Cigarette

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Il tenait dans sa main une cigarette à moitié consumée qu'il tapotait doucement sur son vieux jean noir. Il était nerveux. Ça se voyait dans son regard, à la façon dont il balançait ses sombres pupilles de droite à gauche tellement vite que le mouvement en devenait presque imperceptible.


Elle n'était pas encore là, ce n'était pas à son habitude d'arriver en retard, il le savait. Ils s'étaient donné rendez vous la veille, ici, sur ce vieux banc rouillé, face à l'étang du grand parc de l'hôpital où elle séjournait, où les gamins se baignaient lorsque la saison était belle. Mais en cette journée de juin, le temps était gris et quelques gouttelettes ruisselaient autour de lui, comme si il n'existait pas. Un épais brouillard brouillait sa vue, il ne pouvait voir à plus de quelques mètres et il discernait à peine la petite fontaine au bout de l'allée de cyprès.


Une forme noirâtre apparut alors. Une femme? Un homme? Il plissa les yeux afin de découvrir que ce personnage était masculin. Il portait une blouse blanche, un stéthoscope rouge pendu à son coup, de vieille lunette brune sur son nez pleine de buée, un regard attristé et le pas lourd. Le jeune homme ne comprit le stéréotype que lorsque le médecin s'arrêta devant lui, révélant un visage cerné et ridé.


- Êtes-vous Ethan?


Il hocha la tête.


-Mademoiselle Kleight n'est plus. Et...Et elle tenait à ce que vous lisiez ceci... Toutes mes condoléances, Ethan. J'aurais souhaité ne jamais avoir à vous l'annoncer.


Lançant un dernier regard au jeune homme, il fit demi tour vers le grand bâtiment gris


Le mégot d'Ethan s'était écrasé sur le sol, silencieusement, laissant une traînée de fumée derrière lui. Son regard s'était perdu sur le vieux papier blanc, mouillée de gouttes. Une larme effleura sa joue lisse pour s'écraser sur sa paume lorsqu'il finit par déplier la lettre.


" Ethan, mon ange. 


Tu le savais, n'est ce pas, qu'un jour tu lirais c'est quelques mots. Tu le savais tout autant que moi. Tu te rappelles le jour ou tu étais venu, que tu avais vu ce papier sur ma table de nuit et que tu avais insisté pour le lire, mais j'avais refusé. Tu te rappelles n'est ce pas? Si non, ce n'est pas très grave. De toute façon, je ne suis plus là pour vérifier. Mais je n'avais encore rien marqué, ce n'était qu'une feuille vierge, mais je ne voulais toute de même pas que tu la vois. Tu me connais.


Je voulais te dire quelques petites choses avant que tu ne m'oublies. Tu es jeune, tu sais. Tu as une longue vie devant toi, des endroits à découvrir, des études à finir, et je l'espère, plus tard, une femme à chérir. Non, ce ne sera pas moi, mais qu'importe.


J'aurai pu continuer à vivre, mais je m'en fous. J'ai été heureuse, heureuse avec toi Ethan. Peut être que m'a vie aurai pu l'être encore un peu, mais ces quelques années avec toi mon suffit. J'ai goûté au bon coté de la vie, aux élans passionnels de l'amour. J'ai vécu grâce à toi, Ethan. Seulement grâce à toi. Je ne veux pas que cette lettre se noie dans les adieux, parce que ce ne sont pas des adieux que je te fais. En fait, c'est juste un "à plus tard". Parce que je suis toujours là, je ne suis pas loin. Je ne peux plus te parler, tu ne peux plus me voir, mais je ne suis pas partie loin. Je suis toujours là, tu es toujours là, on est toujours là. Ça fait beaucoup de "Toujours là" n'est ce pas? Tu sais très bien que j'aime insister sur les petites choses.

Je n'ai plus rien à te dire maintenant. Peut être que ce n'était pas grand chose, peut être que ce n'était rien. Ce n'était pas important, mais je tenais à te dire cela.


Je t'aime, Ethan.


A plus tard."


Le jeune homme, après avoir replié la lettre, mélangea ses larmes salées à un sourire. Un véritable sourire. Il l'imagina, là, face à lui, souriante et heureuse dans son blouson favoris, tenant dans sa main son pendentif chétifs, ses cheveux blonds épris dans une queue de cheval parfaite, ses yeux verts profond fondu dans les siens. Elle était heureuse, maintenant. Encore plus qu'auparavant.


-Moi aussi, je t'aime Élisa. A plus tard. 


Oui, je sais. C'est encore nian-nian. Que voulez vous, il fait froid et il pleut, seule la niaiserie t est venu flattée mon inspiration. 

ProsodieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant