L'arrivée

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    Je fus réveillée par l'arrêt soudain du vrombissement du moteur. Agacée par les claquements des portières de la voiture, je me frottai les yeux, regardai par la vitre, confuse, et je compris enfin où j'étais. Je me trouvais à Ogunquit, devant ma demeure de vacances. Rien qu'en comprenant que j'étais enfin rendue, je me mis à sourire. Après s'être mariés, mes parents avaient passé leur nuit de noce ici et avaient découvert et admiré ce splendide endroit. Ils nous y avaient ensuite emmené régulièrement, ma sœur, mon frère et moi, et nous étions, nous aussi, tombés sous le charme de l'endroit. Quinze ans plus tôt, ils avaient décidé d'acheter un chalet à proximité de la plage, pour qu'à chaque été nous puissions y passer la majeure partie de nos vacances. Malheureusement, depuis quelques années, nous n'avions pu y aller dû à divers empêchements mais mes parents avaient décidé que cette année, huit ans après notre dernière visite, nous devions y retourner. Nous adorions tous cet endroit, c'était pour nous notre petit coin de paradis, alors nous étions tous bien contents d'y revenir cet été.

    Je débarquai de l'auto, fébrile d'être rendue à destination, et levai les yeux vers le magnifique chalet qui se trouvait en face de moi. Il était fait de bardeau bleu marin, accentué de moulures blanches et de quelques fenêtres à crémone. Une allée de pierres entourée de jolies fleurs nous menait jusqu'à l'escalier en vieilles marches en bois qui nous guidait à la porte d'entrée. C'était si joli et accueillant!

    J'allai chercher ma valise dans le coffre de l'auto, pendant qu'autour de moi, mes parents, Marie-Soleil et Odilon Woods, faisaient des aller-retours pour sortir tous nos bagages aidés par ma grande sœur agaçante, Sarah. Mon frère aîné, Félix, viendrait nous rejoindre plus tard dans l'été.

    Tandis que je prenais mon bagage d'une main, un fort effluve de clou de girofle emplit mes narines. J'esquissai un sourire me rappelant ce qui se cachait dans ma valise. J'y avais glissé, quelques jours avant notre départ, un petit sachet que j'avais moi-même concocté et qui servait à éloigner le mauvais temps. Je ne voulais surtout pas que la météo vienne gâcher mon été et que je me morfonde dans mon chalet durant toutes les vacances sans pouvoir aller à la plage. Oh! Ça non!

    Nous avions, ma sœur, ma mère et moi, quelques manies comme celle-ci. Des superstitions en tout genre et quelques croyances païennes que nous utilisions sur certains plans de nos vies. Nous laissions cette partie de notre vie secrète de peur que les gens nous prennent pour des cinglées, nous pointent du doigt, nous pourchassent et nous enferment dans un asile psychiatrique... D'accord, j'ai tendance à exagérer, je l'avoue, mais selon mes calculs, il valait mieux garder cette partie de nos vies secrète. Si non, nous n'aurions pas pu venir ici... Pas vrai?

    Je passai la porte de la maison qui débouchait sur une grande entrée aux murs crème, où plusieurs crochets attendaient nos serviettes, chapeaux, sacs, etc... Je regardai autour de moi, comblée d'être à nouveau dans cette maison. Je changeai de main ma valise qui était plutôt pesante et continuai ma visite. Je passai devant un petit salon de couleur sable où se trouvaient deux divans confortables en tissus turquoise ainsi qu'une télévision et traversai finalement la cuisine, peinte aussi d'un ton de beige avec plusieurs armoires, dont les portes étaient recouvertes par les nombreux dessins que ma sœur, mon frère et moi avions dessinés étant enfants. Je les regardai de plus près. Je me souvenais très bien que ma mère les avait trouvés géniaux. En fait, ils étaient horribles. Soit elle nous avait menti, soit elle avait très mauvais goût. J'optai pour la deuxième hypothèse en regardant tous les murs crème qui se trouvaient autour de moi. Il y en avait trop. Beaucoup trop.

    Trop excitée pour rester sur place, j'avançai plus loin pour ensuite monter les marches allant au deuxième étage et me rendre jusqu'à ma chambre. D'une grandeur plutôt petite, il y avait juste assez de place pour un lit double, un bureau, quelques décorations et elle était peinte en vert. J'avais maintenant seize ans, et d'aussi loin que je me souvienne, le vert avait toujours été ma couleur préférée. Je déposai ma valise sur le couvre-lit fleuri, tout en laissant d'heureux souvenirs d'enfance refaire surface.

LimonadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant