CHAPITRE 5

681 75 52
                                        

Après le départ de la naine, je reste encore un peu dans mon repère à guetter la cité pour le simple plaisir de voir la ville se réveiller et les premiers travailleurs quitter le domicile familial.

Je vois les pères marcher rapidement dans les rues sales et peu éclairées de la cité. Je vois les premiers guetteurs s'installer sur leur toit respectif ou encore dans les coins de la cité. Je vois les premiers dealers se poser devant les blocks à se rouler des joints avant de commencer leur journée. Je vois les mamans qui se dépêchent pour ne pas manquer leur bus.

Les petits commencent à sortir : c'est l'heure d'aller en cours. Certains trainent en bande, d'autres sont seuls. Et parmi tout ça, il y à moi, seul, posé sur mon toit, un toit où personne ne s'y aventure de peur de contrarier le grand voyou de la cité. Bande de cons. Saletées de rumeurs qui me collent au cul. Mais d'un autre côté, c'est bénéfique, j'ai mon propre territoire où personne y pénètre ou même ose y pénétrer. Personne n'y a jamais mis les pieds à part moi jusqu'aujourd'hui.

La naine.

Bah ouais, l'autre naine à la grande bouche, le petit bout de femme qui à soi-disant "vingt piges comme moi", c'est la seule personne à y avoir mis les pieds. Je sais pas comment elle a su que c'était mon repère, enfin je m'en doute un peu.

On est dans une cité et dans une cité, tout se sait. Que des balances dans ce quartier, toujours prêtes à tout dénoncer sauf en ce qui concerne les choses les plus graves, bah ouais parce qu'une balance n'a pas le courage pour.

Bah ouais, pour le deals, tout le monde voit mais personne n'est au courant de rien. Les règlements de compte nocturnes, il faut vraiment être sourd pour ne rien entendre et pourtant, personne ne sait rien. Les meurtres, la plupart y assiste, mais personne n'a rien vu.

Ouais dans cette cité, pour ce genre de chose, personne ne voit rien, n'entend rien et ouais, tout le monde est muet, la cité devient Les Singes de la Sagesse. Mais pour raconter de la merde sur les gens, bizarrement le monde retrouve ses sens. On y croit tous.

"Une cité c'est comme le téléphone arabe, tu cris « AAAH !», le monde entend «OUUUH !»"

Mais ce qui me choque vraiment dans cette cité, c'est qu'il y a des fois où elle réussit à tenir sa bouche et à garder secret ce qui est secret tant que personne n'en pose la question. Bah ouais parce que si vraiment la naine s'était renseignée auprès de quelqu'un de cette cité de l'endroit où on pouvait me trouver, elle aurait été prévenue de ma réputation et je pense pas qu'elle serait venue me parler. Au pire des cas, il y a deux possibilités : soit elle a jamais rien entendu de moi dans cette cité parce qu'on lui aurait rien dit, soit elle est au courant et elle s'en bat les couilles. Sinon, les gens auraient pu penser que c'est l'une de mes nombreuses putes d'après ma réputation parce qu'il paraît qu'en plus d'être un grand dealer, je suis un mec à meuf qui passe plus de temps dans les chambres d'hôtels que dans ma propre chambre si vous voyez ce que je veux dire, je vous censure les détails. Alors qu'en fait, je respecte tellement les femmes que j'ose à peine poser les yeux sur elles, de peur de les salir.

Puis, la petite, physiquement, elle a pas l'air d'une pute, je sais pas, elle était en jogging et même pas maquillée. Après comme on dit :

"Ne pas juger sur l'apparence car l'habit ne fait pas le moine comme la barbe ne fait pas l'imam".

Quand on sait que les meufs d'ajourd'hui, même voilées, font les crasseuses, on peut que croire à ces paroles. Et ouais parce que d'après ce que j'ai vu, elles ont déjà dû franchir l'étape du style : "jogging-baskets mais je reste une khemja*" depuis longtemps.

Real Thug LifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant