Chapitre quarante six - Niall

93 8 0
                                    


Les heures passèrent, puis les jours et les semaines. Elle se rétablissait, mais « lentement », son corps avait « besoin de repos ». Du moins, c'était ce que les autres m'avaient exposé, sans aucun détail et de manière pressée. Lorsque je la revue, presque deux semaines plus tard, elle était toujours inconsciente. Sa peau avait repris quelques couleurs, mais son corps semblait autant éteint qu'auparavant.

Harry se trouvait à son chevet, l'observant attentivement, comme confus.

–– Tout va bien ? Ai-je demandé, pénétrant dans la pièce.

Il déglutit seulement, ne tournant pas son visage dans ma direction. Je ne savais pas s'il m'avait même entendu, mais il se mit finalement à parler.

–– Quelque chose m'échappe, a-t-il murmuré, perdu. Il y a un problème, un problème avec elle–mais je n'arrive pas à savoir quoi.

J'approchais, me postant de l'autre côté de la femme, de laquelle nous ignorions encore tout, et étudiait son visage. Ses traits étaient totalement détendus, dans la plus sereine des expressions. Elle ne portait plus ses vêtements, mais d'autres, lâches, appartenant sûrement à Danielle. La combinaison était joliment pliée, sur un meuble près de là. Je progressais vers celle-ci, examiné de près par l'oméga.

–– Je peux ? Ai-je dit, une fois auprès de l'habit.

Harry acquiesçait, j'attrapais la combinaison. Elle se dépliait entre mes doigts, le tissu souple se détendant, dévoilant une forme humaine. Je retournais le vêtement, sans trouver aucune étiquette, puis me mit à chercher une poche que l'on aurait oubliée–il n'y en eu aucune. Il n'y eut pas non plus d'inscriptions, autres que celle sur le haut du tissu, qui était brodé soigneusement dans le tissu : S.A.C.A.G.E.

Qu'est-ce que cela voulait dire ? J'attrapais un carnet près de là, et y recopiais l'inscription, étendant grossièrement le costume sur une chaise.

–– Qu'est-ce que c'est ? Ai-je demandé, me retournant vers Harry.

Ses yeux survolèrent l'inscription, avant de se reposer sur la jeune femme. Il inspirait profondément, haussant vaguement les épaules.

–– Je me pose la même question... Nous nous étions mis à surveiller ce groupe, il y a une quarantaine d'années, lorsqu'ils se mirent à tuer un clan, mais nous nous rendîmes compte qu'ils avaient massacré des chasseurs de sang. Ils sont des lycanthropes, mais je ne pense pas qu'ils soit dangereux. Une sorte de regroupement, surtout des alphas et leur meute. Je ne sais pas ce qu'ils recherchent... Peut-être veulent-ils seulement se rassurer ? Je ne sais pas. Ils n'ont jamais réellement posé problème, mais je sais que j'aurais à les affronter prochainement, étant donné que nous avons pénétré leurs terres–mes terres, en réalité, mais cela fait un bon moment que je n'ai plus mis les pieds dans ce manoir, ils pensent certainement que je suis décédé.

Je levais les yeux vers le plafond, haut et orné de fresques diverses. Ce manoir semblait incroyablement âgé, mais avait conservé un charme indéniable. Nous devions seulement lui redonner vie.

–– A quelle époque l'as-tu possédé ?

–– Il était la demeure dans laquelle Adélaine et moi vivions. Nous avions des tas de domestiques, d'amis... Après sa mort, j'ai simplement renvoyé tout le monde, coupé tout contact. Revenir ici est assez douloureux, étant donné que mes derniers souvenirs d'elle remontent à la surface.

Il y eut une pause, pendant laquelle je concentrais mon attention sur les nombreux miroirs aux murs, que je n'avais pas remarqués plus tôt. Ils étaient encore recouverts de poussière, salis. Je pus distinguer ma silhouette, mais seulement très vaguement, en concentrant mon regard sur celle-ci.

–– En parlant de cela, a-t-il continué, reprenant sa voix. J'ai été odieux avec toi, ces derniers mois, je m'en excuse. Je sais ce que tu as ressenti, mais j'ai refusé de te donner mon soutien... C'était idiot de ma pa...

–– Il y a un problème, ai-je dit, mes poings serrés contre mes hanches, tendu.

Je m'approchais du miroir, et, plus je le faisais, plus je doutais de sa nature. Mon reflet était indistinct, même à travers la poussière. Je n'étais plus sûr, en réalité, qu'il s'agissait de ma réflexion ; La silhouette se trouvait plus en hauteur, semblait trop fine et les couleurs ne correspondaient pas.

–– Qu'est-ce que tu veux dire ? A demandé Harry dans mon dos, alarmé.

Arrivé près du mur, je passais ma main sur la poussière, au niveau de mes yeux.

Je me retrouvais au sol, mon coeur battant furieusement, à la vue de ce que je venais de découvrir. Il s'agissait d'un cadavre, à un stade avancé de sa décomposition, pendu par un câble épais, nous faisant face. Ses traits étaient fanés, distendus, ses tissus envahis par des vers et mouches. Ils donnaient l'impression que son visage se mouvait encore ; j'eus une forte envie de vomir. Nous étions séparés de lui par une massive vitre, prévenant des odeurs, ainsi que de la vue aux endroits où elle était encore revêtit de poussière.

–– Des chasseurs ? Ai-je demandé, me relevant fébrilement.

— Des lycanthropes, a répondu Harry, approchant de la parois–il délogeait plus de poussière, dégageant notre vue. Ceci est l'oeuvre de créatures, pas de chasseur de sang. Les armes sont trop rudimentaires, les méthodes trop douces...

Son souffle se perdait dans sa gorge, ses yeux s'écarquillant, alors qu'il observait l'intérieur de la pièce adjacente, sombre. Je ne pus que constater qu'il se trouvait plus d'un cadavre, délaissés en un amas au milieu de la pièce ou pendus, étendus sur le sol dans une mare de sang... Il y en avait des dizaines ; ils étaient tous des lycanthropes.

Soudainement, Harry frappait contre la vitre, brusquement. Un fracas monstrueux résonnait, atteignant mes sens, vibrants contre les murs. Même lorsqu'il se métamorphosait, il n'essayait pas de ralentir son élan, mais frappait seulement plus fort contre la cloison. Son visage semblait plus sombre qu'ordinairement, ses plis plus marqués, ses yeux plus obscurs. Il était effroyable, titanesque et endiablé, alors qu'il balançait tout son poids contre le verre.

— Guilia, Danielle ! A-t-il rugi, sa voix étrangère, plus rauque, plus autoritaire. Aide-moi !

Je ne compris que plus tard qu'il s'adressait à moi et hésitait. Je lui faisais confiance, bien sûr, mais il ne semblait pas tout à fait sein d'esprit, au moment actuel. Il était pris de frénésie, qui était accouplée à des spasmes épouvantables. Il feulait étrangement, son visage transformé tourné vers les dépouilles, sa respiration entrecoupée émergent de son corps puissamment.

Cependant, quand Guilia, à peine entrée dans la pièce, se jetait sans préambule sur la paroi, je fis de même.

La déflagration fut plus soudaine et bruyante que je l'imaginais. Le verre explosait brusquement, comme de l'intérieur. Des morceaux furent projetés dans notre direction, percutant mon corps et perçant mon épiderme comme une ballon, s'enfonçant dans la chair aisément. Mon corps fut éjecté contre les murs, au fond de la pièce, qu'il percutait d'une force invraisemblable.

Puis, tout fut plongé dans les ténèbres. Ma vision déclinait doucement, les couleurs se diluant, accompagnant le sifflement constant au creux de mes oreilles. Je pus sentir mon coeur battre irrégulièrement dans ma poitrine, décélérant au fil des secondes, sans que je ne puisse le modérer.

Ma vue et mon ouïe disparurent, progressivement, entraînant ma respiration avec elles. 

Saccagé || Niam - en pauseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant