Chapitre 32 : Tragiques retrouvailles

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Clélia n'osa pas engager la conversation avec Auguste durant le trajet du retour. L'écrivain était venu en moto jusqu'à Arcachon et l'avait rangé dans le coffre de la voiture de Sibylle. Elle avait préféré s'asseoir sur la banquette arrière. Elle s'était roulée en boule et avait tenté de trouver le sommeil. En vain.

Auguste conduisait sans rien dire et elle le remerciait pour ça. Il avait refusé de lui rendre son couteau, de peur qu'elle ne s'en serve à nouveau. Clélia triturait nerveusement son portable. Un sentiment étrange et totalement contradictoire s'était emparé de son corps depuis qu'elle avait coupé court à sa conversation avec Stan. La honte était toujours présente, oppressant son esprit et torturant son âme. Elle s'était conduite comme une imbécile. Auguste avait raison. Elle avait foncé tête baissée sans regarder devant elle. Elle avait agi sous l'influence du désespoir et de la peur. Elle ne s'était même pas demandé un seul instant si Leïla et Maya Vilier étaient vraiment Cécilia et Anna Valmont. Tout ce qu'elle voulait était de se débarrasser de ce lourd fardeau qui pesaient sur ses épaules depuis plusieurs jours. Mais il lui semblait maintenant qu'on avait rajouté des pierres dans son sac à dos. Elle avait eu tellement honte que le désespoir et la peur avaient presque disparu. Remplacés par... une once de soulagement.

Oui, même si elle sentait toujours le poids des problèmes sur son dos, il lui semblait qu'elle était mieux ainsi. Sa conscience était plus tranquille. Et elle savait pertinemment que le rocher qu'aurait rajouté ces deux assassinats n'aurait jamais pu être supporté et aurait fini par l'écraser. En aurait-elle seulement été capable ? Elle l'ignorait toujours. Elle se sentait presque frustrée. Frustrée parce qu'elle n'avait pas pu prouver au clan ce dont elle était capable. Frustrée parce qu'elle ne s'était pas comportée en héroïne et qu'elle avait empiré la situation. Tandis qu'elle cherchait une Elue imaginaire sur la côte d'Arcachon, Kurt avait mis la main sur Anna et comptait l'apporter à Adrian.

Encore une fois, alors qu'elle fuyait désespérément les difficultés, Stan avait fait le boulot. Il lui avait apporté des informations. Les informations dont elle avait besoin. Et, encore une fois, elle avait failli tout gâcher.

Elle ne redoutait que vaguement la colère de Sibylle. Elle ne comptait pas écouter ses remontrances. Elle allait directement retrouver Stan pour écouter ce qu'Adrian et Kurt allaient se dire. Elle voulait tout savoir. Puis enfin poser un visage sur la personne d'Anna Valmont. Voir enfin qui était cette femme que tous convoitaient. Cette femme qu'elle avait failli tuer. Cette femme qui, indirectement, avait compromis son espoir de bonheur et mis en danger sa famille.

"-On est arrivés."

Elle sursauta. Auguste venait de la sortir de ses pensées dans lesquelles elle était profondément plongée. Elle ouvrit les yeux. Elle aperçut au loin l'église et la maison de Sibylle. Elle sentit l'appréhension la gagner de nouveau. Bordel. Arrête de trembler. Tu as assez tremblé pour aujourd'hui. Tu as assez eu peur comme ça. Contrôle-toi. Reprends le contrôle de ton corps.

Elle inspira, comme à son habitude. Puis expira. Elle constata qu'Auguste l'observait d'un oeil moqueur dans le rétroviseur. Décidément, il n'avait pu rester sérieux que le temps de l'engueuler.

"-Tu fais du yoga, maintenant ?

-Fermez-là, rétorqua Clélia d'un ton un peu plus violent qu'elle ne l'aurait souhaité.

-Voyez-vous ça, railla Auguste. Tu n'as rien perdu de ta superbe, même après la position ridicule dans laquelle je t'ai retrouvé. Avoue que c'était comique : la petite Clélia Atkins, l'enfant prodigue fugueuse et névrosée, qui s'échappe une énième fois du domicile familial non plus pour aller baiser, mais pour se reconvertir en meurtrière en carton ! Et la voilà à Arcachon, presque entièrement enfoncée dans l'eau, en sous-vêtements faute de maillot de bain, un couteau à la main, prête à sauver le monde de la seule force de ses bras frêles ! J'avoue que si je n'avais pas dû faire le tour de la ville en moto pour te dénicher, j'en aurais presque ri !"

Le Cercle des Douze DisciplesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant