Chapitre 8 : Croyez-vous aux miracles ?

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Depuis sa rencontre avec Stan, Clélia dormait mieux. Ses préoccupations avaient été détournées sur d'autres problèmes plus joyeux et moins importants. Des problèmes d'adolescente qui profitait de sa jeunesse un peu trop tard.

Elle voyait souvent Stan. Elle restait enfermée dans sa chambre, roulant quelques joints, lisant un livre que sa tante lui avait prêté ou rêvassant sur son lit. Vers quinze heures, elle entendait une voix qui l'appelait :

"-Alors princesse, me feras-tu l'honneur de ta présence ?"

Quand Stan l'appelait "princesse", Clélia souriait niaisement, comme si le monde disparaissait et qu'il n'y avait plus que le visage de Stan, attendant en bas que sa princesse italienne veuille bien le rejoindre. Alors elle descendait, un joint dans une main, une bouteille d'alcool dans l'autre. 

Clélia et Stan montaient sur le toit de la maison de Sibylle et parlaient de tout et de rien. Ils devenaient plus bavards quand ils avaient bu et fumé. Derrière le physique parfait de Stan se cachait une personnalité encore plus intéressante aux yeux de Clélia. Stan était intelligent, avait beaucoup lu. Il lisait tous les soirs. Il connaissait Stendhal, Zola, Flaubert, mais aussi Baudelaire ou Apollinaire. Il ne faisait pas d'études. "Les diplômes, c'est fait pour ceux qui ont besoin de voir leur réussite écrite sur un morceau de papier. Moi, je n'ai pas besoin de me le prouver. Je sais que je vais réussir." Il préférait passer ses journées à lire. Et à se promener.

Il avait beaucoup d'humour aussi. Il aimait taquiner Clélia. Il la poussait du coude pour qu'elle tombe du toit, mais la rattrapait toujours à temps, ce qui énervait Clélia, manquant de se ramasser par terre à plusieurs reprises. Mais toutes ces chamailleries se terminaient toujours en éclats de rire, en gorgées d'alcool et en bisous sur la joue.

Clélia devenait accro à Stan comme elle avait été accro à la cigarette. Stan devenait une drogue, il obnubilait ses pensées, elle buvait ses paroles et sa présence comme elle buvait de la vodka. Il devenait indispensable.

Et surtout, il l'aidait à oublier. Oublier avait toujours été un mot clé dans la vie de Clélia. Elle avait toujours voulu tout oublier. Oublier son père inexistant, sa mère absente, sa solitude, ses plaisirs nocturnes, ses problèmes divers. Ne plus y penser. Se vider la tête. Elle avait toujours essayé de trouver des échappatoires. La cigarette, l'alcool, la drogue, le sexe. Tous avaient fini par lui nuire, par la détruire encore plus. Mais Stan semblait être une échappatoire positive. Il la faisait sourire, et non pas pleurer. Et elle oubliait tout, avec seulement quelques mots et une présence réconfortante. 

Ce soir-la, Clélia et Stan ne buvaient pas. Sibylle recevait un ami de longue date qu'elle voulait présenter à Clélia. "Sois sobre !" Avait-elle recommandé à sa nièce, abasourdie. Clélia ne buvait pas beaucoup avec Stan et n'était jamais bourrée ou défoncée. Elle oubliait parfois que sa tante pouvait lire dans les pensées comme elle lisait dans les livres.

A dix-neuf heures, Clélia se leva. Stan la retint par le bras.

"-Ou vas-tu, princesse de la ville ?

-Ma tante reçoit ce soir. Il faut que j'aille me préparer.

-Elle reçoit qui ?

-Un ami d'enfance. Et son neveu... Son neveu ?"

Stan éclata de rire. Clélia se rassit et lui donna une claque qui le fit rigoler davantage.

"-C'est toi, le neveu en question ! Et depuis tout à l'heure, tu fais comme si tu ne savais pas que tu allais passer la soirée chez moi !

-Je voulais te faire une surprise à la base. Mais tu parles un peu trop.

-Je peux me taire si tu préfères.

Le Cercle des Douze DisciplesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant