Chapitre 36 : L'Absent

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Adrian ouvrit la porte et regarda Clélia d'un air surpris. Sa barbe avait repoussé et ses cernes tombaient de nouveau sur ses joues creuses. Il était vêtu d'un simple tee-shirt et ses nuits avaient l'air d'avoir été aussi agitées que les siennes. Au fond de la pièce, Anastasia déambulait en nuisette blanche, ne souffrant aucune pudeur et dévoilant ses formes superbes. Elle adressa un petit sourire à Clélia, qui le lui rendit un peu trop tard.

"-Clélia ? dit Adrian d'une voix fatiguée, mais qui laissait filtrer une once de bonheur qui rassura Clélia. Que fais-tu ici ?

-Je me disais... En fait... Si vous... Enfin tu... Je veux dire, nous... Pourrions sortir dehors quelques instants pour discuter... De tout ça...

-Oui oui, euh, bien sûr, s'empressa de balbutier Adrian en s'affairant dans la chambre pour mettre la main sur une veste. Nastia, où est ma zhaket ?

-Zdes, répondit Anastasia en lui désignant d'un geste gracieux la chaise de son bureau. Elle aida Adrian à s'habiller. Celui-ci l'embrassa sur la joue et se dépêcha de rejoindre Clélia qui fixait avec attention ses pieds.

-Spasibo, Nastia, dit le Gardien en refermant la porte derrière lui."

Clélia passa devant lui pour éviter de croiser son regard. Ils descendirent tous deux les escaliers avec prudence, pour ne pas attirer des regards curieux, notamment ceux d'Auguste. Elle le conduit dehors et se dirigea vers la gouttière sur laquelle elle était montée il y a quelques jours à peine avec l'aide de Stan.

"-Si vous... Si tu m'aides, on peut aller sur le toit... Personne ne nous dérangera ici...

-Pas de soucis, la coupa Adrian avec un sourire précipité qui trahissait sa nervosité. Je t'aide."

Il fit la courte échelle à Clélia et celle-ci se retrouva rapidement assise sur le toit. Le Gardien la rejoignit en quelques secondes. Il s'assit à ses côtés. Leurs deux épaules étaient collées et Clélia en eut des frissons. Des frissons qui ne ressemblaient en rien à ceux qu'elle avait ressenti au même endroit avec Stan. Des frissons d'appréhension, de curiosité et... de bonheur ? Elle n'arrivait pas à savoir si elle était heureuse d'avoir un père comme Adrian. Elle s'était si souvent imaginé cet homme mystérieux, celui qu'elle appelait tendrement l'Absent, comme pour lui offrir une identité que sa mère refusait de lui donner. Elle lui avait trouvé tant de visages : un grand blond que sa mère avait aimé un soir et qui l'avait laissé tomber pour une autre, un quadragénaire déjà marié, un collègue muté à l'autre bout du monde... Mais certainement pas un Russe alcoolique, au bord de la dépression et travaillant pour une association secrète. Et maintenant, ils étaient tous les deux assis sur ce toit, silencieux et gênés, retenant leurs gestes et pesant leurs mots. On aurait dit un mauvais film d'auteur.

Clélia voulut entamer la conversation, mais ne trouvait pas grand chose à dire. Elle avait peur de décevoir Adrian. Elle avait tant rêvé de ce moment et ne voulait pas le gâcher. Mais elle supposait que lui aussi devait être saisi par l'émotion. Après avoir cherché sa fille pendant toutes ces années. Peut-être était-il déçu ? Etait-il heureux ? Espérait-il mieux ? Pensait-il que sa fille n'avait pas évolué de la bonne manière ?

"-Tu viens souvent ici ? Il y a une belle vue."

Les paroles d'Adrian tirèrent Clélia de ses pensées. Elle leva les yeux vers lui mais il ne la regardait pas. Il fixait le ciel bleu comme ses pupilles, et le soleil brillant comme son coeur. Clélia prit son temps avant de répondre.

"-Je n'y suis venue qu'une fois... Stan m'y a emmené. D'habitude, on va sur celui de Sibylle.

-Stan est un gentil garçon, répondit simplement Adrian."

Le Cercle des Douze DisciplesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant