Stan.
C'était Stan.
C'était Stan qui se trouvait devant elle à cet instant, les yeux baissés et rougis par la honte, la bouche tremblante de peur, les mains torturées et moites. C'était Stan le douzième membre du cercle, celui qui avait hésité à lever son poing et à se baisser, celui qui avait refusé d'enlever sa cagoule. Qui voulait rester caché, qui ne voulait surtout pas que Clélia le voit, que Clélia le juge. Lui qui voulait préserver son amour intact, mais qui venait de tout briser.
Le monde de Clélia Atkins s'était bien trop souvent effondré ces dernières semaines, mais il lui semblait qu'un tsunami venait définitivement d'emporter le peu qu'il lui restait.
Stan. Ce n'était pas possible. Stan.
Stan. Le seul en qui elle avait confiance. Le jeu d'échec d'Anastasia l'avait dit. Il n'y avait qu'en Stan qu'elle pouvait croire. Il n'y avait qu'à Stan qu'elle pouvait confier sa vie, son destin, le reste de son existence. Mais Stan ne valait pas mieux qu'Anastasia, que le père Alexandre ou que Kurt. Il était comme eux.
Un traître.
Et Clélia commençait à trouver qu'il y avait un peu trop de traîtres dans toute cette histoire.
Mais le vide qu'elle éprouvait en elle à cet instant l'empêchait de réfléchir. Elle ne voulait même pas savoir. Savoir pourquoi Stan avait rejoint le cercle, pourquoi il ne lui avait rien dit, pourquoi il la manipulait depuis le début, depuis leur première rencontre. Elle ne voulait rien savoir du tout. La vérité, parfois, faisait plus mal que le déni.
Mais le père Alexandre ne semblait pas vouloir la laisser plus longtemps dans l'ignorance. Il se délectait du spectacle qui se déroulait devant ses yeux. Il se délectait des larmes silencieuses de Stan et des bruyants sanglots de Clélia. Il se moquait littéralement, il se réjouissait de leur malheur. Le vieillard rassurant avait laissé place à un homme contrôlé par le sadisme et la méchanceté. Clélia aurait probablement vomi si elle en avait eu la force.
"-Là, Mlle Atkins. Vous êtes toujours aussi sensible. Toujours aussi faible. L'enfant prodigue n'a donc pas grandi depuis son arrivée ici ? Toujours aussi renfermée et crédule à la fois, à foncer sans réfléchir, à prendre les mauvaises décisions. Vous êtes si prévisible, Mlle Atkins !"
Le père Alexandre appuyait là où ça faisait mal, remuait volontairement le couteau dans le plaie, libérait les démons de Clélia. Il savait exactement ce qu'il faisait, contrôlait chaque mot, pesait chaque phrase. Il était si sûr de triompher qu'il prenait son temps pour prolonger l'agonie de Clélia.
"-Il est fort dommage que vous n'ayez pas plus réfléchi aux conséquences de vos actes insensés, Mlle Atkins. Vous auriez sans doute pu retarder le moment de vous retrouver attachée à cet autel, prête pour l'ultime sacrifice. Quel gâchis. Et moi qui vous appréciez sincèrement. Malheureusement, vous n'êtes pas celle que vous prétendez être. Vous n'êtes pas Clélia Atkins. Vous êtes Anna Valmont, et vous êtes doublement dangereuse car vous êtes à la fois une Gardienne et l'Elue. Et donc doublement précieuse. Nous ferons d'une pierre deux coups, n'est-ce pas merveilleux ?"
Le père Alexandre ricana bruyamment. Les sanglots de Clélia cessèrent et ses joues redevinrent brusquement sèches, comme si le froid jeté par le père avait gelé l'eau qui coulait abondamment de ses joues depuis quelques minutes. Stan fut, quant à lui, pris d'un violent hoquet, ce qui provoqua les rires de quelques membres du cercle, que le père Alexandre arrêta d'un geste.
"-Sincèrement, Mlle Atkins. Vous ne vous êtes doutée de rien ? Pour Stanislas ? Vous êtes définitivement bien naïve. Pour une femme amoureuse, vous êtes bien aveugle. Comme votre père, me direz-vous. Incapable de reconnaître la femme qu'il a toujours aimé en vous. Clélia sentit Kurt se crisper légèrement en entendant ces mots. Vous n'avez pas reconnu le jeune homme en noir que vous avez affronté dans la crypte de cette église au début de votre séjour ? De qui pouvait-il bien s'agir, à votre avis ?"
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Le Cercle des Douze Disciples
Gizem / GerilimClélia est une adolescente de dix-huit ans à problèmes. Pour l'éloigner de la drogue et des autres tentations dans lesquelles elle tombe petit à petit, sa mère Nicole l'envoie passer l'été chez Sibylle, son extravagante tante qui pratique la voyance...