Mardi 10 mai, 1943
MarieRapidement, je me levai et ramassais mon sac sans attendre. Mes mains tremblaient en pensant au dernier bombardement qu'il y avait eu: je devais l'avouer, j'avais peur.
J'allais partir, presque sans dire au revoir tellement j'étais figées, mais Thomas s'était levé en agrippant fermement le grillage.
-Marie.
Je me retournais, apeurée, vers lui, sentant mon coeur rater un battement en voyant l'inquiétude sur le visage de mon compagnon.
-Cours. Cours le plus vite que tu peux et ne t'arrête pas, déclara-t-il avec fermeté.
Je plaquais un rapide baiser sur ses lèvres à travers le grillage et partis en courant, comme il me l'avait dit. Je ne me retournais pas, mais me concentrais sur mes pas ne voulant pas que je trébuche sur une branches mortes ou une pierre.
J'entendis une autre détonation, cette fois, beaucoup plus proche. Le sol trembla légèrement sous mes pieds et les battements de mon cœur s'intensifièrent.
L'air semblait être devenu lourd tout d'un coup, comme si la forêt avait perdu toute sa vivacité, comme si elle savait l'ombre qui planait sur elle. Mes pieds avancèrent à une vitesse fulgurante et, si la peur ne m'avait pas tordue l'estomac, si le contexte avait été différent, j'aurais pu sourire de bonheur en me sentant si légère et libre.
Malheureusement, tout ce que je ressentais c'était la peur, tel un étau qui se resserrait autour de moi.
Une autre bombe toucha le sol au moment où je sortais précipitamment de la forêt. Il n'y avait personne et je continuai ma route beaucoup plus facilement sur le chemin de terre que dans la forêt encombrée. Je courais comme si ma vie en dépendait, ce qui était le cas.
Le vent fouettait vivement mon visage et mes cheveux flottaient derière moi, tandis que les sirènes d'avertissement retentissaient dans mes oreilles.
Mes bottes claquaient sur le pavé des ruelles désertes. Tous les habitants de mon village étaient déjà à l'abri, il ne restait que moi. La fille qui courait seule dans les rue et qui avait dû courir au moins dix minutes dans la forêt. Au moins, les bombes ne semblaient pas avoir été lâché très près.
J'espérais que personne n'était entrain de me chercher à l'extérieur et en ayant cette pensée, une personne en particulier me vînt en tête.
Une autre détonation, toute aussi lointaine.
Une crampe se forma dans mon ventre et je tentai de l'ignorer: j'étais sur le point d'arriver, j'allais pouvoir me reposer après.
Je tournais sur plusieurs coins de rues et j'aperçus enfin la maison désignée pour les bombardements. Le soulagement m'envahit soudainement et je fixai avec confiance la porte de la cave qui devenait de plus en plus grande.
J'arrivais finalement devant. Elle était fermé et je m'empressai de cogner sur le bois, jetant un coup d'œil nerveux vers le ciel en cherchant anxieusement des avions bombardiers. Rien.
Je me retournais précipitamment vers la porte en l'entendant s'ouvrir et, immédiatement, une main empoigna mon épaule et me tirai brusquement à l'intérieur.
La porte se referma derière moi et je n'eu pas le temps de regarder autour de moi : deux bras m'entourèrent les épaules et me serrèrent au point de m'étouffer.
Je reconnu bien vite Vincent et je l'entendis renifler contre mon cou, me prenant au dépourvu.
-Vincent ? Tu pleures ?
Je l'éloignais de moi pour observer son visage. Il garda les yeux baissés, visiblement honteux de se montrer aussi vulnérable et une petite larme coula le long de sa joue, me provoquant un pincement au cœur en le voyant dans cet état.
-Nous sommes tous en sécurité Vincent, tout va bien, je murmurai en agrippant sa main.
Je l'attirai à moi en le serra dans mes bras : Vincent avait beau être un vrai salaud parfois, il demeurait tout de même mon meilleur ami et celui avec qui j'avais passé toute mon enfance. Il enfouit sa tête dans mon cou en reniflant et je le berçais doucement en lui caressant les cheveux.
Les battements de mon cœur ralentirent progressivement et je soufflais de soulagement que Vincent ne soit pas en train de courir dehors à ma recherche.
-Viens, allons avec les autres, déclarai-je en entraînant Vincent avec moi.
Il me suivit docilement en séchant ses larmes, me faisant penser à un enfant. J'étais un peu surprise, n'ayant pas souvent vu Vincent pleurer en toutes ces années passées ensemble.
Avant de nous diriger plus loin dans la cave, je remarquai l'homme qui m'avait ouvert la porte et lui fit un signe de remerciement.
Nous suivâmes un corridor et nous arrivâmes finalement dans la salle commune où tout le monde était réuni. Vincent pris ma main et me guida jusqu'à mes parents qui me sautèrent littéralement dessus.
-Ma chérie! Tu nous as fait une telle peur! s'écria ma mère avec émotion en prenant mon visage entre ses mains.
-Je suis désolé, répondis-je avant qu'elle ne me serre dans ses bras.
-Où étais-tu ?
Je me tournai vers mon père, me dégageant de l'étreinte de ma mère. Je croisai son regard furieux, me sentant tout à coup toute petite.
-Imagine si tu avais été blessé ! Nous n'aurions pas pu aller te chercher !
-Je...Je suis désolé, bégayai-je avec une petite voix.
-Qu'avais-tu en tête ?!
Mon père frotta sa nuque avec nervosité, puis il inspira profondément par le nez en tentant de se calmer, tandis que je baissai la tête et fixai le plancher.
-Au moins, tu es vivante. C'est ça l'important, déclara mon père déjà plus calme.
Je voyais bien qu'il avait été inquiet et c'était compréhensible, j'aurais réagi de la même manière si mon enfant aurait été dehors durant un bombardement.
Nous nous instalâmes par terre et je jetais un coup d'œil à Vincent qui semblait perdu dans ses pensées. Je lui frottai affectueusement le dos pour le réconforter et il tourna son visage vers moi avant de me faire un mince sourire, que je lui retournai immédiatement.
-Vincent voulait aller te chercher, me chuchota ma mère à mon oreille en me regardant tristement. Les hommes ne voulaient pas le laisser sortir. Ils ont dit que c'était trop dangereux.
Je hochai la tête en jetant un remerciement silencieux à Vincent pour sa volonté de venir me chercher malgré le risque qu'il était près à prendre.
Je me collai à lui, complètement épuisée et son bras passa derière mon dos et me rapprocha de lui. Mes mains se posèrent sur son torse alors que je fermai les yeux.
Sans que je puisse contrôler mes pensées, je m'imaginai dans les bras de Thomas. J'imaginais qu'il s'appelait Vincent, le fils de Charles et Rosa. J'imaginais que nous étions fiancée, que notre mariage approchait à grand pas. Ma mère était en plein dans les préparatifs et mon père annonçait fièrement notre union à toutes ses connaissances.
Mes paupières devinrent de plus en plus lourdes et finirent par se fermer d'elles même. Mes pensées voguèrent encore un peu dans ce scénario que mon cerveau venait de créer, puis Vincent me murmura une phrase à l'oreille. Une phrase que je n'avais pas bien entendu.
Mais je m'imaginais avec Thomas. Je rêvais qu'il se penchait doucement vers mon oreille, son souffle s'écrasant sur la peau de mon cou.
-Je t'aime.
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La fille à l'écharpe rouge
Historical FictionUne fille avec une écharpe rouge, un garçon avec une feuille de papier et un crayon. Un grillage entre les deux pour les séparer mais, pourtant, ils réussiront à faire disparaître ce grillage, à faire tomber les murs, à faire taire jugements et inju...