Prosodie

Mélodie

Les rayons du soleil trouaient déjà les rideaux miteux de sa chambre lorsque Mélodie ouvrit les yeux.

Elle était belle, Mélodie, mais comme personne ne lui disait, elle ne le croyait pas. Elle avait de beaux cheveux blonds et un regard poignant, mais ça, elle s'en foutait. Après tout, ça n'intéressait personne.

Elle glissa ses pieds maigres hors du lit et les posa doucement sur le parquet, sans un bruit. Elle passa devant son grand miroir sans même s'accorder un regard. Ce n'était plus son reflet qui exécutait ses mouvements, mais elle qui suivait son halo.

Elle avait de grosses cernes, Mélodie. Mais ça, c'était parce qu'elle ne dormait pas beaucoup. Presque pas, à vrai dire. Pourquoi? Peut être parce qu'elle était fâchée avec ses souvenirs qui lui gâchaient la vie.

Il y eut un temps où elle était heureuse, Mélodie. Un temps où elle aimait la vie et où la vie l'aimait aussi. Un temps où elle souriait et riait de bon cœur, un temps où les gens ne la regardaient pas de travers.

Mais ce temps est révolu.

Maintenant, les gens la regardent de haut, Mélodie, ils en sont presque à l'ignorer, comme si elle n'avait jamais existé.

Elle a l'impression que ça dure depuis longtemps, trop longtemps. Elle a envie que ça s'arrête.

Mélodie, cette Mélodie mélancolique, elle n'est plus comme avant. Elle n'aime plus, elle ne dort plus, elle n'existe même plus.

Elle traversa le couloir blanc d'un pas las et ferma la porte de la salle de bain derrière elle. Elle fit couler l'eau brûlante de la baignoire sous ses doigts.

Douce symphonie se transformait en tragique cacophonie.

Elle prit le coupe-ongle posé sur l'évier et plongea son corps nu dans le liquide, et prise d'une rage soudaine, elle poussa un cri strident avant de s'acharner contre elle même.

Le pourpre gagnait sur la transparence et les larmes fondaient tandis que cette Mélodie hurlait.

Elle avait mal, mais cela importait peu. Elle était libre, à présent. 

Vidée de son âme, sa tête cogna contre la silicone, et la blondeur de sa chevelure se mêla à la noirceur de son sang.