CHAPITRE 3

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Le Soleil s'est enfin levé mettant fin à ces tortures, à toutes ces mauvaises ondes qui cohabitent avec moi dans cette chambre. Enfin ! Parce qu'à part me rendre fou, elles servent à rien. L'aube, le levé du Soleil, pour moi c'est comme une délivrance, un échappatoire, il apparaît juste à temps pour ne pas me laisser sombrer dans mes pensées plus noires encore. Alors comme tous les matins je me lève, enfile un survêt' et cours.

Courrir, un apaisement pur et simple, laisser nos pieds nous guider, casque sur les oreilles, écoutant un pur rap français bien hard. Pas les vieux rappeurs nan, les vrais rappeurs, les vrais de vrais, ceux qui parlent pas pour rien dire, ceux dont les paroles ont un sens précis, ceux qui parlent de personnes comme vous, comme moi, des haineux au coeur blessé.

Thug Life.

Ces rappeurs sont des gens comme moi, petits thugs piégiés par leur passé, emprisonnés par ces chaines de fer, illusions créées de toutes pièces dans nos têtes, ces chaînes qui nous retiennent, ils ont réussi à les briser. Ils ont su partager leur haine, leur colère, leur tristesse, leur peine, leur douleur, leur passé, leur quotidien, ils ont su nous ouvrir les yeux sur une autre facette de ce monde, nous partager cette envie de changement immédiat. Mais qui ? Dites-moi qui seulement médite sur ces textes ? Bah oui parce que ces textes pourraient changer la façon de penser de certains, ils pourraient nous éviter plusieurs choses s'ils étaient écoutés par ne serait-ce qu'un représentant de l'état, ils pourraient éviter que les jeunes s'entretuent, que les plus faibles se mettent à dealer, les règlements de compte, les balles perdues, nos frères emprisonnés. Bien sûr, tout n'est pas à cause de l'état, mais cet état en a une part de responsabilité. Ces choses qui ont fait plus d'un mort, qui font que nos jeunes veulent grandir trop vite, ces choses, tout le monde peut les éviter. La haine que ces rappeurs transmettent, ils ont une raison de le faire, oui, ils ont bien pu tomber dans les vices de la rue plus jeunes, avoir été en prison ou tout comme moi, avoir vu des balles perdues transpercer le coeur de son frère et la tête de son père.

Mystère révélé.

Je me rappelle encore de l'article de presse que j'ai soigneusement scotché sur un mur de ma chambre :
"Une fusillade a eu lieu hier, le vendredi 12 mai 20** dans les alentours de quinze heures dans une banlieue de S******** dans le 9* qui a fait quatre morts et sept blessés dont deux blessés graves. Il semblerait que ce soit un règlement de compte ayant mal tourné. Les enquêteurs sont sur place, essayant de comprendre ce qui s'est réellement passé. La cause...".

Des détails ? Simple, toujours les mêmes histoires. Ce vendredi, j'étais de bonne humeur. J'avais décidé de sécher les cours et partir à la mosquée pour la prière du vendredi. J'ai entraîné mon meilleur pote avec moi, mon frère, Abd'Allah. J'ai supplié mon père de venir avec nous alors qu'il était souffrant en plus d'être en fauteuil roulant. Il avait l'habitude d'y aller une fois par mois pour ne pas se fatiguer. Bah oui, la mosquée, elle est pas à côté et en plus de ça, on avait pas de voiture. Ai final, mon père a accepté d'aller à la mosquée une fois de plus ce mois-ci, ça n'allait pas lui faire de mal sachant que son fils était la pour pousser son fauteuil. On était censé aller prier et revenir tranquille sauf que ça s'est pas passé comme on le voulait. On est allé à la mosquée et on a prié. Sur le chemin du retour... J'aime pas me rappeler ce genre de chose, ça provoque toujours ce même sentiment en moi, de la culpabilité.

Bah oui, ils sont tous les deux morts par ma faute, si je les avais pas poussés à aller à la mosquée avec moi, si j'avais pas... Bref. Si j'avais pas fait tout ça, à cet heure-ci, je serais sûrement en train de courir avec Abd'Allah à mes côtés. Quand je serais rentré, j'aurais trouvé mon père au salon en train de faire du thé, ma mère et ma soeur dans la cuisine pour préparer le repas du midi, et tout ça dans la joie et la bonne humeur. Mais il fallait que je gâche tout, je gâche toujours tout de toutes façons. Je suis un parasite, un putain de danger pour l'humanité, un être nocif, un banni du bonheur, un abonné au malheur. Je suis ce genre de mec qui s'amène dans ta vie accompagné du fardeau de ses soucis, qui te les refile avant de se tirer comme un lâche. Voilà, dans ce genre de cas, je suis un lâche.

Alors avant d'avoir la haine contre l'état, contre le monde, contre l'univers, j'ai la haine contre moi-même. La haine contre moi d'avoir incité mon pote et mon père à me suivre, la haine d'avoir plongé ma famille dans ce gouffre sans fond, la haine d'avoir causé la mort de ceux à qui je tenais le plus. Bah oui parce que c'est peut-être des balles perdues qui se sont logées dans les corps de mes proches, mais ces balles, j'ai juste l'impression que c'est moi qui les ai tirées. J'ai l'impression que c'est moi qui tenais ce pistolet, qui l'aie chargé et qui aie appuyé sur la détente silencieuse, que c'est de mon arme qu'est sorti ce bruit sourd, qu'à ces balles, j'avais donné une destination précise, la tête pour l'un, le coeur pour l'autre. PAN ! PAN ! Adios amigos.

Je suis coupable de ses meurtres, peut-être indirectement mais j'en suis coupable. C'est pour ça que j'ai même pas cherché à savoir qui avait osé tirer sur mon sang. Certes Abd'Allah est... était pas mon sang, mais il était tout comme, il faisait autant parti de ma famille que moi je fais parti de la sienne. On a touché à ma famille, on a fait couler notre sang, mais qu'est-ce que je peux faire quand je suis persuadé d'être celui qui l'aie fait glisser sur le goudron, le sol sal deja tâché plusieurs fois sur un liquide rouge. Du vin ? Nan pas du vin, du sang. Le sang de nos frères, nos soeurs, nos fils, nos filles, nos familles, nos amis et toutes les autres personnes qu'on porte dans nos coeurs.

Depuis, je me suis renfermé, me laissant me noyer dans mes pensées les plus sombres, la vision rougie par le sang que j'ai laissé couler. Je laisse les morts hanter mon cerveau parce que je le mérite, ouais, je le mérite largement, condamné à vivre avec ces voix dans ma tête à perpétuité sans remise de peine possible. Ces voix ne cessent de dire que tout est de ma faute, que j'ai tué mon père et mon frère, que le sang a tâché mes mains et que je devrais avoir honte de regarder ma mère et ma petite soeur dans leurs jolis petits yeux. Elles me disent que j'ai pas le droit au bonheur, que je suis fils du malheur, que je devais mourir à leur place. Le pire dans tout ca, c'est que je suis sûr qu'elles ont raison, je suis d'accord avec elles. J'aurais dû y laisser ma vie comme tous les autres ou au moins être blessé. Parmi les seules personnes présentes lors des faits, je suis la seule à ne pas avoir été touché. Comment je dois le prendre ? Sérieux je sais pas. Je m'en veux en fait, j'ai la haine contre moi-même, la haine d'être aussi faible, d'avoir le coeur aussi fragile. Tout ce que j'ai forgé, la mort l'a bousillé. J'ai fini par supprimer ce coeur de mes pensées parce que je suis pas un faiblard, moi. Un coeur, j'en ai pas besoin quand on s'attaque à mon entourage. Il faut qu'il disparaisse, totalement. Je l'entends déjà plus battre, c'est un bon début. Tout ce que j'entends maintenant, c'est ce son qui crie dans mes oreilles, un son qui me correspond, qui me fait même oublier ces voix perchées dans mon crâne, un son qui résume bien ma vie en quelques minutes.

Post Scriptum.

C'est un bon Kery James, des musiques comme je les aime. Il balance la vérité dans ses paroles, une vérité qui me va droit au cerveau, une vérité qui te fait voir le monde sous un autre jour, sous un jour nouveau et tu sais que tu es pas le seul dans cette galère. On est tous dans le même bâteau.

Dans mon cas, je suis encore l'assassin de mon père et mon frère mais je sais que le vrai court toujours. Bah oui, parce que l'enquête n'a abouti à rien, les enquêteurs ont trouvé personne et ils ont préféré boucler l'affaire, évidemment. Pff, clique de bras cassés. Mais comme on dit : "La vengeance ne sert à rien si ce n'est que t'attirer encore plus de problèmes parce que comme tu fais, on te fera, et oui, la roulette russe tourne".

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Voilà pour ce chapitre ! Suite samedi prochain. En attendant voter et commenter au max, ca fait toujours plaisir. Faites partager aussi !
P.S. : Nous sommes deux sur cette histoire mais avons préféré de la publier sur un seul compte. Voilà !

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