Chapitre 14

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Jeudi 18 avril, 1943
Marie



-Tu en a parlé avec tes parents ?

Je pris une feuille morte entre mes mains et la chiffonnais doucement entre mon pouce et mon index, l'effritant jusqu'à ce qu'elle tombe en morceau sur ma jupe beige. Nous venions tout juste de commencer cette discussion quelques minutes plus tôt, après que j'aie salué Thomas en arrivant à notre lieu de rendez-vous. Je secouais la tête face à ce qu'il venait tout juste de dire.

-Non, ce n'est pas la peine d'essayer, ils ne changeront jamais d'idée.

Je voyais bien que Thomas tentait de m'aider, mais il ne connaissait pas ma situation familiale, l'entêtement de mon père, les conséquences que cela pourrait avoir sur notre famille si je refusais.

-Mais tu peux toujours essayer, non ? Qu'est-ce que tu perds ?

Le jeune homme me regardait droit dans les yeux et avec espoir. Cela me touchait beaucoup qu'il veule mon bonheur à ce point, qu'il veuille trouver une solution, et je commençais à l'apprécier de plus en plus, n'ayant que lui de mon côté.

-Ils ont fait ce choix depuis longtemps et n'accepterons jamais que je change leurs plans parfaits.

-Ce choix ? s'exclama Thomas avec une légère pointe d'impatience. Ce n'est pas à eux à faire un choix Marie, c'est à toi !

Je relevais la tête pour regarder Thomas dans les yeux, surprise par ce soudain éclat de sa part. Son visage, collés au grillage, me suppliait de faire quelque chose, comme si c'était son combat à lui et non le mien. Il semblait vouloir faire sa part, mais, après tout, que pouvait-il faire à part essayer de me convaincre de réagir à cette injustice ?

Je me mis à réfléchir, pensant à toute cette situation, réalisant qu'il avait raison. Ce n'était pas à eux de prendre des décisions comme celle-là à ma place et surtout sur ma vie. Peut-être que si j'étais convaincante et que j'y allait doucement, petit à petit, cela pourrait fonctionner. Il ne restait plus qu'à trouver les gestes et les mots à dire pour les persuader que je n'aimais pas Vincent, que je ne voulais pas me marier avec lui et que je désirais choisir moi-même mon futur mari ainsi que mon avenir. Après tout, qui avait décidé que je voulais me marier ?

-S'il te plaît, Marie, supplia Thomas.

Un doute persistait toujours en moi, connaissant mes parents et leurs valeurs et sachant qu'ils ne changeraient pas aussi facilement d'avis.

-J'essaierai, soupirai-je en hochant la tête.

Un sourire apparu sur le visage de Thomas, son visage sale et amaigrit, alors qu'il savourait sa petite victoire, tandis que je paniquais intérieurement, ne sachant pas si j'allais être réellement capable de tenir tête à mes parents. J'avais toujours obéi aux ordres qu'ils m'avaient donnés, puisque jamais ils n'avaient été à l'encontre de ma volonté et aussi parce que je les respectais. Bien entendu, ce n'était jamais de grandes décisions, comme celle de mon mariage, qui était en jeu, mais j'avais toujours fait ce qu'ils me demandaient. J'étais ce qu'on pouvait qualifier de jeune fille exemplaire et bien élevée.

-Je ne te garantit rien cependant, ajoutai-je. Je n'ai jamais résisté à mes parents d'une telle manière et ils seront sûrement furieux. Je ne pense pas que mon cas va s'amélioré.

-Est-ce que tu as un autre choix ? demanda-t-il.

-Pas vraiment, dis-je en haussant les épaules. Tu as raison.

Thomas me lança un regard navré et je lui fis un faible sourire en retour, voulant le rassurer. Je reportais l'attention ailleurs en tendant la main vers le sac de papier que j'avais amené, comme c'était maintenant mon habitude. Les yeux de mon ami interdit devinrent lumineux et il s'approcha du grillage, tandis que je passais la nourriture entre les minces espaces de la clôture, Thomas ne se faisant pas prier deux fois pour commencer sa dégustation. Je l'observais se jeter sur la nourriture avec convoitise.

La fille à l'écharpe rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant