Chapitre 19 : Guidé par les astres de la nuit sombre.

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Mes jambes effectuaient les mouvements presque automatiquement, sans que je n'aie à les commander véritablement. Le Lanceur dans le fourreau de ma mère tapait contre ma cuisse au rythme de ma course. Je ne savais pas vraiment où j'allais, je courais au hasard, perdu et seul. Désespérément perdu et seul.

Le laboratoire Miller. Qu'est-ce que c'était ? Où c'était ? Qu'allais-je y trouver ?

J'avais une énorme boule d'amertume dans le ventre, autant amère que la bile. J'étais seul. Je devais trouver les réponses seul.

Mais quand je les aurais trouvé, qu'allais-je faire d'autre ? Qu'allais-je faire de ma vie ? A quoi servait tout ça ?

J'étais sûrement le seul humain encore en vie sur Terre. Le dernier humain. Mes tripes se nouèrent à cette pensée : l'extinction humaine totale et irréversible.

Des milliers de questions et de doutes m'assaillirent sans relâche. Avec ma mère, j'avais l'impression d'avoir un but à atteindre, j'avais l'impression de servir à quelque chose et d'être en sécurité.

Mais à présent, je ne savais pas quoi faire.

J'étais arrivé dans le centre-ville. La nuit était obscure et fraîche. Une légère brise venait caresser ma peau, et je frissonnais doucement. C'était une sensation agréable, la nuit. Ce petit peu de vent changeait de l'air conditionné du bunker qui m'oppressait les poumons autrefois.

Je me mis à observer les étoiles dans ma course. Elles étaient si nombreuses et si brillantes que j'en eus le souffle coupé. Il y avait des constellations aussi. Je n'en avais jamais vu en vrai, seulement dans les livres d'astronomie de ma mère, parce-que avant, j'étais trop petit pour lever la tête. C'était un spectacle magnifique.

Je vis la lune, ce si merveilleux disque argenté, et mon sourire s'évanouit aussitôt. Mon père, s'il était encore en vie à l'heure actuelle, était là-haut à mener une vie de prince. Peut-être même s'était-il remarié et avait-il construit une nouvelle famille ? Qui sait ?

Des frissons de colère me parcoururent la nuque. Je savais ce qu'il me restait à faire : tout faire pour survivre ici-bas et trouver un moyen de monter là-haut. N'importe quel moyen. Je voulais me venger du géniteur indigne.

Cette idée improbable, et à vrai dire peut-être même impossible, allait me maintenir en vie, je le savais.

Éclairé par la lumière laiteuse de la lune, je passais devant tous les magasins de la ville, à la recherche du laboratoire dont m'avait parlé ma mère.

Au bout d'un certain temps, je me mis à souffler un peu trop fort. Je stoppai ma course devant l'armurerie RobotMania. Il me sembla que cet endroit m'était familier. C'était un grand magasin qui avait dû subir les attaques violentes des survivants d'avant la bombe nucléaire. Ma mère faisait souvent des cauchemars où il était question de gens qui me voulaient du mal, parce-que certains de mes organes étaient en métal. Parce-que j'étais différent, plus fort qu'eux. Et qu'ils avaient peur de cette force.

J'entrai dans le magasin démoli. Une épaisse poussière noire recouvrait le sol généreusement, des inscriptions illisibles apparaissaient sous la saleté des murs, un cadavre étrange était recroquevillé derrière le comptoir.

Par curiosité, je m'approchai pour voir. C'était une femme apparemment, la poussière radioactive avait conservé son visage, sa peau, et des lambeaux de ses cheveux. Elle portait une prothèse de classe 4 à la jambe droite. Au vu des marques sur son corps parcheminé, on l'avait sûrement tuée car elle avait eu le malheur d'être différente. Mais au fond, son cadavre ressemblait à n'importe quel cadavre.

Cyborgs ou non, la mort a le même visage pour tout le monde.

En cherchant un peu, je mis la main sur des munitions de Lanceur et sur un couteau très résistant qui semblait être fait de titane, comme mon cœur blindé et les nombreux câbles dans mon corps. La veste en cuir synthétique sur le mannequin de plastène serait un rempart efficace contre la fraîcheur de la nuit. Pour le reste, mes antiques baskets en toile me suffiraient pour me déplacer d'un bout à l'autre de la ville.

Je sortis du magasin. Je devais trouver le laboratoire afin d'obtenir des réponses aux questions qui se bousculaient dans ma tête et prenaient désormais de plus en plus de place dans mon esprit.

Un couteau, un flingue, des baskets et une veste. Ce serait suffisant.

-"Je t'aime maman." Dis-je tout haut, les yeux tournés vers Vénus.

"Je me vengerais papa." Pensai-je, cette fois-ci sans un regard pour la Lune.

Je me remis en route, guidé par le vent nocturne et par la clarté des astres. Animé aussi par une vengeance souterraine qui cherchait à faire surface.

Cœur de Métal.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant