Clélia entendit les chaises des Gardiens racler le sol et des bruits de vêtements qui se frottaient, de voix qui s'élevaient et de pas furtifs. L'assemblée sortait de table. Clélia eut un moment de panique. Il ne fallait pas qu'Adrian la surprenne ici. Ni même Auguste. Il était trop curieux. Et que penserait Anastasia ? Les deux femmes avaient déjà des rapports houleux, il était inutile d'en rajouter. Et elle ne voulait pas perdre la confiance d'Isaure, de Sibylle ou du père Alexandre.
Elle sortit son téléphone, activa le flash et prit en photo les trois lettres. Puis elle les remit dans l'enveloppe et chercha désespérément un rouleau de ruban adhésif pour la rattacher au meuble. Elle finit par en trouver un sur le bureau d'Anastasia et s'empressa de remettre le paquet là où elle l'avait trouvé. Puis elle sortit enfin de la chambre.
Et poussa un cri.
Auguste se tenait devant elle, les bras croisés, ses yeux noirs la transperçant d'une lueur emplie de sarcasme brûlant. Le sourire en coin, il murmura :
"-Je vois que j'avais raison. Je ne suis pas le seul à me mêler de ce qui ne me regarde pas."
Clélia se mordit la lèvre. Elle venait d'être prise en flagrant délit et perdait toute crédibilité face à l'écrivain. Elle se ressaisit et croisa les bras en le toisant d'un air de défi.
"-Je suis navrée mais ça ne vous regarde toujours pas.
-C'est très juste, répliqua l'écrivain, toujours aussi goguenard. Je suppose que tu avais de bonnes raisons d'entrer dans la chambre d'Adrian et d'Anastasia. Je suis désolé si je t'ai fait peur. Je constate aussi que tu ne me fais pas confiance, et je le regrette. Je n'ai pas dû bien m'y prendre. Je voulais juste te dire que ton secret était bien gardé avec moi.
-Si vous cherchez à me soutirer des informations, c'est raté, soutint Clélia d'un air borné. Je me moque éperdument de ce que vous pouvez penser, de ce que vous pouvez me dire. Maintenant, dégagez de ma route.
-Comme tu voudras, dit Auguste, son sourire mystérieux toujours figé sur son visage. Mais crois-moi, Clélia, tu prends la mauvaise direction."
Clélia haussa les épaules et poussa violemment Auguste, se dépéchant de descendre. Quand elle arriva dans le salon, Sibylle était déjà sur le départ. Stan lui adressa un regard qui mêlait à la fois soulagement et reproche. Clélia lui sourit pour le rassurer. Le père Alexandre écarta les bras :
"-Mlle Atkins ! Nous étions inquiets. Votre tante vous attend.
-Euh, Sibylle ? Est-ce que... Est-ce que je peux rester un peu avec Stan ? Ca ne sera pas long. On...
-Oui, Clélia, l'interrompit Sibylle, compréhensive. Seulement, je veux qu'Isaure te raccompagne, d'accord Isaure ? Avec les temps qui courent, il est préférable que tu ne rentres pas seule. Isaure sait se défendre mieux que personne.
-D'accord, chef ! hurla Isaure, au garde-à-vous et ayant visiblement un peu abusé du vin.
-Merci, Isaure. A tout à l'heure, Clélia."
Sibylle sortit, de sa démarche majestueuse. Clélia dit au revoir aux Gardiens. La bise qu'elle fit à Anastasia fut froide et dénuée de sentiments. Elle serra Isaure dans ses bras. Le père Alexandre, toujours aussi pudique, lui serra chaleureusement la main. Elle se contenta d'un signe de tête à Auguste, qui ne sembla pas offensé outre-mesure, et hésita quelques secondes devant Adrian. Puis, jugeant nécessaire de ne pas éveiller la curiosité du Gardien, elle lui fit la bise comme à Anastasia.
En rejoignant la chambre de Stan, elle ne put s'empêcher de ressasser tout ce qu'elle avait appris durant cette soirée. C'était Adrian le traître. Elle n'arrivait toujours pas à s'y faire. Cet homme solitaire et malheureux jouait un double jeu ? C'était presque comique. Elle avait peur de Kurt, mais elle n'arrivait pas à craindre quoi que ce soit de la part d'Adrian. Il lui avait paru si gentil, si inoffensif. Juste un être blessé, une coquille vide, une herbe sèche. Rien d'autre qu'un animal peureux, en bas de la chaîne alimentaire, exploité et oppressé. Elle comprenait mieux sa moue de désapprobation quand Auguste avait annoncé sa piste neuve en ce qui concernait l'Elue. Il n'avait aucun intérêt à ce que les Gardiens découvrent l'Elue avant lui. Il fallait que Kurt mette la main sur l'Elue.
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Le Cercle des Douze Disciples
Mystère / ThrillerClélia est une adolescente de dix-huit ans à problèmes. Pour l'éloigner de la drogue et des autres tentations dans lesquelles elle tombe petit à petit, sa mère Nicole l'envoie passer l'été chez Sibylle, son extravagante tante qui pratique la voyance...