Chapitre 12, Hemli.

554 26 0
                                    

Une claque en pleine figure me réveille en sursaut. J'ouvre les yeux et me redresse. Earwen me regarde un verre d'eau à la main.

- Aïe... J'ai déjà vécu cette situation...

- Je sais... C'est moi.

Avant que je ne puisse ouvrir la bouche, elle me lance l'eau du verre. Je suis trempée néanmoins, je pousse un soupir de soulagement lorsque je sens la douleur qui me parvient de mes marques refluer. Je toise Earwen du regard avant de me rappeler que je ne peux pas lui en vouloir. Après tout, c'est ma faute si je suis dans cet état, non ? Moi je crois que si.

Je jette un regard par la fenêtre, à travers les volets, et m'aperçois qu'il fait jour. Déjà ? La nuit est-elle si courte ? Tous ces instants qui m'ont parus éternels... pourtant ils ont à peine durer quelques heures. J'examine les manches de mon pyjama tandis qu'Earwen me narre son rêve bizarre. Elles ont bien brûlées... Comment est-ce possible ? Je regarde ma peau à l'intérieur : intacte. Mes marques sont incapable de me faire du mal physiquement alors pourquoi ai-je tant souffert dans la forêt ? Earwen a fini. Elle me regarde. Elle veut mon avis. Mais je ne sais pas quoi dire.

- Euh...

- Tu m'as comprise ?

- Bin... oui...

- Tu étais consciente ?

- Quoi ?

- De ce que tu faisais.

- Euh... oui et non... enfin... je sais pas trop...

- J'ai peur, Hemli... Et je n'arrive pas à me la réguler...

- Te la réguler ?

Parle-t-elle de sa magie ? J'ignore quel est son pouvoir principal. Je sais juste qu'il se matérialise sous forme de fils bleus. Soudain, cela fait tilt.

- Tu es en train de me dire que ton pouvoir principal est la peur ?

- Je te l'ai pas dis ?

- Euh... non... ça existe vraiment ce genre de magie ?

- Bah oui... Tu sais, Daïrim, il lit les émotions, Erdrim peut semer la confusion...

- Attend, attend, Daïrim il quoi ?

- Il lit en toi, mais c'est gagnant surtout pour les filles qui... Tu... tu es... ?

Sa question reste en suspend. Je me mets à rougir.

- Je suis quoi ?

- Tu l'aimes bien mon frère ?

Voilà qui a le mérite d'être franc.

- Comme ami ! Je l'aime bien comme ami ! Ne va pas t'imaginer des trucs ! De toute façon, ce n'est pas le bon moment, la bonne année, pour penser à ça, dis-je en baissant la tête.

- J'ai juste demandé si tu aimais bien Daïrim.

Je me calme en réalisant ce qu'elle vient de dire. Elle n'a pas tort. Là, c'est moi qui m'imagine des trucs...

- Euh... Bah... Oui, évidemment... Pourquoi ?

- Bah voilà.

- Voilà quoi ?

Je suis complètement à la ramasse ; pas complètement remis de sa nuit, mon cerveau émet des court-circuit.

- Laisse tomber.

- Non, s'il te plaît... Où veux-tu en venir ?

- Rien... rien... Bon je vais dormir, salut.

Et avant que je puisse réagir, elle use de sa rapidité élfique pour gravir les escaliers à toute vitesse, me laissant seule au salon. Je ne suis pas décidée à me laisser avoir, moi non plus. Je gravis les marches quatre à quatre et j'essaie d'ouvrir la porte mais celle-ci est verrouillée. Je pose la tête sur le bois. Je ne sais pas si elle va m'entendre mais j'essaie quand même.

- Bon d'accord, j'avoue, ton frère m'a fait un compliment l'autre soir...

J'entends quelque chose remuer, des pas puis la porte s'ouvre et c'est une Earwen toute contente de ce que je viens de dire qui sort en trombe.

- Aha ! Je le savais ! Qu'est-ce qu'il t'a dit ?!

Je suis gênée.

- Calme-toi, il a juste dit : "bonne nuit, belle Hemli"...

Je rougis en repensant à cette scène. Non vraiment, je ne suis pas faite pour ce genre de compliment... Earwen, en revanche, affiche un sourire triomphant.

- Oui avec belle devant Hemli.

- Et alors ?

Elle tourne autour du pot exprès pour m'embêter... ou pour me faire comprendre sans avoir à le dire elle-même...

- Bah il y a belle devant Hemli et pas devant Mikie, Carmine ou encore Solya...

- Ca j'avais compris... soupirais-je. Et donc ?

- Bah tu vois bien qu'il est raide...

Elle s'interrompt puis reprend d'une voix hésitante.

- Il est raide... euh...

- Il est raide quoi ?

Je nage dans l' incompréhension la plus totale.

- Raide... Euh... Raide... Enfin...

- Oui ?

- Raide... Enfin... Pas raide mort mais raide... Tu me suis ?

- J'ai peur de comprendre...

- Donc ça veut dire que tu m'as comprise... Bon... Je vais... euh... voir mon père, il faut que je lui parle... hum euh... Salut !

Et elle détale. Je n'essaie pas de la retenir, j'ai besoin d'être seule pour réfléchir... Daïrim amoureux de moi... Ce n'est pas possible, je n'avais pas prévu ça... Personne ne doit s'éprendre de moi. Je suis infectée et le Mal prendra bientôt le contrôle de tout mon corps... Je sens une larme couler, malgré moi. Je ne suis qu'une vulgaire marionnette et celui qui m'habite me l'a bien fait comprendre cette nuit. Je glisse au sol, le visage enfoui dans mes mains. Je n'aurai peut-être pas dû venir ici... Si ça continue, Daïrim risque d'être blessé et je ne parle pas d'Earwen. Seulement, je sais bien que je ne pourrai pas la convaincre et puis je suis restée pour une seule raison : trouver des indices concernant mes parents, même avec mon "handicap". Mais j'en ai marre. Marre de tout ça, marre de faire pitié aux gens, marre de ne pas être comme les autres. C'est alors que la question que je me pose depuis toute petite me revient à l'esprit : pourquoi moi ?

Maudite, tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant