CHAPITRE 1

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Je suis un transmetteur de haine, un thug voilà comment on me décrit.  Bien sûr,  je n'ai pas été assez narcissique pour m'être auto-proclamé "thug", nan loin de là c'est ma réputation, ces putains de rumeurs qui m'ont donné ce titre, si on peut appeler ça un titre. À force, j'en suis devenu un, un banlieusard débrouillard, un putain de mec au coeur sombre et emprisonné qui retranscrit sa foutue haine par écrit,  par orale,  par son comportement de merde,  mon putain de comportement de haineux, fuck !

Pour de vrai,  je sais même pas comment j'ai fait pour en arriver là. Au début, j'étais un type calme, souriant,  j'étais un simple lycéen parmi tant d'autres dans un lycée général.  Un petit mec comme ça,  qui travaillait pour réussir ses études,  le genre de mec qui n'avait pas un comportement irréprochable mais qui ramenait quand même des bonnes notes à la maison, le genre de mec qui voulait montrer l'exemple à sa petite soeur, sa relève pour qu'elle puisse dire de son grand frère que c'est un héros, le genre de mec qui voyait loin qui voulait pas terminer sa vie en bas des tours de ciment comme un putain de shiteux, vous voyez ? Je menais ma vie solo, me contentant de rendre fière la maman et de suivre les instructions du papa.  Un seul pote parmi tous ces hypocrites, nan pas un pote,  un frère, mon frère.  J'avais la belle vie, certes pas la vie dont tout le monde rêve mais la belle vie quand même.  A mes yeux, c'était juste suffisant,  c'était tout ce dont je voulais, tout ce dont j'avais besoin. Ouais mais on peut pas tout avoir dans la vie, elle n'est pas toujours rose, bah oui parce que comme on dit : "Après le beau temps, vient la pluie" et cette pluie, elle s'est abattue sur moi en masse. 

Après cette période de malheur, j'ai changé et pas en bien, je suis parti en couilles comme on dit. Mon sourire, ma joie de vivre,  pouf ! Envolés.  Fini le mec calme, le souriant,  le sociable et tout le reste,  j'étais devenu la froideur en personne, une armoire à glace, le visage figé dans cette expression, l'expression que j'ai eue et gardée après cette vague de malheur. Sur mon visage se lisent la colère,  la rage, la tristesse mais surtout la haine,  la haine cumulée que j'ai contre ce monde qui a fait de moi un thug.

Après cette putain de période, j'ai emprisonné cette petite chose qui se trouve dans ma poitrine, côté gauche, comment ça s'appelle déjà ? Vous voyez cette pompe de sang qui fait toujours la même chose,  qui absorbe puis rejette sans arrêt jusqu'à ce qu'elle sente l'odeur puissante de la mort, c'est quoi déjà ? Ah oui, un coeur. Pouah ! Comment ça fait longtemps que je l'ai pas senti battre ce truc, ou peut-être que c'est moi qui ne l'écoute pas. Je m'en fous parce que cet organe, je l'ai scellé, ouais depuis ce jour, il est inexistant pour moi. J'ai construit une prison tout autour, pas une en pailles ou en bois ou encore en briques, on est pas dans les trois petits haloufs*, c'est pas le premier qui veut y entrer qui y réussira,  je vous le dis moi. Ma prison c'est un matériau unique,  un matériau que tu peux trouver nulle part ailleurs, un matériau créé de toutes pièces dans ma tête qui tourne autour de mon bout de chair comme des vautours, ces satanés charognards qui protègent leur dîner,  ouais moi, ma prison est faite de rage et de haine, de colère et de tristesse, une prison faite de peine où seules mes priorités peuvent y pénétrer. 

Comme je vous l'ai dit, après ce qu'il s'est passé, je suis devenu quelqu'un de méconnaissable, on dirait que je suis pas la même personne, même mes proches ne me reconnaissent plus,  bah ouais je suis devenu tout l'inverse de ce que j'étais.  Maintenant la plupart des gens qui me croisent change de trottoir, bah ouais,  qui voudrait se mesurer à un homme d'un mètre quatre-vingt-sept, sourcils constamment froncés, balafre partant du coin de l'oeil droit et traversant toute la joue jusqu'au coin de la bouche, le regard plus sombre que la noirceur elle-même le visage serré et par dessus tout, n'ayant pas le corps d'un gringalet ?

Voilà d'où me vient cette réputation, mon physique a changé depuis cet accident, je fais peur, plus cette balafre arrivée entre temps, directement on en vient aux pires conclusions. Vous voulez savoir ce qu'on dit de moi ? On dit de moi que je sors de prison car ça fait longtemps qu'on m'a pas vu, que je suis l'un des plus grands dealers de la cité et que cette balafre vient du fait que je me serais battu avec un connard qui ne m'aurait pas rendu mes thunes, il y en a même qui prétendent y avoir été présents.  On dit de moi que j'ai déjà séquestré, torturé, tué et encore plein de choses plus horribles les unes des autres.  Foutaises. Si on me voyait plus pendant un long moment,  c'est parce que je ne sortais plus, je me renfermais sur moi-même. Pour la balafre, ça m'apprendra à jongler avec des couteaux,  je serai moins con ma prochaine fois. Les deals ? J'ai jamais touché à cette merde. Les seules choses que j'ai tuées sont des mouches, des moustiques et des cafards. La seule personne que j'ai séquestrée c'est ma soeur ce qui est tout à fait normal. Et enfin, la seule chose que j'ai torturée c'est ce papier que je gratte sans arrêt pour vous faire part de mes écrits,  de mon histoire, de mes pensées noires comme des plus claires. Je suis pas fou, je suis pas le diable, faire des trucs comme ça,  c'est pas moi. J'ai beau être un thug, j'ai beau avoir la rage, ça fait pas de moi un meurtrier, j'ai encore des principes et des valeurs que je respecte bien plus que je ne respecte certaines personnes.  D'ailleurs, je félicite les personnes qui étaient là à ma soi-disant bagarre, vous connaissez ma vie mieux que moi maintenant. Pff... Enculées de rumeurs. 

Depuis cet incident, on m'invente beaucoup de vies, je sais pas où est leur intérêt dans ça.  Est-ce que ça rajoute de l'action à leur putain de vie de me ficher comme ça ? Je crois que raconter de la merde sur les gens ça leur plaît en fait, tant qu'ils ont des nouvelles choses à dire, ils sont contents. Mais putain dites rien sur moi, bordel ! Laissez-moi en dehors de ça ! Ils ne connaissent rien de la vie, rien de mon vécu à part ce s'il s'est passé il y a quelques années ! Alors qu'est-ce  qui leur prend ? Je pense que je comprendrai jamais les gens comme ça,  trop d'hypocrisie en eux.

Chaque soir, ma petite soeur revient des cours tête baissée. Je la vois retirer ses chaussures, lancer un salut général avant de me fixer,  les yeux rouges,  et c'est la que je sais qu'elle a pleuré, encore une fois, je m'en veux. Vous savez pourquoi ? Je m'en veux parce que ces putains de larmes, ces perles salées qui coulent sur le visage de ma princesse, c'est de ma faute qu'elles sont là, de ma faute à moi seul ! Bah oui je m'en veux parce que je sais qu'elle va me faire des reproches,  c'est toujours les mêmes mais ça crée toujours la même douleur en moi,  la culpabilité qui me ronge.  Chaque soir, la petite rentre et vient me voir pour me balancer tout ce qui se dit de moi dans cette putain de cité et encore une fois,  elle me dit qu'elle n'arrive pas à se faire d'amies car les gens là fuient, ils la fuient comme si elle avait la peste ou ébola ou je ne sais quelle maladie encore, ils la fuient parce qu'elle m'a pour grand frère.  Et moi je suis nocif, je suis un putain de grand frère qui empêche le monde de l'approcher. Je suis juste ce thug pris dans les filets de sa réputation.

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*haloufs : cochons

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Voilà pour le premier chapitre ! Un max de votes et de commentaires, partagez au max aussi ça ferait plaisir.  Prochaine suite samedi et ce sera toujours comme ça dorénavant. Une suite par semaine et une en bonus si on atteint les 100 vues !





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