Chapitre 17 : Celle qui s'est cachée pour survivre...

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Je passai la petite flamme du briquet dans les rideaux et sur le grand canapé, le feu prit presque instantanément, puis je sortis et j'attendis.

Je tournai le lourd briquet en argent entre mes doigts, les flammes immenses se reflétaient dessus, telles les lumières de ma colère.

La villa Miller s'était embrasée dans sa totalité et crépitait joliment. Les murs en plastène fondirent rapidement et une épaisse fumée noire s'élevait haut dans le ciel gris, comme si elle voulait toucher les nuages.

Ce fut un sublime feu de joie.

Ma pompe s'était très clairement calmée, l'adrénaline que j'avais ressentie était redescendue. Par conséquent, je me rendis vite compte de mes blessures. La peau de ma main droite semblait avoir collée avec l'intérieur de ma combinaison, sous l'effet de l'intense chaleur. J'avais été profondément entaillé par les pinces des mutations entre les omoplates, et je saignais en abondance.

Ma combinaison était largement endommagée dans le dos : j'étais à la merci des radiations nocives de l'air !

Dans ma poitrine, ma pompe se remit en marche en panique.

Je me mis à courir jusqu'à l'immeuble voisin, là où ma mère s'était refugiée tout à l'heure.

-"Maman ! Ma combinaison est déchirée ! Ouvres-moi !" Criai-je, en martelant la porte barricadée de l'intérieur. J'avais peur de mourir. Je n'arrivai pas à me calmer, puis je vis du sang sur la poignée de la porte. Ce n'était pas le mien...

-"Maman ?" Crachotai-je dans un souffle de panique.

Personne ne me répondit, le silence qui suivit me laissa étrangement creux. Ma pompe et ma respiration s'étaient bizarrement calmées, pour laisser place à un vide immense en moi. Presque sans réfléchir, je me mis à enfoncer la porte à grands coups d'épaule, et les ondes de choc se répercutaient jusqu'à mes blessures sans que je n'en ressente la moindre douleur. Je perçus un craquement, m'indiquant que la porte cédait sous mes efforts. Puis elle céda.

Le détecteur de radiations s'affola complètement quand j'entrai à l'intérieur.

La lumière du jour vint éclairer violemment l'endroit, l'épaisse poussière noire radioactive se mit à voler en tous sens dans l'air et l'immeuble désaffecté m'apparut dans toute sa laideur post-apocalyptique.

Je vis une traînée de sang assez conséquente en plein milieu de la pièce détruite par le temps. Je refoulais la quantité insupportable de questions, qui résonnaient dans ma tête comme dans un couloir vide. Je suivis tout ce rouge, tout en redoutant le pire. Mes mains tremblaient le long de mon corps et je pleurais en silence sous mon masque. Tout ceci ressemblait à un cauchemar horrible dans lequel je resterais le seul survivant aux monstres.

-"Maman.. ? Appelai-je doucement, en distinguant une silhouette sombre dans la pénombre relative du salon démoli.

- Ethan... Oh, je t'en prie, ne t'approches pas de moi... Reste là où tu es..." Répondit ma mère faiblement. Elle était au pied d'un vieux sofa vert. Sa combinaison devait avoir été réduite en lambeaux par les mutations. Ma mère était à la merci des radiations mortelles mais, plus grave encore, une flaque noire auréolait son ventre.

Ma pompe s'emballa à nouveau, j'avais les mains moites. Sans tenir compte de ce qu'elle m'avait dit, je me précipitai vers elle, elle ne me repoussa pas, elle ne paraissait pas en avoir la force.

- "On va sortir d'ici, maman. Je vais te soigner et on rentrera au bunker, d'accord ? C'était une erreur, on n'aurait jamais dû sortir. C'était trop dangereux, trop stupide, trop...

D'un mouvement de la main, elle me fit taire. Je retenais mes larmes.

- Non, Ethan. Ce n'était pas stupide... On devait le faire, il le fallait. Ceux qui se cachent pour survivre finissent leurs jours lâchement. J'ai choisi à ton insu la sécurité à la place du bonheur, l'ennui à la place de l'aventure... La lâcheté à la place du courage. C'est une erreur que tu ne dois jamais refaire, me répondis-t-elle en crachant son sang en abondance.

- Maman... Je ne sais pas quoi dire... Je suis désolé pour tout ce que je t'ai dit tout à l'heure... Je... Je t'aime maman, bredouillai-je d'une voix misérable.

- Moi aussi je t'aime, Ethan... Mais si seulement tu savais toute la vérité... Si seulement il me restait encore un peu de temps... Je te dirais... Tout... Murmura-t-elle laborieusement.

- De quoi veux-tu parler...? Je ne comprends pas...

- Retrouves le Laboratoire Miller, Ethan, retrouves-le et tu comprendras... Tu n'es pas exactement ce que tu penses être..." Me souffla-t-elle presque inaudible. Je sentais sa main qui pressait la mienne très fort, je ne voyais pas ses yeux dans l'obscurité pesante mais j'entendais sa respiration hachée.

Un violent sanglot éclata dans ma gorge, les larmes m'aveuglaient, je ne contrôlais plus ma peine.

Et sa main lâcha la mienne.

Cœur de Métal.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant