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Attendant les quelques miettes habituelles, que leurs jetait le vieux au béret gris assis sur le banc à l'angle de la rue ; les oiseaux s'envolèrent avec des battements d'ailes furieux et surpris lorsqu' Anna et Jacob passèrent un peu trop près. Elle avait passé la veille cloitrée chez elle, comme un animal sauvage en cage, elle tournait en rond dans son appartement. A présent, marchant au grand air, dans les rues de Reykjavik, elle sentait le vent froid balayer ses cheveux et l'humidité commençait déjà à traverser ses vêtements. Elle n'avait fait correspondre aucune paire d'yeux à sa lente noyade, soulagée ; elle remercia Jacob qui lui tenait la porte de la boulangerie.

Une jolie petite boutique remplie de toutes les sortes de viennoiseries; pains au chocolat, beignets, chaussons aux pommes, brioches, croustillant aux amandes et oranais ; embaumaient la pièce d'une odeur de sucre et de beurre encore tiède. L'ambiance accueillante était accentuée par l'aimable boulangère au sourire éclatant et chaleureux. La petite trentaine, les cheveux or tirés en arrière dans une coiffure rétro, un tablier à carreaux bleus et blancs noué à la taille, les joues rosées par la chaleur du four, elle n'oubliait jamais de saluer chaque clients, qu'ils soient des habitués ou non.

Assise à une table contre la vitrine, elle attendait Jacob qui commandait le petit déjeuner, elle pouvait l'entendre « Bonjour, un café, un thé et deux croissants, s'il vous plait. », elle ne le voyait pas mais s'imaginait très bien son petit sourire en coin. Elle n'arrivait pas croire qu'il était encore là, avec elle. Anna lui avait presque tout raconté, son enfance traumatisante, ses hallucinations si on pouvait appeler ça ainsi, sa noyade de la veille, certains yeux qui étaient plus intenses que d'autres ; elle avait juste omit de lui préciser que les siens en faisaient partie.

Elle contemplait la vie qui s'accélérait derrière la vitre, quelque uns pressaient le pas tenant une petite mallette comme celles des hommes d'affaires ; des enfants attendaient le car scolaire avec un cartable plus gros qu'eux sur le dos, qui contenait surement leur doudou et un gouter préparé avec soin. D'autres plus calmes car certainement à la retraite, se promenaient en profitant de la ville et de la météo plutôt clémente pour un début décembre ; il fallait profiter de la lumière du jour car elle se faisait de plus en plus rare. Les commerçants commençaient à lever les rideaux de fer et tournaient la pancarte accrochée aux portes, du côté « OPEN » ; les dernières nouvelles des journaux apparaissaient sur des panneaux devant les tabacs. En lettres capitales sur la première page du quotidien, Anna réussit à lire « TRAGIQUE ACCIDENT » ; n'arrivant pas à déchiffrer la suite écrit en caractères plus petits, elle se leva précipitamment et fit tinter le carillon en sortant. Elle traversa la route sans même prêter attention à la circulation et resta planter devant les gros titres. « Hier en fin d'après-midi, le corps d'un adolescent a été retrouvé dans le vieux port, la cause de la mort n'est pas encore certaine cependant la noyade serait privilégiée d'après le médecin légiste... ». Elle sentait à nouveau, comme des filets d'eaux glacées qui glissaient le long de ses jambes ; la panique pouvait se lire dans son regard, elle craquait ses doigts un à un, respirait de plus en plus fort, tous les muscles de son corps étaient crispées comme s'ils se préparaient à un choc. Celui qui arriva était inattendu, une chaleur irradiait de ses épaules pour se diffuser dans ses bras et le haut de son dos. Elle était rassurante et familière; la panique se dissipait déjà, son souffle redevint régulier ; les mains de Jacob descendirent pour serrer celles d'Anna.


Les yeux d'AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant