Chapitre 38

1.1K 154 26
                                    

Mercredi 11 mai, 1943
Marie



Comme au dernier bombardement, nous sommes retournés à la maison avec Vincent et ses parents, le besoin de sentir proches les uns des autres et avec nos amis se faisant encore plus présent en ce temps incertain. La ville était intacte, les bombes étaient tombées dans le village voisin, mais il paraissait que beaucoup de personne avaient été tuées et blessées.

J'eu un petit pincement au cœur en pensant à toutes les familles dans le deuil. Je n'osais imaginer si ça arriverait à ma famille ou à une personne proche de moi, qui me tenais à cœur. 

Nous avons tous mangés la bonne soupe de maman ensemble, celle qu'elle avait fait en tellement grande quantité la semaine dernière que la mère de Vincent en avait pris plusieurs conserves pour éviter de les perdre. À table, je racontais ce qu'il m'était arrivé la veille. En fait, j'inventais surtout un nouveau début à mon histoire et je me concentrais pour ne pas échapper le nom de Thomas par mégarde.

-Je me promenais tranquillement dans les rues, ma promenade habituelle. J'ai entendu la première détonation au loin et je ne pensais pas vraiment que c'était une bombe, alors j'ai continué.

-Personne ne t'a averti ? demanda Rosa avec étonnement.

-J'étais vraiment loin, près du champ de M. Frizh et je n'ai vu personne, mais quand j'ai entendu la deuxième j'ai réalisé et j'ai commencé à courir jusqu'à l'abri anti-aérien.

-N'importe qui à la place de Marie ne serait jamais arrivé à temps, déclara Vincent avec un sourire fier. Elle a dû courir comme elle ne l'a jamais fait.

Je baissai la tête à ce compliment.

-Elle aurait quand même pu y laisser sa peau, s'exclama mon père.

-Vincent à raison, déclara Charles. Marie aura toujours plus de chance de survivre à tous ces bombardements avec sa rapidité et son endurance, mais il est vrai que tu devrais éviter de jouer avec le feu.

Tous acquiescèrent alors que mon père se calmait un peu.

-C'est une championne, continua Charles après un moment de silence, Vincent m'a même dit que personne de son âge ne pouvait la battre.

Je sentais mes joues rougirent à tous ces compliments. Il ne servait à rien de faire la modeste, il avait bien raison, mais je n'aimais pas particulièrement qu'on me lance autant de fleurs d'un coup. Après tout, je ne faisais que courir, il n'y avait rien d'exceptionnel dans tout ça, excepté que j'avais peut-être évité d'être explosée par une bombe.  

-S'il n'en tenait qu'à moi, marmonna Charles en allumant sa pipe, elle aurait une place aux Jeux Olympiques.

-Voyons Charles, pouffa ma mère avec surprise. Les femmes n'ont pas leurs places dans des jeux comme ceux-là. 

-Où est le problème ? déclara-y-il avec amusement.

-Jamais une femme n'a participé aux Jeux Olympiques, répliqua ma mère.

-Il y a un début à tout, répondit-il en haussant les sourcils. Surtout que les femmes prennent de plus en plus d'importance. Il manque considérablement d'hommes dans les usines en ville et plusieurs vont les remplacer.

-Tu trouve cela correct ? demanda mon père à son meilleur ami.

-J'imagine que oui, je ne vois pas où est le problème. Si des femmes veulent faire de l'argent par elles-mêmes, qu'elles le fassent. De toute manière, il faut bien que la production industrielle continue. 

-Tu as sûrement raison, déclara mon père en hochant la tête. On ne peut pas se permettre de tout arrêter d'un coup, cela détruirait l'économie du pays qui est déjà bien mal prise avec la guerre.

La fille à l'écharpe rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant