Dimanche 6 mai, 1943
MarieÉtait-il vraiment au courant pour les camps de concentrations? Si oui, comment le savait-il? Avait-il quelque chose à voir avec l'emprisonnement des juifs? Depuis çombien de temps était-il au courant?
Toutes ces questions arrivaient en même temps dans ma tête et je ne savais pas comment formuler une phrase cohérente, donc j'attendais que Vincent réponde à ma question. J'essayais de paraître la moins horrifiée possible: je n'étais pas supposée être au courant pour les juifs...
Je mourrais d'envie de poser toutes les questions d'un seul coup. Vincent aurait été enseveli sous la pluie d'interrogations.
Son visage restait impassible, puis il poussa un soupir en regardant à gauche et à droite:
-Oui.
La vérité me percuta et mon cœur rata un battement. Il savait. Vincent savait et ne faisait rien contre ça? Était-il pour ou contre ses camps? Devrais-je lui dire que moi aussi je savais? Il ne m'avait jamais parlé de ça.
Je jouai le rôle de la fille ignorante:
-Qu'est-ce qu'il y a? je demandai. Dis-moi...
-Je ne peux pas, il est mieux que tu ne le sache pas, répondit Vincent avec rapidité.
-C'est dangereux?
-Non... répondis Vincent avec hésitation. Mais juste que tu sache, ça te mettrait en danger.
Je le regardai avec insistance, mais toutes sortes d'émotions contradictoires venaient dans ma tête: il semblait vraiment être au courant de ce qu'il y avait dans la forêt.
-Alors, comment tu l'as su? je demandai en croisant mes bras sur ma poitrine.
-De ton père. Il est très important et son métier exigeait qu'il soit mis au courant.
Mon père? Mon père savait aussi! Mon esprit embrouillé ne savait plus quoi penser. J'espérais seulement qu'il n'avait pas contribué à cette horreur...
-Mon père?
-Oui.
Vincent continua:
-Tu vois? Ton père a jugé inutile que tu saches. Si quelqu'un doit te le dire, c'est lui, et il m'a interdit de te le révéler, alors...
Si je n'avais pas été dans la forêt, il y a presque un mois, je n'aurais jamais découvert le secret qu'elle refermait. Mon père ne me l'aurait jamais dit et je me demandais bien si ma mère était au courant elle aussi...
Voyant que Vincent n'allait pas me le dire, je tournai les talons en direction de chez-moi. Je souhaitais que Thomas ne soit pas trop inquiet puisque je n'allais pas le rencontrer aujourd'hui. J'étais vraiment triste de manquer un de nos rendez-vous qui comptaient tant pour moi.
Mon meilleur ami me rattrapa:
-Tu es fâchée? demanda-t-il avec amusement.
Je ne le regardai pas et marchai toujours aussi fermement.
-Non.
-Alors, pourquoi tu fais la tête?
Je poussai un grognement et accélérai le pas.
-Je ne suis pas fâchée, je suis même très calme.
-Tu veux qu'on fasse encore la course? demanda Vincent avec un grand sourire.
Un sourire de gamin.
Je lui jettai un regard de surprise avant de rouler les yeux et de retenir un sourire: il ne fallait surtout pas que je lui donne la satisfaction de m'avoir fait rire.
-Tu ne te rappel déjà plus comment notre dernière course s'est terminé? je demandai avec moquerie. C'est évident que je gagnerais à nouveau et de toute manière, je n'ai pas envie de courir.
-Tu as toujours envie de courir, réctifia Vincent.
Il avait parfaitement raison et j'en avais encore plus envie à ce moment là. Je voulais me sauver et ne plus le revoir. J'eu alors un éclair de génie: j'arrêtai brusquement de marcher et je me tournai vers lui en pointant mon index sur son torse:
-Est-ce que tu me fais confiance Vincent?
-Qu... Quoi? Mais, bien sûr.
Mes yeux se plissèrent et je serrai les dents.
-J'ai une seule chose à te dire: si tu compte me cacher des choses sans arrêt, tu peux définitivement dire adieu à notre mariage! Tout ça est bien la preuve que tu ne me fais pas confiance!
Je ne lui laissai pas le temps de répondre et je tournai les talons en retenant un sourire de victoire: voilà qui allait le laisser à distance pour quelque temps. J'avais juste eu le temps d'apercevoir son visage se décomposer tandis que je célébrais une victoire intérieure.
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La fille à l'écharpe rouge
Historical FictionUne fille avec une écharpe rouge, un garçon avec une feuille de papier et un crayon. Un grillage entre les deux pour les séparer mais, pourtant, ils réussiront à faire disparaître ce grillage, à faire tomber les murs, à faire taire jugements et inju...