Chapitre trente sept - Niall

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Je ne pense pas que tout cela aura une fin un jour. Tous ces évènements, tous ces traumatismes. Tout cela était excessif, en réalité. Je ne savais pas si mes capacités allaient supporter tout cela plus longtemps–je savais même qu'elle n'y arriveraient pas. J'étais étendu sur mon lit, dans ma chambre. Les volets étaient clos, la lumière était éteinte ; la nuit était déjà tombée.

C'était étrange. Asperger semblait me posséder à nouveau, maintenant–dans tous les cas, tous les symptômes étaient présents. Je ne voulais plus être touché et des habitudes préfaites dirigeaient à nouveau ma vie. Je me sentais mieux ainsi, me semblait-il. Mon espace de défense était remis en place, bien présente, m'englobant moi et ma vie. J'avais le besoin de tout contrôler à nouveau, étant donné qu'une chose incontrôlable été survenue. Je n'avais jamais aimé être exposé, être extrait de ma bulle brutalement, me retrouver sans-défense face à ma propre personne : pourtant, c'était exactement ce qui m'arrivait.

La lycanthropie était douloureuse à dompter. Je commençais à penser que je ne pourrais jamais la dominer, elle était trop puissante face à moi. Mais ce n'était pas tout : énormément d'éléments adjacents pesaient sur moi, me rendant faible et instable.

Je me redressais, posant un pied à terre. Ma chambre était sombre, toute la maison était sombre et silencieuse, les autres étaient endormis. Je ne pouvais pas rester ici plus longtemps à remuer toutes ces choses dans mon esprit–c'était en train de me tuer. Je m'extirpais du bâtiment, entrant par la suite dans ma voiture. Je tremblais, mon corps luttant contre une partie de lui, sans réussir à l'apaiser ou à résister à celle-ci.

Le monde qui m'entourait était ténébreux, la ville était recouverte d'épaisses nappes de brouillard, elles cernaient mon monde, pareil à une cellule. Les routes disparaissaient sous l'épaisse brume, rendant ma conduite plus délicate. Les kilomètres étaient pourtant engloutis avec une rapidité étonnante, mon état s'améliorant au fil des minutes–la lycanthropie s'estompait à nouveau, me laissant respirer un instant.

Les paysages s'évanouissaient, tout était empreint d'un blanc inquiétant, mon monde réduit à un diamètre de dix mètres. Après un moment, je passais un pont éclairé, où une ou deux personnes étaient installées. Je me dis simplement qu'il faisait froid pour être à l'extérieur en ce moment, puis m'éloignais.


Les couleurs et les sons étaient confus, je m'abaissais seulement et vomissais. Des minutes durant mes haut-le-coeur ne cessèrent pas, m'obligeant à endurer l'acidité du contenu de mon estomac, remontant douloureusement dans ma gorge. J'essuyais, lorsque ma nausée fut passée, mes lèvres, avant de me tourner vers Harry, qui était dans l'entrée de la pièce. Il expirait un moment, intensément, avant de déglutir.

–– Je dois te parler, a-t-il lentement articulé, comme réticent.

Il avait l'air terrifié et, étrangement, semblait totalement abattu. Je fronçais les sourcils, passant de l'eau sur mon visage, avant de le suivre jusqu'à la cuisine. Là-bas, Guilia serrait anxieusement une feuille de journal entre ses longs doigts ; elle déglutit lorsque j'approchais. Un enchevêtrement de pensées confuses se trouva bientôt dans mon esprit, je ne pouvais trouver aucune raison à leur inquiétude.

Les résidus de mon cauchemar traînaient encore dans mon esprit, additionnés à la brûlure de mes nausées. J'étais épuisé par ma condition, ces dernières semaines : une mauvaise nouvelle ne ferait que plus m'anéantir, plus que nécessaire.

–– Nous... Harry regardait nerveusement dans la direction de Guilia, essayant de trouver un soutien qui ne vint pas. Je ne te l'ai pas dit plus tôt parce que, tu semblais, disons, hors de contrôle et épuisé, mais...

Il arrêtait de parler, ajoutant et à mon angoisse et au chaos présent dans mon esprit. Guilia prit une longue respiration, se raclait la gorge, puis humectait ses lèvres.

–– Il y a trois semaines, Liam à tué son père.

Je sentis distinctement mes yeux s'écarquiller : ils tombaient sur Harry.

–– Pourquoi ne me l'as-tu pas dit ? Ai-je proféré, ma voix amer roulant sur ma langue.

–– Tu n'étais pas en état de savoir cela, ni de le revoir : regarde ce qu'il t'a fait, tu ne pouvais pas le revoir, j'–

–– Il voulait me revoi–, commençais-je à débiter, mais il m'interrompit.

–– J'ai eu raison de t'empêcher de le faire !

Il venait de hurler, son visage colérique planté à quelques centimètres du mien. De la culpabilité diluait le vert de ses yeux, ce qui me plongeait dans l'effroi. Je me relevais, me plantant à plusieurs mètres des deux individus, mon esprit s'efforçant de trouver des réponses ; si je n'avais rien obtenu de cela, Liam avait du faire quelque chose.

–– Que lui est-il arrivé ?

Guilia fut près de moi quelques secondes plus tard, une main déposée sur mon torse, alors qu'elle hochait la tête calmement. Elle me fit reculer, jusqu'à m'asseoir dans le canapé, tout en suggérant à Harry de quitter la pièce.

–– Bien, a-t-elle soufflée, tu dois te calmer.

Elle attrapait mes mains entre les siennes, s'asseyant près de moi. Après avoir remis en place ses cheveux, glissant une mèche derrière son oreille, elle prit une longue respiration.

–– Je sais que tout cela va être difficile pour toi, mais tu dois rester calme. Tu ne dois pas faire d'erreur sous la colère, ou la tristesse.

La couverture cuivrée du carnet de poésies brillait sur la table basse, alors que les paroles de Guilia remuaient mon estomac. Que voulait-elle dire ? Elle resserrait ses mains, ses doigts froids laissant de petites empreintes sur ma peau.

–– Il s'est donné la mort cette nuit, a-t-elle finalement affirmé, ses mots flottant dans l'air et se diluant dans mon esprit.

La phrase semblait abstraite, je ne pouvais simplement pas l'intégrer. Ma réaction physique fut plus rapide que ma réaction mentale, mes mains commencèrent à trembler alors que je les retiraient de l'emprise de Guilia. Mes yeux tombaient sur le sol, l'imperméabilité à cette nouvelle, cependant, persistait.

–– Ses parents l'ont torturé, Niall. Il ne pouvait plus vivre entre deux camps qui chacun le rejetait et...

Elle ne finissait pas sa phrase, élançant son corps dans un étreinte que je rejetais. Le contact qu'elle me procurait apparaissait ignoble à mon entendement, alors que je reculais, la tristesse et l'irritation mêlées dans ma conscience. Il s'était tué–c'était de leur faute.

Ils l'avaient tué.


Le bois de la porte pendillait drôlement, les morceaux éventrés de l'élément initial jonchaient le sol, sous la partie encore liée au mur. Les meubles formaient un tas inerte sur le sol, surplombés du corps remuant. Le mur blanc tâché de rouge était lacéré, la tapisserie bicolore suintait du liquide pourpre, qui s'étendait en une flaque difforme sur la moquette. Le reflet du soleil levant amenai de la lumière, néanmoins, alors qu'il brillait sur une lame rougie, au fond de la pièce.

Une odeur putride flottait dans l'air, se rependant dans mes narines, ce qui créait un mince rictus sur mon visage ; j'avançais. Mes mains étaient couvertes de liquide, il coulait jusqu'à mes griffes noircies. Une satisfaction immense m'envahissait, la bête se nourrissant de la peur présente de la pièce–je me nourrissais du désespoir.

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Désolée pour ce retard, tout le monde. J'ai vraiment eu du mal à écrire ce chapitre, étant donné que c'est une de choses que j'avais déjà prévue depuis le début de la fiction, mais à laquelle j'avais repensé cent fois pour changer éléments et forme. Finalement, j'en suis venu à ça, et j'aime bien cette forme-là.

(Merci pour les commentaires et les votes)

Saccagé || Niam - en pauseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant