L'amour à l'envers

9.

Je raccroche le téléphone, affolée par la nouvelle. Je regarde autour de moi toute déboussolée. Pendant deux petites minutes, je suis perdue et je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je suis en plein cours de lettres, les personnes autour de moi sont concentrées sur les paroles de notre professeur. Je commence à ranger mes affaires, une amie qui est en cours avec moi me demande ce qu'il se passe. Je lui dit vite fait que je dois partir.

Une fois mes affaires ramassées, je me lève sous les regards de quelques élèves et du professeur. Cela doit paraitre bizarre pour quelqu'un qui me connait, je ne suis pas du genre à quitter le cours comme ça. Je cours limite vers ma voiture, et, à peine rentrée, je balance mon sac sur le siège d'à côté. Je réfléchis, il faut que je retrouve cette route, je n'ai pas tellement l'habitude d'y aller. C'est une route que personne n'aimerait connaitre, un chemin qu'on voudrait ne jamais emprunter.

Sur ce trajet, je stresse, une boule au ventre se créé, je ne réalise pas tellement ce qu'il se passe à cet instant précis. J'aimerais tant que cette nouvelle ne soit qu'une mauvaise alerte, ou une blague complètement débile.

J'arrive à l'hôpital. Dans le hall, je regarde partout, désorientée par ce qu'il se passe. Je vois au loin mon frère et je cours le voir.

Arrivée devant lui, il me regarde avec ses yeux qui en disent long. Il a ce regard de mauvaise nouvelle, celui que je déteste. Il m'explique que la mère d'Ian (Helena) a fait un malaise. Je le regarde pendant que mon cerveau essaie d'assimiler les choses dites par Alex. Je serre les dents pour ne pas que ma tristesse explose devant tout le monde.

Il me fait signe de le suivre. Je ne dis rien, j'ai l'impression que je n'arrive plus à parler, que si un mot sort, il sera accompagné par des larmes. Et je ne veux absolument pas en verser -même une seule - devant elle.

On se dirige vers sa chambre, enfin je suppose. Arrivée dans un couloir, je vois tout le monde a l'extérieur. Ils attendent quoi au juste ? J'arrive sans faire de bruit, ils remarquent ma présence mais le silence reste pesant. Je me pose contre le mur, attendant. Je ne sais pas ce que l'on fait, pourquoi nous patientions. Cependant, je préfère rester silencieuse.

Quelques minutes plus tard, une infirmière sort de la chambre. Elle nous sourit. Ian et son père rentrent en premier dans la pièce. Nous suivons tous. Rien que de l'imaginer sur un lit d'hôpital, cela me bouleverse. Alors la voir de mes propres yeux, je ne sais pas comment réagir. Enfin arrivée devant elle. Elle est là sur ce lit, dans cette chambre très mal décorée avec cette odeur horrible. Celle qui te fera toujours penser aux hôpitaux, aux gens malades, à la mort, à toutes ces choses que tout le monde redoute. Pourtant, même en étant dans cette pièce elle garde le sourire. Elle nous regarde un par un, on dirait qu'elle ne nous a pas vu depuis longtemps.

Elle commence à parler à son fils. A lui dire que ce n'était rien, qu'elle était juste fatiguée de sa chimio. Qu'elle aurait dû faire plus attention, qu'elle a été imprudente. Elle essaie tant bien que mal de rassurer son fils, comme si elle avait eu le verdict du médecin.

Moi, je reste là, j'observe sans rien dire. Je ne sais quoi dire de toute manière. Je suis juste désorientée par ce qu'il se passe. Je vois bien qu'Helena ne redoute plus la réaction de son fils que la conclusion du médecin. Elle ne cherche pas à savoir pourquoi elle a fait un malaise, à cet instant, elle se comporte comme une mère digne. Elle tente de rassurer son fils, elle ne veut pas qu'il s'inquiète, qu'il pleure, qu'il s'énerve par sa faute. Mais au final, tout cela serait normal comme réaction.

Puis je connais Ian. Qu'importe ce qu'elle dit, s'il veut s'inquiéter, pleurer ou s'énerver, il le fera. Ma mère commence à parler de choses futiles pour détendre l'atmosphère en attendant le médecin. Alex commence à sortir deux ou trois blagues qui ne font rire personne en général, cependant cette fois-ci Helena se fait un plaisir de rire. Mon père prend le relais en racontant une de ses nombreuses anecdotes qu'on connaît déjà tous mais qu'on adore écouter.