Chapitre 8 : Un extérieur nouveau.

347 53 16
                                    

Je me tournais et me retournais dans mon lit trop petit. Je n'arrivais pas à réaliser que c'était ma toute dernière nuit ici. C'était trop beau pour être vrai.

Je sentais ma pompe qui battait avec plus de vigueur que les autres jours dans ma poitrine. Je sentais mon sang qui circulait furieusement dans mes veines. Comme un mélange explosif d'impatience et d'appréhension.

Je ne trouvais pas le sommeil et ne fermais pas un œil de la nuit, qui me paraissait beaucoup trop longue.

Le petit réveil sonna et me sortit de ma torpeur frustrée. Je me précipitais hors des couvertures, puis m'habillais fébrilement.

Ma mère était déjà levée, elle avait sorti des masques à oxygène, des détecteurs de radiations et des combinaisons protectrices.

-"Tu es sûre qu'on en aura besoin ?" Lui demandai-je en levant les yeux au ciel, exaspéré par cette obsession qu'avait ma mère pour la sécurité.

-"Cela fait peut-être plus de treize ans que la bombe a explosé mais les radiations sont toujours là, Ethan. C'est dangereux de sortir sans rien. On ne sait pas si l'air est respirable et s'il n'est pas nocif pour notre organisme. Tu mets ça, sans discuter." M'ordonna-t-elle en fronçant les sourcils. Ce qui fit apparaître de petites rides aux coins de ses yeux et des plis sur son front.

Je m'exécutais sans un mot. J'enfilais la combinaison encombrante.

J'étais un peu serré au niveau des bras et des épaules.

-"Tu n'aurais pas pu trouver plus petit, maman ?" Lui reprochai-je en soupirant.

Elle me répondit par un sourire ironique qui voulait clairement dire que je n'avais qu'à pas grandir aussi vite.

Je me regardais dans le miroir après avoir mis mon masque et pris mon détecteur.

J'avais l'air totalement idiot. Ou flippant. Je ne savais pas vraiment.

Je vis ma mère dans le reflet qui mettait le Lanceur dans un sac à dos noir.

-"Pour quoi faire le flingue, maman ?" La questionnai-je aussitôt.

-"Pour me rassurer." Répondit-elle la seconde suivante. "Tu te contempleras un autre jour. On y va." 

Elle fit tomber l'échelle de la trappe, et grimpa sans rien dire. Elle avait l'air tendue. Je dois avouer que je l'étais aussi.

J'agrippais les barreaux métalliques à mon tour et quand elle ouvrit la plaque rouillée, une lumière vive et douloureuse inonda l'intérieur du bunker. Je plissais les yeux pour mieux voir.

Une telle luminosité était inhabituelle pour nous. Était-ce le soleil ?

Ma mère était sortie, elle me tendit la main d'en haut pour m'aider à monter, consciente que j'étais à la limite de l'aveuglement total.

Je me hissais laborieusement à l'extérieur moi aussi.

J'attendis que mes yeux s'habituent à la lumière du jour. Parce que oui, c'était bien le soleil. Mes yeux pleuraient. Je revoyais ce soleil si beau et si lumineux depuis plus de treize longues années. Enfin, le soleil.

A travers la combinaison, je sentis la main de ma mère qui se posait sur mon épaule.

-"Ethan, je te présente la Terre." Déclara-t-elle d'une voix qui me parut infiniment mélancolique.

J'ouvris les yeux avec difficultés. Et ce que je découvris me laissa sans voix.

Autour de nous la belle Salle de Réunion du Ministère n'était plus qu'un amas de ruines poussiéreuses. Les tables et les chaises de bois précieux pourrissaient lentement. La vieille télévision arborait un écran fissuré.

Le Ministère n'était plus rien qu'une montagne de désolation.

Le mur était tombé, nous laissant voir le reste de notre ancienne ville : des panneaux de signalisation tordus, des immeubles écroulés, et des tapis épais de poussière noire sur les toits encore restant et sur la route craquelée.

Il ne restait plus que le chaos désastreux d'un monde qui avait littéralement explosé.

Pourtant je voyais encore de la verdure un peu partout comme si la nature avait repris ses droits après l'apocalypse atomique.

Une sorte de lierre inconnu se promenait entre les vieilles pierres grises des maisons et des appartements détruits. De petits arbres étranges poussaient dans la cendre volatile des choses calcinées. Des plantes sans nom offraient leurs feuilles singulières au vent.

La nature s'était adaptée de façon prodigieuse et renaissait des cendres de la catastrophe humaine.

Le ciel était beau, plus gris que bleu malgré tout. Comme si des particules de poussières cendreuses étaient en suspension dans les airs et coloraient les nuages de leur couleur triste.

Le soleil brillait au dessus de nos têtes. Et parmi tout ce gris, il avait la couleur de l'espoir qui se rallume.



Cœur de Métal.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant