Je n'ai jamais vraiment vu à quoi ressemble la Renaissance dans une grande ville. Celles que j'ai passé dans la foret étaient loin d'être aussi... chics. Madlon nous préparait un bon repas et nous sortions pique-niquer dans une clairière bordée de fleurs. Le chat s'amusait à essayer de les attraper et ça nous faisait beaucoup rire mais là lorsque je vois toute la ville s'affairer à décorer les rues, les parcs et les maisons, je me dis que je n'ai encore rien vu...
La séance shopping avec Earwen, nous a au moins permis de trouver nos robes et quelques accessoires même si, pour ma part, le médaillon que je tiens de mes parents me suffit... En revanche, je n'aurai pas pu trouver plus belle tenue. Les manches sont longues, cachent mes marques et sont attachées à mes majeures par de simples anneaux de fer qui me vont comme un gant. Les chaussures, je les remarque en passant devant une boutique. Ce sont de petites mules argentées à fines lanières, assorties à ma robe et à mes mèches blanches dans lesquelles je me sens bien. J'ai ma tenue et pour une fois, malgré mon œil rouge et toutes ces choses sur mon corps qui ne font pas de moi une fille "normale", je me sens belle... radieuse même.
La veille de la fête, je suis anxieuse. Daïrim m'a bien invitée mais j'ai peur de la foule, de me retrouver au milieu de tout ces gens qui savent peut-être que je suis dangereuse. Cette angoisse me serre le gosier et je m'endors la boule au ventre.
J'ouvre les yeux. Je suis par terre, dans le parc où se tient le bal. Je me relève et scrute les environs : rien, personne, les manèges et les jeux sont abandonnés, le vent souffle et fais grincer doucement les balançoires, aucun signe de vie visible. Je suis dans ma tenue de soirée, le grand dôme blanc se dresse devant moi. Tandis que j'avance, je relève la tête et contemple le ciel. Il est rouge et de gros nuages noirs forment une spirale vers le lieu où je me rends. Lorsque j'entre, une odeur métallique me saute aux narines et je grimace. On dirait... du sang. Le sol est recouvert d'une énorme flaque rouge, la pièce est dévastée et au centre se tient la pire des horreurs. Un monticule de cadavres sanguinolents git et un homme se tient devant cet affreux spectacle.
Gunnakt.
Il se retourne et je serre les poings, prête à me défendre.
- C'est toi qui a fais ça...
Sa déclaration me surprend et je bégaie :
- Non... ce... c'est impossible... Je ne... je ne veux pas... faire de mal à qui que ce soit...
- Pourtant... tu n'as pas hésiter à tuer ceux que tu aimes...
Il désigne le sommet du tas et je plaque mes mains contre ma bouche pour ne pas hurler tandis que les larmes jaillissent sur mes joues. Les trois corps qui ornent le dessus me sont plus que familiers. Earwen, Daïrim et Erdrim, auraient été plus que beaux si leurs habits et leur peau n'étaient pas recouverts de sang et déchiquetés...
Mes jambes flanches mais je me reprends et ne tombe pas. A la place, je toise Gunnakt qui me regarde d'un air attristé, même si je sais qu'il me ment.
- Tu vois... tu es incapable de te contrôler... incapable de sauver ou encore de protéger qui que ce soit...
Il me tend la main.
- Avec moi, tu n'auras pas à te retenir, je ferais en sorte que tu sois vénérée et respectée de tous... Aucuns de tes actes ne sera plus jamais considéré comme un crime... alors viens...
Je regarde mes mains. Elles sont pleines de sang et je m'aperçois que ce dernier remonte à une vitesse folle le long de mes bras, pour venir taché tout entier le blanc immaculé et innocent de ma robe. Je me prends la tête et dis entre deux sanglots :
- Non... ce n'est pas moi qui ai fait ça... pas moi... pas moi...
L'écho résonne dans ma tête comme un coup de marteau tandis que je ferme les yeux une nouvelle fois pour ne plus rien voir. Lorsque je les rouvre, je manque de tomber : je suis à présent sur une planche de bois, au-dessus d'un ravin dont le fond est recouvert de stalagmites. Une chute me serais mortelle mais malgré ça, je me mets à avancer, les bras écartés, comme si je voulais prendre mon envol.
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Maudite, tome 1
FantasiaLe silence se fait. Les oiseaux éteignent leur musique et on entend plus que le vent qui souffle fort entre les branches. Il siffle la mélodie de la peur. Mais je n'ai pas peur. Des hurlements lointains se mettent à résonner et des yeux apparaissent...