Prosodie

Subway

Un courant d'air glacé fouetta son visage lorsqu'elle s'enfonça sous terre, ses talons noirs à la main. Il était tard, il faisait nuit, il n'y avait personne dans les dédales de couloirs carrelés de blanc et de gris. Les tags brillaient dans la nuit tant les néons jaunâtres se réfléchissaient contre la mosaïque difforme. Elle n'avait pas d'ombre tandis qu'elle marchait vers le prochain quai, elle l'avait perdu en chemin, en même temps que sa foi au destin. Son maquillage avait coulé sur ses joues de porcelaines, mais elle s'en moquait, pourtant. Il n'y avait qu'un clochard bourré pour la juger, coincé dans un coin, puant l'alcool et la misère. Elle aussi, elle sentait tout ça, la haine et l'amour qui s'entrechoquaient en un effluve dégoûtant, comme une aura qui la torturait doucement. 

Une voix de femme fatiguée résonna dans les couloirs, annonçant le prochain wagon qui la transporterait loin de ses malheurs, loin de tout ce qu'elle ne voulait plus ressentir. Il y eu un grand moment de silence. Un moment ou le tic tac, d'habitude si calme, s'embrouillait dans le néant, un temps ou elle put entendre le klaxon des taxis furieux et tardif qui grondaient contre les trois drogués qui s'étaient perdus en chemin. Elle pu entendre le grésillement des rails qui se mettaient à frémir avant l'arrivé à bon port. Elle se retourna alors, un vent froid lui brûla la peau, et ses yeux papillonnèrent un instant avant de se fixer dans le vide. 

Une sorte de grand cri emplit le silence, et la machine s'arrêta, le sol tremblant sous ses pas. Il était vide, le chauffeur somnolait à l'avant, il ne faisait que pousser la manette pour emporter le désespoir des gens dans sa chute. La jeune femme rentra, et les portes se refermèrent. Un sourire se posa sur son visage, elle ne partait pas bien loin, c'était sur, mais elle partait et c'était déjà ça. Alors, l'engin repartit, laissant sur le quai les deux escarpins noirs qu'elle avait décidé de laisser ici, en signe d'un passé acquitté.