Chapitre 27 : Le départ.

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-"Tout est gris. Tout est...anéanti." Constata Murphy avec une amertume triste.

Cette fois-ci, c'est moi qui posai ma main sur l'épaule métallique de l'androïde. Je le sentais sur le point de s'affaisser. Il avait raison. Le paysage ressemblait à un cendrier géant et sale. Le ciel était si obscur de nuages poussiéreux qu'il était rare d'apercevoir le soleil couchant en totalité. La ville tombait progressivement en ruines au loin. Des pans entiers de bâtiments se détachaient et s'écrasaient sur le sol en soulevant des tonnes de poussières radioactives. L'horizon semblait être un immense trait charbonneux. La Terre était une grande étendue de désolation. C'était le coucher de soleil le moins coloré qui pouvait exister. Tout était gris. Tout était anéanti. Peut-être même le peu d'espoir qui animait nos deux cœurs de métal.

-"Où allons-nous ? Que faisons-nous maintenant ? Demanda Murphy à mi-voix.

- On cherche la vie partout où elle pourrait se trouver." Lui répondis-je avec conviction.

Murphy se tourna vers moi et je crois bien que c'était la première fois qu'un robot me souriait et n'essayait pas de me tuer.

C'est ainsi que Murphy et moi avions décidé de retrouver la trace des trente-deux cœurs de métal qui battaient quelque part dans cette immensité dévastée. Il nous faudrait certainement quitter notre ville native et peut-être parcourir la Terre de long en large en travers.

-"Je propose de commencer par New York, de se diriger grâce au soleil couchant et d'emprunter la grande route." Déclara Murphy d'une voix neutre. Néanmoins, ses yeux verts trahissaient une certaine appréhension. J'acquiesçais en silence, convaincu qu'il ne nous restait que peu d'options à envisager de toute façon.

Quand la nuit fut tombée, sombre et froide, nous avions rejoint la ville pour fouiller une dernière fois les immeubles, à la recherche de matériel réutilisable, d'armes, de munitions, de vivres. Au comble de notre désarroi, il ne restait plus que de la poussière âcre et volatile. Nous avions arpenté les rues, désespérés. Quelques squelettes nous regardaient de travers avec leurs orbites creuses. La lune n'était que très peu visible et c'était tant mieux. Murphy m'avait fait remarquer que les cadavres robotiques des Combattants avaient été dépouillés de leurs armes. Ce ne pouvait être qu'une preuve que nous n'étions pas les seuls survivants et que quelqu'un était passé avant nous pour s'armer. Nous nous devions de rester sur nos gardes.

Nous nous étions cachés lorsqu'un couple de monstres mutants, semblables à ceux que j'avais fait brûler dans la villa, étaient apparus au détour d'un boulevard. Murphy et moi les avions nommé les Kriss, en hommage fidèle au crissement désagréable et irritant qu'ils faisaient pour communiquer entre eux. Il était préférable pour nous de les éviter au maximum pour économiser les munitions du Lanceur. Inutile de prendre des risques trop importants.

Les Kriss n'étaient sûrement pas les seules mutations à s'être adaptées à cet environnement hostile et radioactif. Murphy m'avait dit qu'il avait entraperçu un animal étrange qui volait entre deux nuages de poussières noires. Les radiations avaient transformé les espèces, en plus d'avoir monstrueusement défiguré le monde. La végétation, quant à elle, avait reprit ses droits sur la misère à certains endroits où l'on devinait de l'eau souterraine. D'ailleurs, la question de l'eau nous posait un problème majeur. Bien que Murphy n'avait pas cette préoccupation. Mais pour moi, cela faisait quelques jours déjà que je n'avais rien bu. J'imaginais que mon organisme amélioré pouvait tenir sans eau plus longtemps que celui d'un humain normalement constitué. C'était comme pour le sommeil. Je ne ressentais pas encore le besoin de dormir.

J'essayais de ne pas trop penser au manque d'eau et à la fatigue qui allaient inévitablement se faire ressentir à un moment ou à un autre.

Il nous avait fallu toute la nuit pour traverser la ville et en sortir. Nous suivions la route défoncée qui serpentait dans ce qui s'apparentait le plus à un désert de cendres. Le soleil se levait derrière nous, embrasant la poussière nuageuse et illuminant doucement la ville où nous étions nés. Je savais ce que je laissais derrière moi. Et le poids que tout cela faisait était immensément douloureux sur mes épaules. La petite étoile en argent autour de mon cou semblait s'alourdir. Murphy paraissait, lui aussi, très abattu.

Je pris la décision de ne pas me retourner et de marcher droit devant moi. Un long et pénible voyage nous attendait. Nous ne devions pas nous encombrer avec de sombres souvenirs.  

Cœur de Métal.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant