Chapitre 14, Hemli

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Cela fait au moins dix minutes que je suis dans le couloir a me morfondre mais brusquement, une voix intérieure me booste et m'oblige à me relever. Je décide d'aller me reposer dans ma chambre mais quelque chose me fait changé d'avis. Je reviens en arrière. Non, je ne rêve pas... Derrière la porte entr'ouverte d'Earwen, je vois bien quelque chose dépasser d'en dessous son lit. Je m'approche, je sais que c'est mal, que je ne devrais pas entrer comme ça, mais la curiosité me pousse et finalement je m'agenouille et cherche l'objet avec ma main. Je sort un livre poussiéreux où il est seulement écris : Les Disciples du Mal. Aucune couverture, aucun ornement, rien. Je l'ouvre et le feuillette en commençant par la fin. Des pages vierges. Au bout d'un moment, des visages apparaissent, il y en a des tonnes. Des tonnes de gens qui ont basculés ou qui se sont fait infectés, comme moi... J'interromps ce défilé et stoppe à une page où le visage d'une femme qui m'est inconnue est neutre, presque triste. J'essaie de revenir au début mais il y a toujours plus d'hommes et de femmes, parfois même des adolescents. Soudain, l'une des têtes retient mon attention. Il s'agit d'un homme brun au regard perçant. Il n'est pas infecté, pourtant à son sourire, on devine qu'il est malfaisant. Un malaise se forme au creux de ma poitrine. Serait-ce... Tout à coup, l'un des yeux imprimés émet une vive lueur. Je sursaute et recule, lâchant le livre qui, sous le choc, s'ouvre à une autre page. Une fraction de seconde me permet de deviner qui est représenter.

C'est moi. Je suis là, mon corps est de profil mais ma tête est tournée vers la personne qui est censée regarder le livre. Mon regard est plein de tristesse, je me reconnais bien là. Cette découverte m'aide à comprendre. Toutes ces images ont été incrustées magiquement dans le papier, ce ne sont pas de simples collages de photographies sinon, je me serait aperçue qu'Earwen me prenait en photos. De plus, il fallait que les yeux soient visibles, il est donc plus efficace et surtout plus esthétique de recréer ces personnes à partir des souvenirs qu'on a d'eux. Que ce soit en chair et en os ou de papier...

Je décide de prendre le livre et de m'expliquer avec Earwen si elle me fait une remarque. Après tout, j'ai le droit de savoir que l'on m'a mise dans un livre.

Je descends et m'assois sur une des chaises qui bordent la terrasse. Je prends une grande inspiration et ouvre le livre à la première page. La plupart des figures me sont inconnues mais en regardant une jeune fille de plus près je m'aperçois qu'elle ressemble comme deux gouttes d'eau à Earwen. Cette dernière passe à ce moment et je ne peux m'empêcher de la retenir.

- Je sais pourquoi tu m'aides.

Elle m'a expliquer qui était l'adolescente dans le livre. C'était sa sœur jumelle, Elwing, morte il y a deux ans, assassinée. Lorsqu'elle me dit cela, je me pose des questions. Est-ce la fin qui nous attend tous, nous, les infectés ? Nous assassinera-t-on parce qu'on nous considérera comme dangereux ? Cette question est malheureusement sans réponse.

Earwen se lève et m'invite à dîner avec elle et sa famille, demain soir. J'accepte et elle s'en va. En repassant devant sa porte, avant d'aller me coucher, j'entends encore ses sanglots, et ce bruit résonne dans ma tête toute la nuit.

Le lendemain, je me réveille à cause du soleil sur mon visage. Je me lève tranquillement et descend prendre mon petit déjeuner. Ma colocataire est déjà levée mais elle évite mon regard lorsque je lui murmure un "bonjour" presque inaudible. Je sais que la discussion d'hier et le souvenir de son passé l'ont beaucoup affecté mais c'est elle qui n'a pas voulu changé de sujet quand elle en a eu l'occasion alors j'essaie de me dire que ce n'est pas trop de ma faute, étant donné que c'est moi qui suit aller chercher le livre dans sa chambre...

Nous nous préparons et nous nous rendons à l'Ecole. Les cours passent vite, nous ne nous parlons que très peu et à la pause, elle me chuchote simplement :

- Je vais à la bibliothèque.

J'acquiesce. Je ne vais pas la suivre, j'ai besoin de prendre l'air, la chaleur des salles m'étouffe. Dans les couloirs, je ne regarde pas beaucoup les personnes qui m'entourent. Je lève la tête de temps en temps mais en général, j'esquive le regard des autres comme s'ils allaient me montrer du doigt en hurlant. Je soupire. Il faut que je détende. On apprend pas aux élèves à repérer quiconque est infecté par le Mal, il n'y a que les professeurs qui savent nous reconnaitre, et encore...

J'arrive à la terrasse, le superbe paysage s'étend à perte de vue et le même couple d'amoureux est toujours dans le même coin. Je m'approche de la barrière et ferme les yeux. Les courants d'air chaud me balayent le visage, font voler mes mèches noires et blanches qui s'entremêlent, formant une cascade derrière ma tête.

Une jeune fille avec les cheveux roses traverse le balcon. Je la remarque car elle est voutée, comme si elle avait fait une bêtise mais il n'y a pas que ça. Elle possède un air de famille avec Earwen. je me souviens bien l'avoir entendu dire qu'elle avait beaucoup de sœurs, dont une avec une tignasse de cette couleur. Je passe outre. Tout le monde a le droit de faire des erreurs...

Lorsque je rentre en cours, je suis parfaitement détendue, je ne me suis jamais sentie aussi bien. Earwen me glisse un regard interrogateur auquel je ne répond pas.

La journée passe vite et le soir, lorsque nous rentrons, je me rend compte qu'il va falloir que je fasse bonne figure auprès des parents d'Earwen étant donné que mes débuts à l'Ecole ont été... mouvementés. Je fouille dans mes affaires. Je n'ai qu'une robe blanche à manches longues qui pourrait convenir mais... J'hésite à la mettre. Après tout, ce n'est pas comme si nous allions chez le directeur... Je décide de rester le plus naturel possible. Je me coiffe, je me remaquille un peu mais c'est tout. Détendue...

Maudite, tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant