Chapitre 30 :Dans la gueule du loup.

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Je sortis précipitamment de la pièce sombre et je refermai la porte derrière moi en fixant honteusement mes pieds. Murphy posa sa main métallique sur la poignée, prêt à ouvrir, mais je le repoussai d'un coup d'épaule. Je ressentais une colère immense. Les yeux émeraude de Murphy semblaient intrigués par mon attitude anormale.

-« N'entre pas. Il n'y a rien là-dedans. Rien qui n'en vaille la peine. On s'en va. » Déclarai-je sur un ton indiscutable.

Murphy hocha lentement la tête d'un air triste. J'avais envie de vomir et d'oublier tout ce que j'avais vu dans cette pièce infernale. Des images pleines de sang, d'entrailles et d'ossements humains tournaient dans ma tête. Comment un être humain pouvait-il se nourrir de la chair d'un autre être humain ? Murphy ne devait pas savoir.

Nous étions sortis de l'immeuble en vitesse. Je me sentais un peu vaseux. Murphy s'inquiétait pour moi. Il posa sa main froide sur mon épaule.

-« Qu'y avait-il derrière cette porte ? Demanda mon ami.

- Des monstruosités, lui répondis-je, la voix tremblante.

- Les Machines ont aussi commis des monstruosités, vous savez. Nos espèces se ressemblent plus que vous ne voulez bien l'admettre, expliqua doucement Murphy.

- La monstruosité engendre de la monstruosité, répliquai-je et ma voix se brisa vers la fin.

- Vous n'êtes pas responsable de ce que vos pairs ont fait. » Conclut l'androïde d'un ton tranchant.

Étrangement, je me sentais un peu mieux. J'aimais bien Murphy même si son programme contenait seulement de la bienveillance. J'en étais bien conscient. Ses réponses n'étaient pas humaines, son regard n'était pas humain, ses réactions n'étaient pas humaines. Un humain serait sûrement parti dans le misérabilisme ou la culpabilité. L'apocalypse brisait tous les humains, y compris moi-même. Mais pas Murphy. Il avait constaté la destruction de notre monde, avait été triste, et était passé à autre chose en un rien de temps. Comme si l'apocalypse était seulement un mot creux qui ne reflétait pas grand-chose, un concept plus qu'un fait.

-« Tu es conscient que tu es un robot ? » Lui demandai-je.

C'était cruel de lui demander ça, je le savais, mais je devais savoir ce qu'il se passait dans ses connexions neuronales, savoir ce dont son intelligence artificielle était capable, savoir ce que Murphy pensait être. L'androïde fixa ses yeux verts sur moi et je le vis se perdre dans le vague. Ma question avait eu un effet étrange sur lui. Comme si son cerveau s'était bloqué. Ses mains de métal se serrèrent si fort qu'elles grincèrent. Il s'était paralysé sur place. Aussitôt, je m'en voulu.

-« Je ne comprends pas cette question. » Répondit-il d'une voix monocorde qui ressemblait vraiment à celle d'un robot.

Ce n'était même plus la voix de Murphy que j'entendais. Ma question avait dû faire dysfonctionner le système de mon compagnon. Il ne parvenait pas à traiter les mots que j'avais prononcés. Affolé, je commençais à le secouer par les épaules, à lui dire de revenir à lui. Malgré tous mes efforts, Murphy ne bougea pas d'un pouce. Il était figé dans les méandres de son programme qui ne parvenait pas à résoudre le problème que soulevait ma terrible question. Mes yeux me piquèrent. J'étais loin de me douter que quelques mots pouvaient avoir des conséquences aussi graves sur mon ami de métal.

J'étais resté là, les bras ballants, espérant stupidement que Murphy allait se remettre en mouvement, pendant au moins une quinzaine de minutes. Après cette inutile attente, le malaise se logea en moi : je sentais des regards qui se posaient sur moi et des présences qui hantaient nos alentours. Ma pompe s'emballait dans ma poitrine lorsque je repensai aux tripes qui nageaient dans le sang, aux murs tapissés d'écarlate, au petit tas de cendre, aux restes non identifiables qui gisaient dans un coin du petit bureau glauque. Ils étaient là, autour de moi, ils attendaient. J'étais leur prochain festin. Murphy ne risquait rien. Mais moi si. J'étais un repas potentiel ambulant.

Six silhouettes humaines sortirent des immeubles environnants. Ils étaient armés de Lanceurs qui semblaient trafiqués par leur soin, leur peau pâle et fragile était presque entièrement dissimulée du soleil sous des vestes constituées de morceaux de peaux cousus tous ensembles, de petits bijoux en os ou en dents pendaient à leur cou ou à leurs poignets. Sous leur capuche rapiécée, chacun affichait un sourire carnassier et un air satisfait.

J'avais pensé qu'il n'y aurait qu'un seul chasseur mais il était évident que ça avait été naïf de ma part. Les loups chassaient en meute.

Et j'étais leur nouvelle proie.


Note de l'auteure : Chapitre très court sorry. Les prochains vont partir en cacahuètes. Je préviens. Vous serez gentils de ne pas me jeter des pierres pour le retard que je prends. :')

Cœur de Métal.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant