pas prête de quitter les lieux...

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Maudite, tome 1
FantasyLe silence se fait. Les oiseaux éteignent leur musique et on entend plus que le vent qui souffle fort entre les branches. Il siffle la mélodie de la peur. Mais je n'ai pas peur. Des hurlements lointains se mettent à résonner et des yeux apparaissent...