Chapitre 4

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Vendredi 12 avril, 1943

Marie


Je montais rapidement les marches qui menaient à la porte d'entrée de ma grande maison. J'entrais sans cogner et retirais mon manteau humide et mon écharpe pour les accrocher à un support dans le vestiaire.

-Je suis là ! criai-je pour montrer que j'étais arrivée.

Pour toute réponse, j'entendis ma mère qui parlait au téléphone et je roulais les yeux, amusée. Depuis que nous avions cette merveilleuse invention chez-nous, maman passait des heures et des heures à bavarder avec ses amies, pouvant continuer de repasser le linge, le combiné coincé contre son épaule.

Une délicieuse odeur parvint jusqu'à mes narines et je reniflais de plaisir. J'avais horriblement faim et mon ventre gargouillait, me faisant immédiatement penser à Thomas que je venais de quitter, lui qui avait l'air si fatigué et affamé et j'eu un pincement au cœur en me rappelant ce qu'il m'avait dit : tous les juifs étaient encore dans le pays, tous dans le même état que Thomas, sinon pire.

Je me rappelais aussi la promesse que je lui avais faite, me demandant si je faisais vraiment la bonne chose : il fallait que je revienne le lendemain pour lui apporter de la nourriture.

Je sentais le besoin de l'aider et de le revoir, surtout depuis qu'il m'avait supplié de rester alors que je m'apprêtais à partir. Je ne sais pas ce qui m'étais arrivé, mais je crois bien que c'est de la pitié que j'avais ressentie à son égard.

En tout cas, il ne fallait absolument pas que mes parents apprennent que j'étais allé dans la forêt interdite et je secouais ma tête comme pour chasser Thomas de mes pensées, comme si l'oublier l'espace d'un instant empêcherait quiconque de lire dans mes pensées et ainsi connaitre mon secret.

Je me dirigeais vers ma chambre en passant devant le bureau de mon père. La porte était ouverte et je vis celui-ci en train d'écrire, avec une plume, accoudé à son immense bureau.

Je m'arrêtais devant la porte et toquais avant d'entrer discrètement, prenant soin de levé convenablement mes pieds en marchant pour éviter de les laisser trainer sur le plancher. Il releva les yeux de son ouvrage et il me fit son habituel sourire paternel.

Dès que je vis ses yeux, je sentis qu'il y avait quelque chose qui clochait chez lui, une étincelle, une joie, comme s'il avait une bonne nouvelle, peut-être une prime pour son travail ?

-Bonjour Marie. Comment s'est passé ta journée ?

-Bien, et toi ?

-Une journée chargée de travail, comme toutes les autres, dit-il en soupirant, sans pour autant arrêter de sourire, ses yeux plongés dans les miens.

Je n'osais rien lui demander, préférant le laisser me le dire s'il y a quelque chose qu'il voulait bien me confier, mais je voyais qu'il s'apprêtait à me faire une annonce, il attendait seulement que le moment de politesse soit terminé.

-Tu iras mieux lorsque tu auras mangé le bon petit plat que maman nous a préparé, déclarai-je en m'asseyant sur un des fauteuils placés devant le bureau massif.

-Bien sûr, répliqua-t-il avant de baisser les yeux au sol quelques secondes.

-Qu'est-ce qui se passe ? demandai-je, incapable de garder cette incompréhension devant son état.

-J'ai une grande nouvelle à t'annoncer.

Mon père n'avait jamais pris une expression aussi sérieuse et énigmatique, mais ses yeux trahissaient sa joie malgré qu'il semblât essayer de la cacher : ils pétillaient de bonheur. Mes sourcils se froncèrent d'eux-mêmes et ses lèvres formèrent faible sourire en voyant mon expression.

La fille à l'écharpe rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant