Prosodie

Le lac de montagne

Il y avait un petit lac, planté dans une forêt croquée par les montagnes enneigées. Les arbres dénudés qui l'entouraient, tendaient leurs bras squelettiques, peut être tentaient-ils d'attraper quelques larmes gelées de l'hiver passé. Le soleil s'était caché derrière un épais manteau nuageux, gris et coléreux, et ne semblait vouloir en sortir. Ses rayons se refusaient à la tache et restaient cloîtrés derrière le coton sombre. Il n'y avait pas une brise sur cet étendue d'eau douce, pas un bruit, les oiseaux s'étaient tus, les chevreuils s'étaient cachés sous les buissons éparses, aucune vaguelettes ne mouillaient le rivage caillouteux, la forêt s'était endormie paisiblement.

Un homme apparut alors, au coin du lac gelé. Il n'était pas très grand, pas très trapu, il avait la carrure d'un humain perdu en lui-même. Une épaisse touffe noire lui cachait les yeux, et l'on ne distinguait que très peu son regard vert et luisant. Sa bouche framboise aux allures saignantes ne pipait mot, mais l'on pouvait voir sa lèvre inférieur trembloter, de froid, peut être, ou bien de peur. Son torse n'était pas couvert, il était blanc comme la lune, nacré de blessure comme les cratères de ces planètes oubliées, mais les étoiles ne s'attardaient pas sur le sort du jeune homme, qu'importait s'il venait à se prendre dans un trou noir qui l'engloutirait loin de tout. 

Après tout, il ne voulait que ça.

Il s'avançait dans l'eau, et rapidement, son torse fut couvert à moitié, et bleuit par le froid mordant. Il balançait ses sentiments avec son corps dans cette étendue d'hiver, il donnait tout ce qu'il avait, et il avait peu. Il lançait de toute ses forces le roc que l'on avait planté dans son âme meurtrie, il claquait la porte de son passé pour s'enfoncer dans celle de son futur. Il savait pourtant qu'il n'en aurait pas, en faisant ça, mais était-ce important?

Et alors, sans un bruit, il laissa son corps tomber dans les abîmes profondes, et les ténèbres l'engloutirent sans une parole.