Chapitre 16 : Mettre le feu aux souvenirs.

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Je devais donc mettre mon plan à exécution sans attendre.

Avec une certaine appréhension, je jetai un coup d'œil par la lucarne. Les gros insectes étaient toujours en bas, au beau milieu de la rue. Ils patientaient en faisant claquer leurs pinces et en émettant un crissement irritant avec leurs mandibules.

Je me détournai de ce spectacle peu encourageant et me dirigeai vers la chambre de mes parents.

Quand j'entrai, il me sembla qu'il y avait une forme étrange sous les draps, qui étaient apparemment tachés d'un liquide qui avait dû sécher et noircir. Quelque chose qui ressemblait vaguement à un corps.

Je me souvins alors de ce que m'avait dit ma mère en entrant ici, tout à l'heure : "C'est dans cette maison que ton oncle est mort."

Mon oncle Charly.

Tonton.

Celui qui adorait me porter sur ses larges épaules.

Mes yeux me piquaient et mon petit-déjeuner sur-vitaminé remontait amèrement dans mon œsophage.

Sans attendre une minute de plus, je m'emparai du vieux briquet en argent de la famille qui se trouvait dans la table de chevet à côté du lit.

Puis je me mis à dévaler les escaliers à toute allure.

En me forçant à reprendre mes esprits, je fouillai le salon des yeux.

L'armoire à alcools était là, couverte d'une épaisse poussière noire, mais toujours splendide et entièrement constituée de bois précieux. Avec de belles vitrines pour protéger les bouteilles de cognac et de vodka coûteuses.

Je me souvenais de leur nom puisque mon père m'avait un jour expliqué que la consommation, ainsi que la détention, d'alcools avaient été formellement interdites depuis la Loi de Sécurité du 1er janvier 2095. Soi-disant que, dans une société moderne, la débauche et l'alcoolisme devaient être mis de côté pour une vie saine, accomplie et bien rangée.

Les drogues et l'alcool étaient considérés comme dangereux, primitifs et inutiles.

Mais mon père avait toujours aimé ne pas respecter certaines lois, qu'il estimait stupides et un peu abusives.

Évidemment, c'était surtout pour le fait que posséder de l'alcool chez soi, c'était quelque chose qui "faisait bien" pour un homme de son rang.

Ce fut avec une certaine satisfaction que je brisais les vitres avec mon coude et m'emparais de toute cette "richesse" liquide. J'allais prendre un malin plaisir à tout gaspiller.

J'ouvris toutes les bouteilles une par une.

Je me saisis des deux premières et les versai consciencieusement un peu partout sur la belle table en bois massif, sur les beaux fauteuils en tissus imprimés, sur le joli parquet en planches.

Je fis comme ça dans toutes les pièces de l'étage inférieur en veillant bien à ne rien oublier et à ne pas m'en verser dessus.

Je pris soin de laisser un passage intact jusqu'aux escaliers pour me permettre de faire mes allers et retours jusqu'à l'étage supérieur.

Le sol était luisant. Sous mon masque protecteur, je n'osais imaginer l'odeur de tous ces alcools mélangés.

Je fis la même chose au grenier et dans la chambre de mes parents. Je versais l'équivalent d'au moins deux litres sur le lit et sur ce que je pensais être le cadavre de mon oncle Charly.

Cœur de Métal.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant